Certaines se masturbent en matant des mecs en plein orgasme, d’autres consacrent des blogs à leurs acteurs préférés. A la rencontre de celles qui mouillent pour les porn-stars gays.
Les idées pour le numéro sexe surgissent souvent de façon inattendue. Ainsi de ce sujet dont l’origine est à chercher du côté d’une amie de collège qui s’émoustillait en visionnant en boucle les roulages de pelle de Brian Molko et Stefan Olsdal lors de lives de Placebo enregistrés sur VHS.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Des années plus tard, nous voici à taper “femmes+ porno+gay” dans Google, la clé pour accéder à un univers bien réel et jusqu’alors inconnu de nous : celui des femmes sexuellement excitées par la vue de mecs en plein ébat homosexuel. En 2014, une étude coréalisée par Pornhub et Buzzfeed révélait que les femmes matent en premier lieu du porno gay. Lesbien en pole position, masculin ensuite, à peu d’écart près.
“Les vidéos douces ne m’intéressent pas. Il faut que ça soit animal”
C’est en 2013, lorsqu’elle achète son premier smartphone, que tout bascule pour Virginie (tous les prénoms ont été modifiés) : cette mère de famille de 46 ans avec un boulot dans l’administration et un engagement en politique peut enfin mater du porno peinard ! Dogging, creampie, gangbang… tout y passe, mais l’excitation reste mesurée.
Si bien qu’un beau jour, Virginie clique sur la mention “gay” de YouPorn. Feu d’artifice dans le bas-ventre. “Cette violence dans l’acte ! Les vidéos douces ne m’intéressent pas. Il faut que ça soit animal. Il y a l’interdit aussi, le côté voyeuse, renforcé par mon éducation où toute sexualité était taboue. Regarder du porno est déjà une transgression pour moi. Alors du porno gay…”
“Ce qui m’intéresse, c’est le sexe de l’homme”
Mais ce qui l’excite le plus, c’est précisément l’absence de femmes. “Voir des filles ne m’apporte pas grand-chose. Ce qui m’intéresse, c’est le sexe de l’homme. Et entendre une fille qui pousse des beuglements en simulant m’énerve au plus haut point.”
Vingt ans de moins mais arguments similaires chez Sofia, qui exècre le porno hétéro et “ses bruits qui n’existent pas”. La jeune femme, qui bosse dans l’industrie musicale, mate du X gay depuis ses 16 ans, l’assume totalement et ne s’encombre même plus avec le reste des productions porno.
“Je n’avais plus envie de voir de meufs à l’écran. Des meufs que je ne veux ni être ni baiser. Et bravo aux meufs du porno lesbien qui ont l’air de ne jamais prendre leur pied ! Par contre, je ne regarde pas de porno des pays de l’Est dans lesquels les mecs ont l’air de se forcer comme les meufs dans le porno hétéro. C’est comme assister à une sorte de viol.”
“Là, c’est du vrai !”
C’est donc la sincérité, l’authenticité, le plaisir “véritable” qui seraient la source d’excitation de ces amatrices de porno gay. “Là, c’est du vrai !”, s’exclame Marianne, 40 ans, bisexuelle, membre active d’une asso militante, lorsqu’elle nous décrit les sites américains queer sur lesquels elle traîne.
Si son premier porno remonte à l’âge de 12-13 ans, un samedi soir sur Canal+, il lui faudra attendre l’âge adulte et internet pour pénétrer dans ce doux monde arc-en-ciel (“Si j’y avais eu accès plus tôt, ma main au feu que j’en aurais vu très tôt !”, précise-t-elle).
Marianne ne se projette pas dans la peau des acteurs gays. Ce qu’elle kiffe, c’est bien sa position de spectatrice, abandonnée au plaisir de voir enfin ces corps d’hommes se mouvoir jusqu’à l’orgasme. Car le porno hétéro mainstream est loin de célébrer le corps masculin, tout entier tourné vers ses actrices, qu’il transforme en objets de désir voire objets tout court jusqu’à filmer leurs visages en gros plan lors des éjaculations faciales pour permettre au spectateur (masculin) de se glisser dans la peau de l’acteur au moment de l’orgasme.
“Les filles se font de petites caresses et jouissent en se touchant les seins !”
Les hétéros ne sont pas les seules concernées. Jessica, 37 ans, enseignante, lesbienne, s’est rapidement tournée vers le porno gay masculin pour mouiller. Une façon d’échapper au classique “rôle dégradant” tenu par la fille dans le porno hétéro, qui lui colle un sentiment de culpabilité, comme au manque de crédibilité du porno lesbien réalisé par des hétéros.
“Les filles se font de petites caresses et jouissent en se touchant les seins ! Qui arrive à ça ? Pas moi !, s’esclaffe-t-elle. Elles ont des manucures californiennes avec huit centimètres d’ongles ! Et puis, il y a toujours le plombier qui débarque dans le duo avec son engin parce qu’on sait bien que deux filles ne baisent pas vraiment et qu’elles rêvent d’un gros zizi !”
