En novembre 2016, lorsque Angela Merkel avait annoncé officiellement qu’elle briguerait un quatrième mandat en 2017, elle s’était fendue d’une déclaration aux accents dramatiques, prophétisant : “Cette élection sera la plus difficile depuis la Réunification allemande”. La chancelière allemande avait annoncé qu’en conséquence elle était prête à mener une bataille électorale différente des trois précédentes. À […]
À une semaine des élections fédérales allemandes, qui auront lieu le 24 septembre 2017, les jeux semblent être déjà faits : Angela Merkel (CDU) a toutes les chances de rester la chancelière de l’Allemagne, fonction qu’elle occupe depuis déjà 12 ans. L’attachement des électeurs allemands à leur chancelière tient à la fois au système politique allemand, aux qualités individuelles d’Angela Merkel et aux craintes suscitées par un monde en crise.
En novembre 2016, lorsque Angela Merkel avait annoncé officiellement qu’elle briguerait un quatrième mandat en 2017, elle s’était fendue d’une déclaration aux accents dramatiques, prophétisant : « Cette élection sera la plus difficile depuis la Réunification allemande ». La chancelière allemande avait annoncé qu’en conséquence elle était prête à mener une bataille électorale différente des trois précédentes.
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À une semaine des élections au Bundestag, qui auront lieu le 24 septembre 2017, force est pourtant de constater que cette campagne électorale est l’une des plus ennuyeuses qu’ait connue l’Allemagne au cours des deux dernières décennies. Faute d’adversaires politiques à sa mesure, Angela Merkel se comporte comme à l’accoutumée, évitant soigneusement les sujets qui divisent les Allemands, quitte à tenir des discours qui plongent les auditeurs dans un état qui frise la somnolence, comme le pointe régulièrement la presse allemande.
Dans la lignée d’Helmut Kohl et Konrad Adenauer
L’extraordinaire longévité politique d’Angela Merkel s’explique d’abord par le système politique allemand, comme le souligne la politologue Claire Demesmay, directrice des relations franco-allemandes à l’Institut allemand de politique étrangère : « Le système allemand encourage la stabilité. Une fois qu’on est élu, on peut capitaliser d’avantage sur ce pouvoir. »
Si Angela Merkel est réélue, elle sera à pied d’égalité avec Helmut Kohl (CDU) et Konrad Adenauer (CDU), qui ont eux aussi été reconduits à quatre reprises à la tête de la chancellerie. Pour le journaliste allemand Robin Alexander, correspondant politique à l’hebdomadaire Die Welt am Sonntag et spécialiste d’Angela Merkel (1), cette prédilection des électeurs allemands pour la stabilité politique serait liée au passé agité de l’Allemagne :
« Il y a un désir de stabilité à cause des temps très instables que nous avons connu : deux dictatures, deux guerres mondiales, l’Holocauste… »
Angela Merkel n’est pas dotée d’un grand charisme, elle séduit les électeurs allemands à un autre niveau. Pour le psychanalyste allemand Hans-Joachim Maaz, « le fait qu’elle soit modeste, pas prétentieuse, fait d’elle une surface de projection ». Selon lui, les électeurs allemands voient en elle tantôt une figure maternelle (« Mutti »), tantôt une figure d’autorité (« la femme la plus puissante du monde »), quand pour d’autres elle est une « traîtresse au peuple », comme la surnomment aujourd’hui les électeurs qui ne lui pardonnent pas d’avoir accueilli plus d’un million de réfugiés en Allemagne. Claire Demesmay observe dans l’attitude de la chancelière allemande « un point d’équilibre entre modestie et expérience » propice à plaire à ses concitoyens:
« Elle est établie, elle a un réseau incroyable, il lui suffit de prendre son téléphone pour parler à Trump, à Macron ou à Poutine. Mais elle ne se met pas en avant dans un monde qui est dominé sur un plan international par des hommes au pouvoir qui sortent les muscles. Et pourtant, elle est au centre du jeu. »
Madame normale
De la même façon, Angela Merkel affiche depuis des années une simplicité qui lui vaut, certes, des railleries mais qui forcent le respect chez les Allemands. Quelques exemples : plutôt que de loger dans le prestigieux appartement de fonction de la chancellerie, elle continue d’habiter dans un appartement de location. Elle passe toujours ses vacances en Allemagne, en toute simplicité, alternant séjours dans les Alpes et dans sa maison de campagne dans l’Uckermark, tout près de Berlin. Elle ressort régulièrement les mêmes robes de soirées lorsqu’elle se rend au festival de Bayreuth. Elle fait ses courses elle-même…
« Elle ne se met pas sur un piédestal et joue de ce côté ‘je suis normale, voici ma recette de cuisine préférée, me voici en train de faire de la randonnée’« , souligne Claire Demesmay. Elle veut renvoyer l’image qu’elle n’est pas au-dessus du lot, ce qui plait en effet à la population allemande. »
Son pragmatisme, sa souplesse, sa capacité à faire des compromis avec ses partenaires politiques font également partie de ses atouts. Claire Demesmay va même jusqu’à parler de « malléabilité » et de « plasticité » :
« Elle est capable de changer de position, de s’adapter, et elle travaille beaucoup avec l’opinion publique. Si elle voit qu’une de ses positions ne passe pas, alors elle en change. »
Son leadership serein joue un grand rôle dans sa popularité: « Angela Merkel est d’ailleurs très respectée même chez les électeurs qui n’aiment pas son parti », observe Robin Alexander.
« Une drogue pour le peuple »
Dans un monde en proie aux crises, Angela Merkel incarne une stabilité rassurante chez la plupart des électeurs allemands. « Elle exprime la fiabilité dans un monde toujours plus incertain. L’Allemagne va bien et les gens veulent que ça continue. Pourquoi donc voter pour quelqu’un d’autre? », interroge le journaliste politique. Les craintes suscitées par le monde extérieur encouragent les Allemands à miser sur le même cheval, quitte à se voiler la face, comme le souligne le psychanalyste Hans-Joachim Maaz:
« Une grande partie de la population va réélire son parti avec l’espoir qu’avec elle, ils échapperont aux problèmes qu’ils voient venir. Elle est une sorte de drogue pour le peuple. »
L’association récurrente d’Angela Merkel à une figure maternelle – alors que celle-ci n’a pourtant pas d’enfant – dit elle aussi beaucoup du rôle rassurant que les Allemands confient à leur chancelière. « Merkel a cette capacité de recréer une sorte d’ambiance utérine dans laquelle on a le sentiment que le monde est à feu et à flamme mais pas l’Allemagne », analyse Claire Demesmay:
« Il y a une véritable adhésion à cette figure rassurante parce qu’elle représente la promesse que tant qu’elle est au pouvoir, on retarde le moment où il faudra se confronter aux vrais problèmes. Sans le dire explicitement, Angela Merkel projette cette idée que tant qu’elle sera là, ça concernera les autres mais pas l’Allemagne. »
(1) Il est notamment l’auteur du livre Die Getriebene sur la gestion de la crise des réfugiés, paru en 2017 et bestseller en Allemagne
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