Pourquoi attendre que la nature fasse son travail ? Le nouveau chic s’appelle « ménocore », ou l’art de s’habiller comme une femme ménopausée, et ce de préférence si vous avez la vingtaine. Explications.
Pourquoi attendre que la nature fasse son travail ? Le nouveau chic s’appelle « ménocore », ou l’art de s’habiller comme une femme ménopausée, et ce de préférence si vous avez la vingtaine. Explications.
Joan Didion égérie Céline, Joni Mitchell chez Saint Laurent, la nonagénaire Iris Apfel commissaire d’exposition pour Le Bon Marché… Dans une époque en quête d’authenticité, les maisons se tournent vers des figures culturelles iconiques pour compléter leur image de marque : un écrivain prolifique, une musicienne de renom, une nonagénaire au style incomparable posent sans artifice, leurs rides apparaissant comme signes – et gages – de leur expérience. Cet été, l’attention s’est focalisée sur des personnalités un peu moins reconnaissables, voire complètement imaginaires: une masseuse à la retraite, fan de lin et de pantalons fluides. Une sexagénaire en weekend à la mer, comme le personnage de Diane Keaton dans Tout peut arriver, portant des chemises amples et des chaussures de marche. Une grand-mère chic, qui ajoute à ses blouses vintage de gros bijoux en argent. Trois représentations du « ménocore », ou la ménopause version chic, nouveau terme mode né du brainstorming d’une rédaction de mode américaine, perplexe face à la fascination des réseaux sociaux pour ces icônes inattendues.
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Le ménocore ou l’apologie du confort
« Le ménocore est le nouveau normcore, et c’est beaucoup plus confortable, » titre le site mode Man Repeller la semaine dernière. La rédactrice Harling Ross rassemble sous le néologisme – modelé sur « normcore », mot « à buzz » de 2014 décrivant la mode de s’habiller de façon la plus basique possible – la récente popularité des vêtements en lin fluide, des couleurs claires ou encore des chaussures « confortables » types mules plates ou Birkenstocks, perçus comme l’uniforme type de la femme ménopausée. Si la dénomination fait tiquer, on salue la volonté, tout en second degré, de parler d’un sujet qui reste un grand tabou dans les médias, plus encore que les règles, terrain de revendication bien exploré par la génération Y (en témoignent le t-shirt ensanglanté de Petra Collins pour American Apparel ou les photos sans filtre de la Suédoise Arvida Byström).
Man Repeller, site connu pour son ton humoristique (son titre se traduit par « Repousse-mec », faisant allusion au caractère parfois déroutant de certaines tenues mode extrêmes), raconte que le terme est apparu lors d’une conférence de rédaction, lorsque les collaboratrices du site se demandaient d’où venait cette obsession pour les matières fluides, les bijoux ethniques, les cours de poterie et le style « masseuse à la retraite » (chemise oversize en lin, pantalon fluide à cordon, air méga détendu). « Imaginez une femme d’une cinquantaine d’années qui se fout de ce que pensent les gens et veut simplement être hyper confortable, » écrit la rédactrice. « La cinquantaine… Ménopausée… Ménocore? »
Le courant est bien là : sur Instagram, les utilisatrices américaines se passionnent pour les blouses bouffantes, les gilets en crochet, les pantalons larges, les mules et chaussures à talon carré. Virginia Calderon, employée de la très pointue boutique Mohawk à Los Angeles, définit son style comme « garçon manqué à la française avec des touches de grand-mère japonaise minimaliste ». Dans les rayons de la fast fashion pullulent les blouses blanches à manche ballons façon Jacquemus, inspiré par les costumes traditionnels de la Provence porté par les femmes de sa famille, dont sa grand-mère. Si les omniprésents paniers en osier semblent avant tout être une référence à Jane Birkin (jeune), ils sont non sans rappeler ceux que les mamies trimballent les jours de marché.
« La clé du style ménocore est d’être mince et d’avoir vingt ans »
Le souci du ménocore est dans sa représentation : si Diane Keaton est la référence la plus citée (que ce soit durant sa période Woody Allen ou à 57 ans dans le film Tout peut arriver de Nancy Meyers), les exemples actuels de « ménocore » sont généralement portés par des femmes de (bien) moins de 40 ans. Les commentaires en dessous de l’article de Man Repeller oscillent entre jeunes lectrices convaincues (« du génie ! Je me demandais pourquoi on s’était toutes mises à s’habiller comme des mamans sortant de cours de poterie ») et consternation de la part des principales intéressées.
« Un phénomène si inclusif que vous ne citez aucune femme en dessous de quarante ans, » ironise une lectrice. « La clé du style ménocore est d’être mince et d’avoir vingt ans, » commente une autre. « J’ai 52 ans, je suis ménopausée, et je ne m’habillerai jamais de cette façon. Porter du Eileen Fisher et J.Jill (deux marques américaines de vêtements en lin) à mon âge signale au gens que vous vous êtes officiellement laissée aller (…) Ce look est très différent sur une jeune femme à la peau veloutée que sur moi. Ma mère de plus de 70 ans est à fond dans le ménocore, mais moi je ne suis pas prête. » En clair, encore une histoire d’appropriation par la mode de codes stylistiques rattachés à un type de population précis. Man Repeller semble se rendre compte du décalage, et publie dans la foulée sa sélection des meilleurs looks de femmes plus âgées repérés sur Instagram. Le look n°1 ? Un pull porté en tablier. A voir si ça marche aussi chez les petites jeunes d’Instagram.
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