A quoi ressemble le quartier situé près de la station Maelbeek, à Bruxelles, cible de l’attentat suicide qui a fait une vingtaine de morts ce 22 mars ?
« A travers les attentats de Bruxelles, c’est toute l’Europe qui est frappée. » Ces mots de François Hollande, dans le communiqué officiel de L’Elysée suite aux attentats qui ont fait une trentaine de morts dans la capitale belge, témoignent de la dimension symbolique du lieu ciblé. Le président de la République l’a répété lors de son allocution : « Le terrorisme a frappé la Belgique, mais c’est l’Europe qui était visée ».
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« A travers les attentats de Bruxelles, c’est toute l’Europe qui est frappée. » #Hollande pic.twitter.com/RWWOvFkmje
— Thomas Vampouille (@tomvampouille) 22 mars 2016
Une station au centre des institutions
La station de métro Maelbeek, à l’est du centre de Bruxelles, où un attentat suicide a eu lieu ce 22 mars à 9h11, faisant une vingtaine de morts, fait en effet figure de métonymie de l’Europe tout entière. Située dans la partie nord du quartier européen, elle est à l’épicentre des institutions de l’Union européenne (UE). Peu de temps après l’explosion, la zone a été bouclée par les forces de sécurité, nous explique Quentin Ariès, reporter pour le site Politico, spécialisé sur les questions européennes. Les locaux de ce média se situent rue de la Loi, sur laquelle débouchent les portes du métro Maelbeek. « Maelbeek doit être au numéro 120-130, et nous on est au 62, littéralement à 300 mètres », détaille-t-il.
A quoi ressemble le quartier ciblé ? Il se caractérise par une remarquable concentration des institutions de l’UE : « La Commission européenne est à cent mètres, tout comme le Conseil de l’Union européenne où se réunissent les chefs d’Etat, le Parlement est à 5 minutes [au sud, ndlr], et en descendant la rue il y a pas mal de directions de la Commission européenne ». C’est ce qui fait dire au journaliste à Libération, spécialiste de l’UE, Jean Quatremer, que « cette fois-ci l’UE aussi » était visée :
Cette fois l’UE aussi visée #attentatsBxl
— Jean Quatremer (@quatremer) 22 de marzo de 2016
« Il y a aux environs une grande concentration de bâtiments qui abritent des organes de la Commission européenne, comme l’immeuble Charlemagne, et plus loin, le Berlaymont, deux constructions imposantes qui agissent comme des repères visuels dans le quartier, mais aussi comme autant de symboles de la présence des institutions européennes à Bruxelles », décrit l’historien et écrivain belge Marc Meganck, auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire de la capitale belge.
Un peu plus loin en descendant la rue de la Loi, une des artères principales de la ville, s’alignent « une très grande partie des ministères belges, et le cabinet du Premier ministre Charles Michel », décrit le journaliste Quentin Ariès.
« Le quartier international par excellence »
Est-ce la raison pour laquelle les terroristes ont ciblé cet endroit en particulier à Bruxelles – capitale symbolique en elle-même ? D’autres facteurs, plus pragmatiques, peuvent expliquer que cette zone ait été choisie : l’une des deux lignes de métro les plus fréquentées de la capitale belge passe par cette station. Traversant la ville « de banlieue à banlieue en passant par le centre, elles sont très fréquentées le matin », explique Quentin Ariès. « C’est un avant tout un lieu fréquenté par les travailleurs, un lieu de passage bondé de monde aux heures de pointe ; on se trouve sur une des deux principales lignes du métro bruxellois », confirme Marc Meganck.
De fait, environ 25 000 personnes travaillent à la Commission européenne, de même au Conseil de l’Union européenne, et entre 10 000 et 15 000 travaillent au Parlement européen. Un bassin d’activité auquel il faut ajouter les cabinets d’avocats, les lobbys et les ONG. C’est ainsi le premier pôle d’emploi international et européen de la Région. Quartier institutionnel et d’affaires, donc, mais pas seulement : « C’est le quartier international par excellence, où sont installées pas mal d’ambassades ».
« La station Maelbeek n’a cependant pas la centralité et le symbolisme de Schuman, qui est véritablement le cœur de Bruxelles l’Européenne et qui dessert le siège de plusieurs institutions, nuance le professeur de science politique à l’Université libre de Bruxelles François Foret. Le dispositif sécuritaire est sans doute plus important à Schuman, ce qui peut être dissuasif. Il est simplement frappant de constater que les cibles des attaques sont d’abord des lieux faciles d’accès et très difficiles à contrôler du fait des flux qui les traversent. Ce sont aussi des lieux d’ouverture et d’échange, de mélange des populations. Cette facilité et cette signification peuvent être des éléments d’explication pratiques. »
Des rassemblements contre le terrorisme ont eu lieu tout près
Le quartier européen offre également des espaces publics symboliques, comme le rond-point Robert Schuman. C’est ici que 4000 personnes se sont rassemblées pour se recueillir en silence le 14 septembre 2001, quelques jours après les attentats du 11 septembre. Si le 13 novembre les terroristes avaient ciblé à Paris une certaine jeunesse, celle qui va boire des verres et participe à des concerts, ils ont cette fois-ci attaqué des citoyens belges avec la même cruauté, au cœur de l’Europe, en plein centre de décision de l’UE, parfois même qualifié de « bulle« .
Cet endroit a-t-il été choisi pour sa vocation symbolique ? « C’est fort probable, estime Marc Meganck. La station Schuman [vers l’est, après Maelbeek, ndlr] aurait cependant eu encore plus d’impact, lorsqu’on se souvient que Robert Schuman est un des pères fondateurs de la construction européenne ».
Après Molenbeek, plaque tournante du terrorisme belge islamiste, Maelbeek restera sans doute dans la mémoire collective comme un autre lieu du terrorisme en Belgique. Littéralement ces deux noms signifient « le ruisseau du moulin » et « le ruisseau qui moût », en référence aux nombreux moulins à eau qui étaient autrefois établis sur ses rives. « La topographie de l’horreur et de la lâcheté terroristes pleure décidément dans les fonds de vallées », conclut l’écrivain.
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