“Ce qui m’excite le plus reste deux garçons ensemble”
Dès lors, quid du porno lesbien réalisé par des lesbiennes ? “L’offre est bien plus réduite et souvent payante… Mais vraiment, ce qui m’excite le plus reste deux garçons ensemble.” Jessica cite François Sagat et Jesse Jackman parmi ses idoles.
Mais qu’ont à dire ces acteurs, justement, de ce public féminin qui n’était pas forcément prévu au programme ? Theo Ford, 29 ans, pectoraux saillants et star du X français, a bien conscience de sa fan-base féminine. Il l’a rencontrée pour la première fois lors d’un Hustla Ball, gros événement du X gay, à Los Angeles.
“Le X gay apporte une vision plus sensuelle et 100% masculine”
Même discours chez Antoine Lebel, patron du studio de porno français French Twinks, qui fait l’éloge des “ambassadrices du porno gay”, des blogueuses assurant la promo des acteurs. Comme Smacky Girl, une Britannique bien décidée à polir l’image des acteurs du X gay à coups d’interviews postées sur son blog (smackygirl.net) qui ressemble en tout point à celui d’une ado de 14 ans désireuse de transmettre à la terre entière sa passion pour des boys-band. Car Smacky Girl ne mate pas de porno gay et nous résume son but en une phrase : “Mettre en avant la normalité des acteurs qui sont des gens comme tout le monde.”
“Il y avait des dizaines de femmes extrêmement excitées par les shows et les stars présentes. Pour une femme aimant les hommes, le X gay apporte une vision plus sensuelle et 100% masculine. Il n’y a pas de seins gonflés ou de lèvres surdimensionnées. Les acteurs sont souvent mignons et toujours mis à leur avantage”, explique celui qui communique avec elles sur Twitter et Instagram.
Dans notre exploration du vaste monde des femmes fantasmant le X gay, nous voici entraînée sur des chemins de traverse. Ainsi va du yaoi, branche érotique du manga japonais mettant en scène de jeunes éphèbes en plein roulage de pelles et plus si affinités, dont la particularité est d’avoir des auteures et un lectorat essentiellement féminins.
“La culture yaoi est à la croisée de l’homo-érotisme et de la romance”
“Les héros de yaoi sont des hommes extrêmement ambigus, très féminins, longilignes et qu’on pourrait parfois presque prendre pour des femmes, note Agnès Giard, anthropologue à l’université Paris-Nanterre, spécialiste du Japon. A la fois mâle et femelle, puissants et fragiles, cruels et passionnels, ils permettent aux dessinatrices et aux lectrices de déconstruire les rôles de genre standards. La culture yaoi est à la croisée de l’homo-érotisme (tous sexes confondus) et de la romance. C’est une transposition de scénarios sulfureux dans des personnages dessinés de telle sorte qu’il soit possible pour une femme de s’identifier à eux.”
Histoire de marquer le côté subversif de leur obsession, les lectrices japonaises de yaoi se sont autobaptisées “fujoshi” (“filles déviantes”) et les rares lecteurs “fudanshi” (“garçons pourris”) ou “bushi” (“guerriers gentilshommes”) par hommage aux samouraïs pour qui seul l’amour mâle était digne d’être magnifié.
“Ils rêvent de dire ‘Encule-moi’ comme on dit ‘Je t’aime”
“Ils ne sont pas homosexuels mais revendiquent le droit de fantasmer sur des corps d’emprunt. Ils rêvent d’une forme d’amour autre, idéal, basé sur l’égalité, fait de sentiments bouleversants et de sexe déchaîné. Ils rêvent de dire ‘Encule-moi’ comme on dit ‘Je t’aime’.” Il existe même des pornos gays yaoi, dont les héros sont généralement guidés par leurs pulsions perverses, toutes bites dehors.
Si le yaoi demeure une niche en France, il n’en a pas moins sa grande prêtresse : Valentine Tézier, 27 ans, à la tête de l’association Event Yaoi et organisatrice de Y/CON, la convention annuelle consacrée à l’homo-fiction qui a attiré 1400 visiteurs les 12 et 13 novembre derniers à Paris.
“Dans le yaoi, les amants sont à forces égales”
La jeune femme a trouvé son salut dans le yaoi après avoir été considérablement déçue par les “shôjos”, les mangas destinés aux jeunes filles qui se distinguent par la mièvrerie sexiste dans laquelle s’embourbent leurs scénarios.
“Les femmes sont traditionnellement éduquées dans l’idée qu’étant plus faibles sur le plan musculaire, elles doivent se montrer plus ‘sentimentales’ et ‘fragiles’ que les hommes, renchérit Agnès Giard. Dans le yaoi, il n’y a pas de sexe faible, les amants sont à forces égales, ce qui donne à leurs étreintes l’aspect d’un combat fraternel. Les femmes qui fantasment sur ces images fantasment donc sur l’idéal d’une relation entre alter ego.” Le yaoi comme vecteur d’émancipation ? Et si notre amie du collège avait en ce moment même les yeux rivés sur deux éphèbes en pleine extase ? La respiration haletante et le pantalon défait…
{"type":"Banniere-Basse"}