Méfions-nous des idées reçues. Metroid n’est pas une série de jeux d’action futuristes inspirée par le film Alien aux développeurs de Nintendo et plus particulièrement, dans les années 1980, à l’équipe du regretté Gunpei Yokoi. Pas seulement, en tout cas, car c’est aussi une passionnante simulation de cartographie. Alors qu’à l’écran, dans un univers éternellement […]
Le luxueux remake du deuxième volet de la saga “Metroid” n’est pas qu’une aventure futuriste sombre et fascinante. C’est aussi une éclatante célébration des plaisirs méconnus de la cartographie.
Méfions-nous des idées reçues. Metroid n’est pas une série de jeux d’action futuristes inspirée par le film Alien aux développeurs de Nintendo et plus particulièrement, dans les années 1980, à l’équipe du regretté Gunpei Yokoi. Pas seulement, en tout cas, car c’est aussi une passionnante simulation de cartographie. Alors qu’à l’écran, dans un univers éternellement nocturne et à la fois atroce et merveilleux, des créatures étranges se jettent sur notre alter ego Samus Aran (qui se trouve par ailleurs être l’une des premières grandes héroïnes de l’histoire du jeu vidéo), c’est parfois tout à fait autre chose qu’on a en tête : des couloirs, des portes, des recoins ou des passages secrets. Et puis un petit carré, collé à un grand rectangle qu’en prolonge un autre tout fin et étiré. Le plan des lieux est le premier enjeu.
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Si Metroid Prime, la branche 3D de la saga dont l’épisode 4 est attendu sur la Switch, mérite bien des louanges, on n’est pas loin de penser que la place idéale de Metroid est sur la 3DS parce qu’avec ses deux écrans, la console portable matérialise parfaitement ce qui se passe en nous quand on y joue. En haut, il y a l’action tendue, les décors et les monstres fascinants (d’autant plus si l’on active l’affichage en relief qui, sur 3DS, s’est rarement révélé aussi impressionnant), et aussi, par moments, ce vide (cette absence de tout, de trésors, de dangers…) qui marque au moins autant que le plein. En parallèle, au fur et à mesure de notre avancée, la carte se complète sur l’écran du bas de la console. Une carte que l’on peut annoter à volonté, histoire de ne pas oublier qu’à tel endroit, il y a un passage pour le moment inaccessible et qu’il serait dommage de ne pas revenir voir plus tard, quand les capacités de notre personnage et son armement auront progressé – le principe, à base d’exploration non linéaire, a donné naissance à un sous-genre du jeu d’action-aventure baptisé « Metroidvania » car héritier à la fois de Metroid et de Castlevania.
D’un côté, donc, le spectacle, la fiction et, dans une certaine mesure, l’identification. De l’autre, quelque chose de beaucoup plus théorique, un travail cérébral, un exercice de modélisation. Dans Metroid, notre premier adversaire est l’espace. Pour le dominer, il faudra le décomposer, le faire basculer dans l’abstrait. Ce qui revient du même coup à révéler sa beauté née du travail des level designers. Car, oui, une carte, en tant que mise à plat d’une pensée, ça peut aussi être magnifique.
Officiellement, le jeu est un remake de Metroid II, paru à l’origine sur GameBoy en 1991 (et, pour les amateurs de comparaisons, disponible sur la boutique en ligne de la 3DS). Mais le terme est sans doute plus à entendre au sens cinématographique car, contrairement à bien des cas de remake vidéoludique, l’affaire est loin de se résumer à la mise à jour technique d’un jeu du passé. Ce que propose Samus Returns, c’est plutôt un autre point de vue sur l’aventure de Metroid II et, en matière de jeu vidéo, un autre point de vue, c’est souvent d’abord un autre tempo. Le changement le plus visible concerne le système de combat qui offre à notre héroïne le pouvoir de contre-attaquer – l’idée viendrait du studio espagnol MercurySteam qui a développé le jeu sous le contrôle de Nintendo. Ce seul ajout suffit à modifier radicalement la dynamique du jeu : réagir dans le bon timing suffit désormais pour repousser les assauts de nombreux ennemis sans subir le moindre dommage. Samus ne se contente plus de les abattre à distance. Maintenant, elle semble danser avec eux.
Ce n’est cependant que l’une des multiples modifications, petites ou grandes, opérées sur le système de jeu de Metroid II. Parmi celles-ci, on apprécie tout particulièrement la possibilité de scanner les lieux qui nous entourent afin d’y révéler les éventuels passages ou objets cachés, même si certains jugeront sans doute qu’elle nous mâche le « travail ». Ce n’est pas faux mais, au même titre que les points de téléportation qui permettent de bondir d’une zone à l’autre du monde de Samus Returns, cette petite innovation permet de se concentrer sur l’essentiel en éliminant ce que l’original pouvait avoir de fastidieux.
Mais l’essentiel, c’est quoi ? C’est, par exemple, l’excitation qui nous gagne quand Samus obtient le droit de se transformer en une boule qui roulera dans les conduits les plus étroits – un élément clé de la série Metroid – et plus encore quand ladite boule devient capable de grimper en se collant aux murs et aux plafonds. Alors, tous ces passages haut perchés nous deviennent accessibles – on ne sait plus où donner de la tête. Dans ces moments, le double jeu n’en fait plus qu’un et voilà le joueur qui s’épanouit à la fois dans l’écran du haut et dans celui du bas de la 3DS, dans le concret (défiant la pesanteur, la boule escalade les parois) et dans l’abstrait (une nouvelle partie de la carte se remplit et c’est en soi une intense satisfaction). L’essentiel, c’est d’appréhender un espace dans toutes ses dimensions, en maître nécessairement provisoire d’un labyrinthe dans lequel on ne tardera pas à se reperdre avec délice. C’est d’être à la fois un ventre et un cerveau, à la fois dans le jeu et au-dessus, à la fois un personnage de fiction et pleinement soi-même. Il se murmure qu’avec le succès de la Switch qui est aussi une console portable, la 3DS se dirigerait doucement vers la retraite. Si ça doit se confirmer, le bouquet final a superbement commencé.
Metroid : Samus Returns (MercurySteam / Nintendo), sur 3DS, environ 35€
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