La charismatique sénatrice du Massachusetts veut s’imposer lors des caucus de l’Iowa, le lundi 3 février. Ses supporters veulent croire qu’une femme peut battre Trump, quatre ans après la défaite de Hillary Clinton.
Il est près de 23 heures, vendredi 31 janvier, à Des Moines, capitale de l’Iowa. Elizabeth Warren monte sur la table de la brasserie locale Peace Tree, un micro a la main, pour remercier les centaines de supporters qui ont veillé pour la voir. Ces derniers sont tellement serrés qu’il est devenu difficile de lever le coude et d’apprécier les bonnes bières au menu.
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“Nous pouvons construire l’Amérique du futur. C’est notre moment dans l’Histoire”, leur a-t-elle lancé avant de se livrer à l’exercice obligé du selfie. Figure de l’aile gauche du parti démocrate, connue pour sa lutte contre les grandes banques, Elizabeth Warren fait partie des deux femmes, avec la plus modérée sénatrice du Minnesota Amy Klobuchar, qui font activement campagne pour remporter les caucus démocrates de l’Iowa.
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Ceux-ci auront lieu lundi 3 février à travers cet Etat rural de 3 millions d’habitants situé au cœur des Etats-Unis. Depuis 1972, les caucus donnent le coup d’envoi des primaires pour désigner le/la candidat.e du parti. Une victoire dans l’Iowa, même relative, permet de consolider une candidature en vue du reste de la course à l’investiture, qui se conclura en juillet par la convention du parti à Milwaukee.
“L’Amérique est prête à être dirigée par une femme”
Aujourd’hui, Elizabeth Warren oscille entre la 3e et 4e place des sondages. Mais il en faut plus pour abattre ses supporters, qui voient en elle une “battante”, prête à s’attaquer à la corruption qui gangrène la vie politique et à mettre en œuvre des réformes radicales (couverture santé universelle, impôts sur les “ultra-riches”…). Pour Dee Mathis, une habitante de l’Iowa, elle incarne plus que ça. “Notre pays doit passer d’une société patriarcale à une société de cœur. Il y a beaucoup d’hommes qui ont été élevés par des femmes seules. L’Amérique est prête à être dirigée par une femme”, affirme-t-elle. Elle l’assure, en 2016, Hillary Clinton n’a pas perdu à cause de la misogynie supposée de l’électorat : “C’était tout simplement une mauvaise candidate”.
Ken et Gail Marcus ont troqué le soleil de Honolulu (Hawaï) pour la neige de l’Iowa afin de faire campagne pour la sénatrice pendant un an. “Franchement, on en a marre des hommes et de leurs décisions nourries à la testostérone”, lance Ken, associé au sein d’un cabinet d’avocats. Il était allé jusqu’à écrire à Elizabeth Warren en 2016 pour qu’elle se présente. Au fil de ses appels téléphoniques et des sessions de porte-à-porte, la question du genre n’a pas été soulevée par ses interlocuteurs. Le “soutien” de la candidate à l’assurance santé universelle, réforme qui suscite des interrogations sur son financement et sa mise en place pratique, inquiète davantage, dit-il.
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La question de la capacité d’une femme à battre Donald Trump a provoqué une mini-crise chez les démocrates, tétanisés à l’idée de perdre face au milliardaire républicain. Début janvier, Elizabeth Warren a accusé son rival démocrate Bernie Sanders d’avoir dit, en 2018, qu’une femme ne pourrait pas devenir présidente – ce que l’intéressé dément.
“Un léger avantage électoral”
Interrogée sur cette question lors du dernier débat des primaires, mardi 14 janvier, la sénatrice a rétorqué que les quatre hommes présents sur la scène à ses côtés avaient perdu “dix élections” alors que les deux femmes (elle et la sénatrice Amy Klobuchar) avaient remporté toutes les leurs. Récemment, Elizabeth Warren s’est mise à en parler plus ouvertement dans ses meetings, assurant à son public et aux journalistes qu’une femme pouvait bien s’imposer face à Trump.
Elle envoie des messages subliminaux à ceux qui pourraient penser l’inverse. À Des Moines comme ailleurs, elle est venue avec les trois coprésidentes de sa campagne : les députées Ayanna Pressley, Katie Porter et Deb Haaland, toutes trois élues à la Chambre des Représentants lors des élections de mi-mandat de novembre 2018, qui ont vu un nombre record de femmes faire leur entrée au Congrès. “Les femmes ne sont pas perçues ou traitées par les médias comme les hommes, surtout quand il s’agit de la présidentielle, une élection qui a été très masculinisée. Comme il n’y a pas le précédent d’une présidente des Etats-Unis, cela ajoute un degré de difficulté pour elles, précise Melody Crowder-Meyer, professeure de sciences politiques à l’université Davidson. Mais cela ne veut pas dire qu’elles ne peuvent pas être élues. Après tout, Hillary Clinton a obtenu plus de voix que Donald Trump en 2016. Chez les démocrates, les études montrent d’ailleurs qu’être une femme donne un léger avantage électoral”.
Une étude réalisée en 2017 par trois chercheurs montre que l’hostilité envers l’idée d’une présidente a largement diminué depuis 2016 (de 26 à 13 %). Cependant, ces progrès sont fragiles, prévient Melody Crowder-Meyer. “Tout est une question de perception : si un débat éclate pendant la campagne et suscite des doutes sur la capacité d’une femme à diriger le pays, les électeurs vont se raccrocher à des modèles qu’ils connaissent, à savoir, voter pour un homme blanc”.
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