La blogosphère liée aux pratiques journalistiques a tendance à péricliter. Une pratique pourtant indispensable pour suivre les mutations des médias.
La veille quotidienne des médias serait-elle si énergivore qu’elle en épuise ses pratiquants les plus motivés ? Si l’on en juge par la baisse de forme quantitative de la blogosphère dédiée aux pratiques journalistiques, cela ne fait aucun doute. De capresse.org à ecosphere.wordpress.com, en passant par crisedanslesmedias. hautetfort.com, espritblog.com ou le philosophique journaldesocrate.ch, un certain nombre de blogs parmi les plus pertinents ont été mis en sommeil ces derniers mois. Perte de motivation ou temps compté ?
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» Lassitude (…) de dénicher des tendances hors de France, commente le journaliste multimédia Fabrice Gontier sur Espritblog. Et grosse lassitude de voir que sur le front des médias français en ligne… le web rime avec innovation zéro.(..) C’est la France. La rentabilité immédiate, l’incapacité à miser sur la recherche et l’innovation. »
La France trop frileuse sur le web : le diagnostic n’est pas loin d’être partagé par certains des bloggeurs les plus influents… surtout lorsqu’il s’agit d’évoquer l’activité des confrères.
» Les journalistes français sont ceux qui bloggent le moins. Un journaliste qui ne réfléchit pas à sa profession est un journaliste dangereux, dénonce Alain Joannès, auteur du Journalisme à l’ère électronique (Vuibert) et créateur de journalistiques.fr. Ici, les journalistes sont des petits marquis bardés de diplômes qui ne veulent pas se laisser interpeller. Ils estiment appartenir à l’intelligentsia et donc ne pas avoir à rendre de comptes au lecteur. Ils se trompent. »
Pour Benoît Raphaël, cofondateur du site lepost.fr et aujourd’hui consultant (benoitraphael.com), le secteur est en effet plutôt moribond. « C’est un peu toujours les mêmes que l’on lit. Peu de blogs créent vraiment le débat ou apportent une analyse originale. Les pros qui travaillent n’ont pas toujours le temps de blogger. Et ceux qui ont le temps n’ont pas toujours l’expérience. Et c’est cela qui manque le plus : l’expertise de ceux qui ont un vécu. »
Certains tirent pourtant leur épingle du jeu, et tout le monde en France ne souffre « écrire sur un blog vous oblige à ne pas vous contenter de survoler l’information » Benoît Raphaël, consultant pas du « syndrome Alain Duhamel » (aversion revendiquée pour les nouvelles technologies), pour reprendre l’expression née sur internetetopinion.wordpress.com.
Si l’analyse des médias s’appuie parfois sur des sites plus structurés (Owni, ReadWriteWeb, Arrêt sur images, ElectronLibre ou le collectif des Incorrigibles), certains s’emploient à déchiffrer les mutations du journalisme 2.0 en solo. Outre les pages d’Alain Joannès et de Benoît Raphaël, citons Media Trend de Marc Mentré, Samsa de Philippe Couve, W.I.P. d’Alice Antheaume (blog.slate.fr/ labo-journalisme-sciences-po) ou le plus culturel Sur mon écran radar, de Jean-Christophe Féraud.
» Ecrire sur un blog permet de rendre plus efficace votre veille et vous oblige à ne pas vous contenter de survoler l’information, résume Benoît Raphaël. De plus, le blog est une plate-forme qui permet d’organiser votre présence sur le web. Vous restez visible à l’intérieur d’un réseau, ce qui est primordial : c’est en échangeant avec ses pairs qu’on évolue. »
Cette logique poussée à son extrême a assuré le succès du vorace Twitter, l’un des principaux responsables du ralentissement de l’activité des blogs…
Pascal Mouneyres
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