Danser dans l’atelier d’un réparateur de vélo, errer dans des friches industrielles à la recherche d’un club tapi dans l’ombre, faire la fête au milieu des caravanes, dormir (un peu) au cœur d’une fabrique culturelle, manger des glaces dans un décor ostalgique : bienvenue à « Hypezig”.
La prochaine fois que vous allez passer le week-end à Berlin, faites une infidélité d’une nuit à votre amour de jeunesse. Plutôt que d’aller vous fondre dans la foule de fêtards qui arpentent la Warschauer Strasse, montez dans un train et vous vous retrouverez en moins de temps dans un club leipzigeois qu’à l’intérieur du Berghain ou du Kater Blau…
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A peine une heure plus tard, vous voilà dans le centre-ville de Leipzig. Un conseil : à moins de vouer un culte à la musique classique et aux salons de thé, déguerpissez en vitesse ! La vie alternative et nocturne de Leipzig s’épanouit dans ses faubourgs. Autre conseil : circulez à vélo. Les distances entre les différents quartiers sont longues, très longues, et les trams sont rares passée une certaine heure. Un moyen pratique : louer un vélo Nextbike, en accès libre devant la gare centrale.
Tous ceux qui ont connu Berlin durant les années magiques qui ont suivi la chute du Mur le disent : le “Zeitgeist” de Leipzig rappelle étrangement cette époque avec sa vie culturelle bouillonnante, ses nombreux ateliers d’artistes, ses galeries, ses bars et ses clubs qui ouvrent là où on ne s’y attendait pas. Les beaux immeubles Gründerzeit aux façades déglinguées des quartiers périphériques, dont il n’est pas rare qu’elles soient emprisonnées dans des filets pour éviter les éboulements sur passants, les friches industrielles mangées par la végétation et les graffiti rappellent également l’esthétique de Berlin avant qu’elle ne devienne la proie des promoteurs immobiliers.
Dans les vestiges industriels à l’Ouest
Partez à l’Ouest, dans les quartiers de Plagwitz et de Lindenau, où une flopée de bars-clubs sont regroupés autour de la Karl-Heine Strasse. Chez Dr. Seltsam, on boit et danse jusqu’au petit matin dans le décor tout aussi charmant qu’exigu d’un atelier de réparation de vélos… Quelques mètres plus loin, le bar Noch Besser Leben accueille souvent des concerts d’indie-rock à l’étage. À l’intérieur du Westwerk voisin, une grande fabrique culturelle installée dans les vestiges de ce qui fut autrefois une usine d’armement, se cache une salle associative gérée par des étudiants où sont régulièrement organisés concerts et soirées, le Tipi.
Un détour s’impose au café-bar Zum Wilden Heinz, sorte de ranch improvisé sur un terrain vague aux pelouses impeccables, broutées intensivement par le petit bouc qui a donné son nom à l’établissement, Heinz ! Autre bar-club incontournable : Die Blaue Perle, dans son décor kitschissime d’ancien bar de quartier… Et si vous cherchez un endroit où danser toute la nuit, voire plus, sur de la bonne electro, allez au Elipamanoke, un club qui a pris ses quartiers dans un grand entrepôt en briques.
L’ouest de la ville offre deux possibilités d’hébergement originales : on peut dormir dans un des lofts de la pension Meisterzimmer (chambre de maître) au cœur de l’immense fabrique culturelle de la Spinnerei, située dans une ancienne filature de coton, ou bien à l’auberge de jeunesse Eden, nichée dans un Plattenbau, ces barres d’immeubles sordides typiques de l’ex-RDA, et qui dispose même d’un dortoir uniquement réservé aux filles dont la déco à été confiée à des artistes de la ville.
C’est également dans cette partie de la ville que l’on peut savourer de bons brunchs à la berlinoise, comme au Café Kater (“Kater” signifie “gueule de bois” en allemand), au Jimmy Orpheus ou encore chez Meins, qui sert des petits-déjeuners jusqu’à 16 heures, sous le regard mi-clos d’un chat ronronnant.
