Après un an et demi de tensions et de polémiques, le directeur de l’information de France Télévisions, Michel Field, démissionne. Retour sur son bilan mitigé.
“Par souci d’apaisement.” C’est l’explication qu’a donnée Michel Field, ce lundi 22 mai dans un communiqué, après avoir présenté sa démission. Au bout d’un an et demi de désaccords et de luttes acharnées avec ses équipes, le journaliste de 62 ans quitte son poste de directeur des informations de France Télévisions. Propulsé en 2015 par la PDG Delphine Ernotte, il avait opéré très vite des changements profonds et bousculé les émissions politiques.
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Des méthodes de management accompagnées de saillies publiques parfois violentes, qui ont, depuis le début, inquiété une grande partie de la rédaction. A tel point que Télérama parle aujourd’hui d’une « erreur de casting » de la part de Delphine Ernotte. « Field montre un grand mépris et une désinvolture envers les équipes », déplorait une journaliste en 2016 dans les colonnes du Monde. Parmi ses grands chantiers, on retiendra celui du lancement de la chaîne d’information en continu Franceinfo, et la fusion des rédactions de France 2 et France 3 (prévue pour 2018).
Démission de Michel Field pic.twitter.com/pK5GlvSrH0
— Julien Bellver (@julienbellver) May 22, 2017
Imbroglio en cascades
A peine arrivé à la tête de l’information, Michel Field met fin à Des paroles et des actes, et limoge Guilaine Chenu et Françoise Joly de la présentation d’Envoyé spécial où elles avaient siégé pendant 16 ans. Un imbroglio de taille pour le directeur de France Télévisions puisque le matin même avant de demander leur départ, Michel Field leur assurait qu’elles seraient de retour à la rentrée, avant qu’elles n’apprennent leur éviction le soir même, en lisant la presse. « Des infos sortent d’abord dans la presse, puis sont démenties, puis se révèlent vraies », dénonçait à ce propos une journaliste auprès du Monde. En avril 2016, invité sur le plateau du Supplément (Canal+), Michel Field revenait sur cette polémique et évoquait maladroitement une émission « essoufflée ».
A cette époque, France 2 prépare une grande émission intitulée Dialogues citoyens où François Hollande doit échanger avec des citoyens. Mais le patron de l’info se voit alors critiqué en interne pour avoir été trop conciliant avec les demandes de l’Elysée. Et pour cause, Michel Field aurait accepté de retirer deux noms de la liste des Français, jugés trop virulents, qui devaient s’entretenir avec le président de la République à la demande de l’Elysée.
« C’était une volonté de notre part, pas une demande de l’Elysée, assure à l’époque Michel Field. Avoir moins de citoyens permettait d’avoir un vrai dialogue, pas seulement un témoignage, une question et une réponse du président, et puis c’est tout. »
La « virevoltante et sexy » Léa Salamé
Et comme le révélait Le Monde, M. Field a reconnu avoir transmis les « grands équilibres » et le « squelette » de l’émission à l’équipe de François Hollande. Pour couronner le tout, le Canard enchaîné révèle que le patron de l’info de France Télévisions aurait utilisé les termes « virevoltante et sexy » pour expliquer le choix de Léa Salamé pour l’interview du président de la République dans Dialogues citoyens.
C’est aussi au mois d’avril que les salariés de France Télévisions se mettent en grève dans le cadre du projet de fusion des rédactions de France 2 et France 3. « Ça m’en touche une sans faire bouger l’autre », aurait alors commenté Michel Field, en référence à une expression de Jacques Chirac. Un mépris et une condescendance qui, une fois de plus, ne passent pas dans les couloirs du groupe audiovisuel. Bien qu’il ait tenté de calmer le jeu en avouant « des maladresses », une motion de défiance est adoptée à 65 % des voix le 20 avril 2016.
Septembre 2016, le Canard enchaîné révélait comment Nicolas Sarkozy aurait fait pression afin de reculer la date de diffusion d’un reportage d’Envoyé spécial consacré à l’affaire Bygmalion. A l’époque, l’équipe du candidat à la primaire des Républicains avait « menacé France Télé de représailles”, écrivait le Palmipède. S’en est alors suivie une violente dispute entre Michel Field et Elise Lucet (nouvelle patronne d’Envoyé spécial). La journaliste avait reçu le SMS suivant : “Plus question de diffuser le sujet Bygmalion avant la fin de la primaire de la droite prévue pour les 20 et 27 novembre”. Au final, le reportage a bien été diffusé le 8 septembre, mais dans une version légèrement raccourcie.
Qui pour lui succéder ?
Pont culminant de ces tensions, la semaine dernière, Michel Field publiait une tribune dans Libération où il critiquait les JT de 20h de France 2 en fustigeant « le journaliste incarné où le reporter met en scène son investigation ou son questionnement », dont le 20 heures et Cash Investigation avaient fait leur marque de fabrique. Deux motions de défiance contre le journaliste et la PDG avait été alors déposées. Semant encore le trouble, quelques jours plus tard, David Pujadas était écarté de la présentation du 20 heures. Une éviction qui n’avait « rien à voir » avec les deux motions de censure votées auparavant, selon Manuel Tissier, président de la Société des journalistes de la chaîne.
Reste encore à savoir qui remplacera Michel Field. Comme le rappelle Télérama, Delphine Ernotte a déjà proposé, dans le passé, le poste à Elise Lucet, qui avait à chaque fois décliné. « J’aime avoir les mains dans le cambouis. Et je suis heureuse là où je suis, ayant le sentiment d’y être exactement à ma place et d’y être utile. Je ne me sens pas l’âme d’une directrice, même si je ne dis pas que je ne le deviendrai jamais », confiait-elle à l’hebdomadaire.
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