Passée du statut de dinosaure à diva à une vitesse fulgurante, la data semble être le nouveau canal du cool. Décryptage d’une donnée brandie à tout bout de champs.
La data, une base de données infinie qui aide à nourrir, capter, cerner, appréhender et engager les processus de changement. Et qui attire, il fallait s’y attendre, un regard entrepreneurial aiguisé. Mais pas que. Baptisée avec aplomb « l’or noir de l’économie numérique » par les médias, la data et son exploitation créent une effervescence continue sur tous les fronts. Les nerds ont la cote et les nouveaux mots qui émanent de ses multi-usages prolifèrent. On voit naître des « data scientists », ou des spécialistes de la science des données et leur analyse, un rôle que le Harvard Business Review décrit comme « le travail le plus sexy du 21ème siècle ». Ou encore des « UX designers », en charge du design de l’expérience utilisateur via l’articulation des interfaces numériques. Ces jobs révèlent une nouvelle génération de professionnels et un milieu qui a pris une ampleur démesurée.
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Big data et tout le tralala
En avant donc, la déferlante de foires et de festivals à gogo, où la fameuse data est élevée en étendard d’un paysage international digital et futuriste révolutionnaire. Avec 124 000 visiteurs, 13 000 start-up, 2 000 investisseurs et plus de 125 pays représentés, Viva Technology – rendez-vous annuel mondial des start-up et des leaders industriels consacrés à l’innovation technologique – en est le vivier. Dans un cadre plus intimiste et moins capitalo-centré, on a vu fleurir Grow (pour Graphics On the Web), ou encore « Grand Frisson », des festivals démontrant la puissance magnétique de la data, du coding, du biomimétisme (imitation technique des processus mis en œuvre par la nature), comme un panorama complet des avancées mêlant tech et richesses créatives.
Chez les modeux, la data est aussi de la partie. Intégration de puces intelligentes au vêtement reliées à une application dédiée pour sa ligne Xplore, création d’un showroom virtuel en 3D, utilisation de la réalité augmentée en collaboration avec l’application Slyce, et plus en encore. Pour les pépites dont l’ADN même s’est construit autour du boom digital, on pense à Dyne et ses vêtements sportswear connectés, personnifiant notamment chaque vêtement grâce à des puces incorporées permettant au consommateur d’obtenir des informations produits (détails de fabrication, matériaux utilisés) mais aussi d’accéder à ses propres playlists de musique ou son rythme cardiaque. Et bien évidemment, le mastodonte LVMH lançait il y a tout juste un an sa « Maison des start-up technologiques » au sein de la station F à Paris ou l’analyse et l’exploitation de data est centrale. Qu’ils soient de renom, nouvelles étoiles montantes ou géants de l’industrie, ils sont unanimes : créateurs, ingénieurs et hommes d’affaires ont bien saisi l’enjeu d’intégration de ce savoir dans leur profession.
Mais au-delà de l’enjeu considérable de la donnée, poussant les entreprises à délier aisément les cordons de leurs bourses pour se placer en « game changer », le microcosme progressiste citoyen lui aussi surfe sur la tendance et use avec brio de ses propriétés.
Marqueur du temps, marqueur du cool
Si la titraille « Nerd is the new cool » vous est familière, c’est bien parce que le tout-technologique de notre société digitale déroule le tapis rouge aux data kids. Cette génération de nerds qui s’empare de la donnée pour en faire son gagne-pain, mariant intelligemment la rigueur scientifique et captant l’air du temps, est définitivement en ligne de front de la marche à suivre. Et puisque l’heure est à la techno comme à l’engagement, les démarches citoyennes mêlant activisme et maîtrise de la donnée prennent le pas.
Dans une démarche militante et revendicative, Mona Chalabi en fait la démonstration. Experte en data du Guardian, avec ses quelque 148 K abonnés, elle arpente Instagram et les médias, les podcasts et même le petit écran, offrant des infographies claires et concises sur les propos médiatiques, déconstruites à la force de la data. Allant du Niqab à la taxe tampon, en passant par l’immigration, les conflits politiques et autres problématiques de classe, de sexe, de genre et d’ethnicité, sa fulgurance symbolise bien le succès de ces nouveaux moyens d’expression des maux du monde, et le retour du mojo des nerds.
Dans la même mouvance « woke », ce printemps à la Gaité Lyrique, 23 artistes et collectifs féministes ont présenté l’exposition Computer Grrrls : « Histoire·s Genre·s Technologie·s », avec pour question centrale : le coding et la data au service d’une économie plus inclusive ? Une initiative engagée et révélatrice d’une appropriation de la data par la relève citoyenne. Tout comme les Computer Grrrls, on voit ainsi s’imposer des pépites comme Trans*Code, GirlsinTech, Sista, 50inTech et d’autres. Un cortège de résistance qui bombe le torse, s’appropriant avec audace et sans vergogne les outils à disposition, pour multiplier ses champs d’expressions et porter haut et fort ses revendications. Alors à la question de comment se redessine et se meut le paysage du cool à l’air du tout-digital, c’est la donnée que l’on retient.
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