Parce que les convictions féministes ne sont pas liées au simple fait d’avoir un pénis ou un vagin, le courant des hommes féministes progresse contrant au passage l’essor des théories masculinistes.
Homme et féminisme. En apparence, deux termes que la sémantique oppose. Mais au regard de l’évolution sociétale française, ce syncrétisme prend tout son sens. Car oui, le féminisme est aussi une histoire d’hommes et pas seulement « un truc de nanas poilues et méchantes », rappelle avec humour Ophélie Latil, l’une des porte-paroles du collectif féministe Georgette Sand. Les hommes ont joué, jouent et joueront un rôle prépondérant notamment dans la lutte pour l’égalité des sexes dans une société encore dominée par les discriminations, les privilèges et les stéréotypes. « A la fin de la IIIème République, les hommes ont commencé à s’impliquer dans les mobilisations féministes à l’image de Léon Richer qui impulse alors une dynamique collective pour le droits des femmes (…) », comme le souligne le sociologue Alban Jacquemart, auteur de l’ouvrage Les hommes dans les mouvements féministes. La part de ces militants féministes va diminuer et atteindre environ 10% dans les années 30. Ils resteront minoritaires dans les années 70.
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« On ne nait pas féministe, on le devient »
Aujourd’hui encore, autant il est difficile de quantifier les hommes se réclamant du féminisme qu’il est délicat d’en définir les différentes formes auxquels ils sont susceptibles d’adhérer. Car il existe bien plusieurs visages de ce mouvement. Selon Christine Delphy, sociologue, avant de se revendiquer de toute forme de féminisme, il est essentiel que les hommes « connaissent les théories féministes et prennent le travail des féministes et des femmes au sérieux » tout en ayant conscience « de leur bénéfice et de leur part dans l’oppression » subie par les femmes. Elle indique que « c’est le chemin à parcourir pour s’attaquer aux sexismes à l’intérieur et l’extérieur de nous ».
Être sensibilisé aux inégalités est donc un premier pas pour certains vers un féminisme engagé ou revendiqué, comme Romain Sabatier, secrétaire général du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes : « J’ai été embauché par la députée Danielle Bousquet. Je passais de sujets en sujets et je remarquais des inégalités folles. Je me suis demandé comment tout cela ne m’avait pas sauté aux yeux avant. Depuis, mon engagement s’est structuré autour des inégalités sociales ». De son côté, Youcef, l’un des hommes dont « Les Georgettes » ont fait le portrait, a décidé d’œuvrer pour la cause au quotidien en prenant notamment un congé parental de deux ans pour permettre à son épouse de s’affirmer professionnellement. « Pour moi, le féminisme se milite aussi bien dans la cuisine ou la chambre. On peut tous agir grâce à de petites choses. »
Une nécessaire révolution sur soi-même qui peut être inculquée à ses enfants. Car l’éducation, au sens large, est l’un des leviers de cette lutte pour égalité. « C’est dans la prime enfance que tout se joue, rappelle Claire Serre-Combe, porte-parole d’Osez le féminisme. Il faut remettre en question l’éducation stéréotypée, ébranler le modèle éducatif », tout en responsabilisant les futurs parents.
Dérives opportunistes
Même si le combat des féministes s’inscrit dans la durée, la société semble aujourd’hui plus à même « d’entamer une transformation sociale vers l’égalité », explique l’auteur Patric Jean. Toutefois, il rappelle qu’il est essentiel que les hommes s’imposent des garde-fous afin d’éviter tout réflexes conditionnés notamment au sein des associations féministes mixtes. Certains mécanismes de domination ont en effet tendance à se reproduire.
« Dans une réunion, on a compté le nombre de fois où les hommes, environ 20%, intervenaient et on a chronométré leur temps de parole. Ils prennent plus facilement la parole et interviennent plus longuement. On est vigilantes. Il est important de respecter la parole des femmes en public, souligne quant à elle Claire Serre-Combe. Les hommes ont aussi à gagner dans ces combats (…) Il est important qu’ils ne coupent pas la parole dans les réunions (…) et qu’ils restent dans une forme de relative discrétion car ça reste compliqué de dénoncer quand on appartient au groupe qui agresse, insiste-t-elle, dénonçant la stratégie du mansplaining. (…) Un homme ne peut pas m’expliquer ce qu’est le sexisme, tout comme en tant que femme blanche je ne peux pas expliquer ce qu’est le racisme à une femme noire. »
Depuis la fin des années 90, le discours de renouveau au nom de la mixité militante a réémergé, et ses interrogations avec. « Dans quelle mesure les dominants doivent être acteurs de la lutte contre la domination ? », s’interroge Alban Jacquemart. Quant à la question de savoir si un homme à la tête d’une association féministe est envisageable, Claire Serre-Combe explique qu’elle ne s’est jamais vraiment posée car aucun d’eux ne s’est jusqu’à présent porté volontaire pour le porte-parolat tout en admettant que ça susciterait bon nombre d’interrogations.
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