L’époque glorieuse de la Megadrive et de la Dreamcast, des premiers « Sonic », de « Shenmue », des salles d’arcade et des pubs télé paraît bien loin : aujourd’hui, Sega mise sur les jeux mobiles et le online. Les vieux fans de l’éditeur japonais dépriment. Et s’ils avaient tort ?
Il y a le ciel bleu, les palmiers et la route, à perte de vue. Au volant de notre Ferrari rouge, on accélère en longeant la plage, puis les champs, le désert. On passe la vitesse supérieure –c’est étrange, notre Testarossa n’en compte que deux – et le compteur s’affole. 293 km/h. La musique de l’auto-radio nous berce et nous porte en même temps. On file, on flotte, on décolle.
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Quoi de neuf en ce printemps 2015 chez Sega, le légendaire éditeur japonais ? OutRun, ou plus précisément 3D OutRun, nouvelle version du jeu de course de Yu Suzuki dont l’arrivée dans les salles d’arcade, en 1986, fit tourner bien des têtes juvéniles. Et qui scintille désormais en relief sur l’écran de la 3DS. Mais, des titres qui ont fait la gloire de Sega, OutRun n’est pas le seul à revenir sur le devant de la scène.
C’est aussi le cas de Fantasy Zone II, facétieux shoot’em up à défilement horizontal aux allures de réponse japonaise kawaii, avec couleurs éclatantes et ennemis à croquer, au pionnier américain Defender. Mais il ne s’agit pas ici d’adaptations paresseuses de ces tubes rétro. Dans l’opération, ils gagnent en effet, en plus de l’affichage 3D, de nouveaux modes de jeu, des fonctions de sauvegarde et de réglage de la difficulté et de nettes améliorations techniques. A l’échelle du jeu vidéo, c’est l’équivalent de la remasterisation soignée de classiques du cinéma. Et Sega ne s’arrêtera pas à OutRun et Fantasy Zone II puisque, dans les prochains mois, Thunder Blade (dès le 14 mai), Streets of Rage 2, Gunstar Heroes et Sonic the Hedgehog 2 bénéficieront du même traitement.
http://www.youtube.com/watch?v=Zv3pUOusDB8
C’est bien gentil, rétorqueront certains, mais ne peut-on pas attendre plus que ça de Sega ? Le Sega qui concurrença jadis Nintendo avec sa Megadrive, qui bouscula le monde du jeu avec Sonic ou Shenmue. Le Sega qui était « plus fort que toi ». On peut le regretter, mais ce Sega-là est mort et enterré. Depuis son abandon du marché des consoles après l’échec commercial de la Dreamcast, l’éditeur n’a cessé de fondre et de redéfinir ses priorités sur fond de bilans financiers régulièrement décevants.
Vers le mobile
Et le dernier repositionnement de Sega Sammy, holding née de sa fusion avec le roi du pachinko, a choqué bien des gamers nostalgiques : pour l’éditeur, les priorités sont désormais officiellement le mobile et les jeux PC en ligne. Si la sortie européenne, par exemple, d’un titres comme Yakuza 5 reste programmée (en collaboration avec Sony) pour 2015, les jeux pour consoles de cette ampleur risquent de se faire plus rares chez Sega, qui devrait miser davantage sur les déclinaisons iPhone ou Android de ses séries historiques – Sonic, Crazy Taxi ou Super Monkey Ball ont déjà sauté le pas.
C’est triste ? Peut-être, mais on aurait tort de désespérer de Sega. D’abord parce que, ces dernières années, l’éditeur a pris un virage déterminant vers l’Occident en s’offrant des studios comme Creative Assembly, Relic Entertainment ou Sports Interactive. Des titres PC comme Football Manager, Company of Heroes ou Total War (dont un épisode dans l’univers de Warhammer vient d’être annoncé) sont désormais des jeux Sega.
Le grand écart, une tradition
Une hérésie pour l’éditeur japonais ? Pas vraiment, car son histoire est justement faite d’échanges et d’aller-retour entre l’Orient et l’Occident, de sa fondation par des Américains (qui s’installèrent à Hawaii avant de gagner Tokyo) au développement outre-Atlantique de plusieurs Sonic. Et s’il y a un monde entre la gestion de Football Manager et les jeux de rythme follement nippons de la franchise Hatsune Miku (qui investit la 3DS fin mai avec Project Mirai DX), rien ne ressemble plus à Sega que ce grand écart apparent. C’est son identité, son ADN – et les jeux sont bons.
Mais la meilleure raison de croire en son avenir réside peut-être dans le dévoilement d’un titre gentiment facétieux. Conçu par Game Freak (à qui on doit les Pokémon), Tembo the Badass Elephant sortira l’été prochain (en téléchargement) sur PS4, Xbox One et PC. C’est un jeu d’action en 2D, au style très BD.
Sera-t-il brillant, moyen, horrible ? Nul ne le sait encore, mais on lui devine une frénésie joyeuse de série B libérée dans la lignée du petit bijou Hell Yeah ! des Parisiens d’Arkedo, déjà distribué par Sega. Ce qui est beaucoup plus excitant que, par exemple, les dernières aventures en date de sa mascotte historique Sonic. Et si, en privilégiant le jeu dématérialisé et à budget modéré aux grosses productions pour consoles, la société qui offrit au monde Comix Zone, Kid Chameleon et Nights into Dreams renouait finalement avec sa tradition fougueusement iconoclaste ? En attendant d’en avoir le cœur net, il nous reste toujours Out-Run. Les meilleurs éditeurs trébuchent parfois, mais les grands jeux ne meurent jamais.
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