Vrai faux scoop : Dominique Reynié est de droite, et il brigue la candidature de l’alliance UMP-UDI-Modem aux régionales en Midi-Pyrénées / Languedoc. On nous aurait menti ? Le savant était un politique depuis le départ ? La nouvelle de sa candidature suscite la polémique.
« Alors comme ça, vous êtes de droite ? », demande Léa Salamé au professeur à Sciences Po Dominique Reynié, directeur de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol, un think tank libéral) sur France Inter ce 7 avril. Celui-ci s’esclaffe derrière ses lunettes sans monture, puis répond ironiquement : « C’est un scoop ! ». Ceux qui le suivent – volontairement ou pas – dans ses multiples interventions médiatiques le savent en effet depuis longtemps: Dominique Reynié, s’il est toujours présenté par ses hôtes comme politologue drapé de neutralité scientifique, assume un parti-pris libéral, pro-européen, et contre les partis d’extrême-gauche et d’extrême-droite, souvent amalgamés. Le fait qu’il assume la fonction de directeur de la Fondapol, think tank fondé en 2004 avec le soutien de l’UMP, était un signe prémonitoire.
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« L’observation, seule, me paraît insupportable »
On en a désormais le cœur net. Ce 5 avril, il a annoncé via la presse régionale qu’il briguait la candidature de la droite (UMP-UDI,Modem) aux élections régionales dans la grande région Midi-Pyrénées/Languedoc-Rousillon. S’il n’a « pas encore » sa carte à l’UMP, il reconnaît avoir obtenu l’accord de Nicolas Sarkozy, qu’il a contacté. Il explique dans La Dépêche du Midi se sentir obligé de « passer de l’observation à l’action« . De même, sur France Inter: « J’observe le délitement de notre système politique, le délitement de notre société, j’éprouve une vive inquiétude. L’observation, seule, me paraît insupportable », parlant même d’« obligation morale ». 40 élus locaux seront consultés pour désigner leur tête de liste dans cette grande région, dont le politologue est originaire. Les résultats seront connu le 25 avril.
« Quand on vous parlait de l’objectivité de ses études ! »
Dès l’annonce de sa sollicitation de candidature, plusieurs personnalités politiques ont réagi. Sur Twitter, le secrétaire national du Parti de Gauche Eric Coquerel ironise : « Quand on vous parlait de l’objectivité de ses études! ».
Tiens @DominiqueReynie de nouveau invité de @franceinter mais en partisan de l'UMP. Quand on vous parlait de l'objectivité de ses études !
— Eric Coquerel (@ericcoquerel) April 7, 2015
En février dernier le PG a en effet souhaité porter plainte contre le politologue suite à ses déclarations sur France Inter, selon lesquelles « les proches du Front de gauche et les électeurs de Jean-Luc Mélenchon en 2012 » constituent un des « trois foyers d’expression de l’antisémitisme très forts » dans la société française, suite à une étude de la Fondapol.
Interrogé par Les Inrocks, Eric Coquerel estime que l’annonce de l’engagement partisan de Dominique Reynié est « très révélatrice » : « D’une part cela confirme que son étude était davantage l’oeuvre d’un militant politique que d’un politologue. D’autre part, cela révèle une certaine complicité des médias, qui lui ont donné la parole comme si ce qu’il disait avait une valeur scientifique, alors qu’ils connaissaient ses partis-pris. Cela montre leur caractère faussement objectif ».
Le FN dénonce la « complaisance des médias »
Le vice-président du Front national Florian Philippot a également été très prompt à réagir, le traitant d’ »imposteur » sur Twitter.
D.Reynié a toujours maintenu qu’il était « neutre » quand il crachait sur le FN. On apprend maintenant qu’il veut être investi UMP…Imposteur — Florian Philippot (@f_philippot) 5 Avril 2015
Le FN a dans la foulée publié un communiqué, où le parti se présente en victime persécutée par ce digne représentant de la « pensée unique » et ses complices médiatiques :
« Dominique Reynié est de ces ‘experts’ et ‘politologues’ qui utilisent la complaisance des médias pour mener des combats politiques et militants. Son expertise est en toc, ses ambitions ailleurs : porter le fer contre des idées et un mouvement politique. Au final, servir une ambition personnelle. »
Catalogué comme un militant fédéraliste de droite depuis 2005
Le politologue, et les médias qui l’invitent systématiquement pour commenter l’actualité, ont déjà été maintes fois critiqués. Le directeur du Monde diplomatique Serge Halimi le cite dans Les Nouveaux chiens de garde (éd. Raisons d’agir, 2005) pour illustrer le phénomène des « experts » qui prêchaient dans les médias pour le « oui » au TCE en 2005, sous les habits de la science : « Selon lui, tout ce qui allait bien, on le devait à l’Europe ; tout ce qui allait mal, à l’absence de Constitution. (…) À ce jeu-là Dominique Reynié aurait mérité un Molière. À défaut d’avoir accru sa médiocre réputation scientifique, sa carrière dans les médias est assurée ». Le bimestriel PLPL (Pour lire pas lu) avait également consacré une page à Dominique Reynié en avril 2005, dans un article éloquemment intitulé « Dominique Reynié, le grand menteur du oui ». Il relevait un certain nombre d’omissions, et l’accusait de distordre la vérité au profit de ses objectifs idéologiques.
Cette candidature à l’investiture de la droite pour les régionales est donc finalement l’aboutissement d’une carrière à mi-chemin entre science politique et politique tout court. Conscient que sa crédibilité de politologue sera désormais entachée de cet engagement, Dominique Reynié affirme, dans Le Midi Libre : « Je me suis beaucoup interrogé sur cette candidature. Je fais un chemin sans retour, quelle que soit la suite. C’est un risque. Je ne ferai pas non plus carrière dans la politique : c’est trop tard ».
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