Cap au Sud, quartier de la fête
De nombreux bars se suivent le long de la Karl Liebnecht Strasse, que les habitants surnomment la “Karli”. L’un d’entre eux vaut le déplacement à lui tout seul : dans cet antre éclairé à la bougie dans lequel s’entassent bondieuseries et antiquailles, le maître des lieux, un vieil homme à l’allure houellebecquienne, vous sert le vin par bouteilles entières, et calcule le prix en fonction de ce qui reste à l’intérieur au moment de partir. Son nom reste un mystère : Vergebung Hinter Kreuz (littéralement : « le pardon derrière la croix »).
Le quartier sud de Leipzig abrite trois des plus grands clubs electro de la ville: le Conne Island, la Distillery – le premier club techno à ouvrir en Allemagne de l’Est dans les années 90 – et l’Institut fuer Zukunft – sans hésiter le meilleur des trois, qui a ouvert ses portes en 2014. Il vous faudra errer pendant de longues minutes dans une zone industrielle plongée dans l’obscurité pour atteindre le club, qui avec ses deux dancefloors, ses darkrooms, ses passages labyrinthiques et ses murs carrelés est une sorte de croisement réussi entre le Berghain et le regretté Stattbad, deux temples berlinois de l’electro.
En journée, offrez-vous une boule de glace chez un glacier totalement ostalgique, dont le décor n’a pas changé depuis 50 ans : Eisdiele Pfeifer, une institution à Leipzig.
Et s’aventurer à l’Est
Après que le renouveau de l’ouest de Leipzig a été célébré jusqu’à l’écœurement ces dernières années dans la presse allemande et internationale, ce qui vaut à la ville ce surnom de “Hypezig” qui désespère ses habitants plus qu’elle ne les emplit de fierté – eux aussi voient leurs loyers augmenter et craignent un scénario à la berlinoise – c’est désormais à l’est que les nuits sont les plus sauvages.
Contrairement à Berlin, où les clubs fonctionnent désormais comme des entreprises lambda, Leipzig fourmille de lieux plus ou moins illégaux, où il n’est pas rare que le DJ ou le barman soient bénévoles, et qui ont fatalement une durée de vie limitée. Ainsi le Goldhorn, un club flashant grand comme un mouchoir de poche que nous avions visité cet été, perdu au fond de l’Eisenbahnstrasse, estampillée “rue la plus dangereuse d’Allemagne” par une émission de télé il y a quelques années, a dû fermer ses portes à la fin de l’été – mais devrait rouvrir sous une autre forme prochainement. À suivre, donc…
Autres lieux cachés où s’aventurer : Die Ostapotheke et l’appartement-projet Krudebude, où se succèdent expos, lectures et soirées… Beaucoup de ces lieux n’ont ni site Internet ni page Facebook, il faut donc compter sur le bouche-à-oreille pour les découvrir. De même pour être tenu au courant de toutes les fêtes qui ont lieu dans les parcs, les ruines et les quelques villages de caravanes que compte la ville.
Seul bémol : Leipzig est une ville étudiante. Comprenez par là qu’il est plus que recommandé de s’y rendre en période scolaire afin d’éviter la torpeur qui règne sur la ville en été
À consulter absolument avant de partir ou sur place : Hidden Leipzig : L’Office de tourisme de Leipzig a lancé le site (et désormais une app du même nom) “Hidden Leipzig”, qui compile nombre d’adresses incontournables. On peut aussi acheter un petit guide du même nom à l’Office de tourisme (6 euros).
Froh Froh. Ce site internet donne chaque week-end ses recommandations de soirées electro.
Kreuzer. Ce magazine local indépendant a un épais agenda de sorties et s’intéresse de près à la scène alternative leipzigeoise. Sa ligne éditoriale tient en ces trois mots : “Leipzig. Subjektiv. Selektiv”.
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