Avec ses vaisseaux de combat en plastique à assembler pour les faire apparaître à l’écran, « Starlink » tente de relancer la mode des “jouets vidéo” après les défections de “Skylanders”, “Disney Infinity” et “Lego Dimensions”. Mais le space opera d’Ubisoft, dont la version Switch peut compter sur le renfort du personnage de Star Fox habitué des consoles Nintendo, est aussi, malgré ses limites et ses redites, une touchante invitation à la découverte et au voyage.
C’est reparti comme en 14 – en 2014, c’est-à-dire. Comme à la grande époque de Skylanders, de Disney Infinity ou des Amiibo (qui, eux, n’ont pas encore pris leur retraite), nous revoilà à des heures indues en train de manipuler des personnages et véhicules en plastique qui, c’est fou (mais quand même un peu moins qu’à l’époque) apparaissent alors à l’écran. Gros jeu “familial” d’Ubisoft de cette fin d’année (là où Assassin’s Creed Origins son blockbuster pour les grands gamers), Starlink a pour ambition non dissimulée de la relancer la mode des “jouets vidéo” que l’on croyait passée depuis la défection, dans le sillage de Lego Dimensions, de ses principaux porte-drapeaux, en proposant à la fois un jeu d’aventures spatiales et tout un tas de vaisseaux, pilotes et canons (bien évidemment vendus séparément) qui viendront s’emboîter les uns aux autres ainsi qu’à notre manette – sans heureusement trop l’alourdir, en tout cas pour la version Switch.
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Un soupçon de jeu de construction
On se saisit donc joyeusement d’un petit pilote qu’on accroche sur le support destiné à recevoir les deux mini-manettes de la console hybride, on fixe un petit vaisseau par-dessus en s’assurant que notre héros de l’espace est bien installé dans le cockpit, puis on ajoute une arme sur chaque aile. Et si, un peu plus tard, au cours d’un affrontement particulièrement tendu, on réalise que notre adversaire est plus sensible au froid qu’au feu, aucun problème : on retire le lance-flamme pour le remplacer à la volée par un canon à neige, la même chose se produit dans le jeu et le combat tourne vite à notre avantage. Ça marche bien, c’est rigolo et, plutôt que d’une simple reprise de ce que faisait jadis Skylanders (“jadis” en jeu vidéo = il y a trois ou quatre ans), l’affaire tient de l’actualisation du concept à l’ère de la Switch, de ses manette en kit (ou quasi) et de Nintendo Labo. De la magie du surgissement au jeu de construction avec un soupçon (ou une charmante illusion) de “do it yourself”. Bon.
Mais Starlink, ce n’est pas que ça. Dans son mode “numérique” qui se passe entièrement des jouets, c’est même tout à fait autre chose : un jeu d’aventure et d’exploration spatiale étonnamment accrocheur, avec une bonne dose de combat idéalement nerveux au milieu des étoiles entre deux visites aux différentes planètes que compte cet univers – et qui sont au nombre de sept, mais on ne serait pas vraiment surpris, en cas de succès commercial, d’en voir arriver d’autres en DLC. C’est, aussi, de manière tout à fait officielle sur la Switch et plus secrète sur les autres consoles qui n’ont pas droit aux séquences en question dans leurs versions du jeu , un héritier de Star Fox, la saga SF animalière de Nintendo aux épisodes fréquemment confiés à d’autre studios (Rare pour Star Fox Adventures, Namco pour Assault, Q-Games pour Command…) et qui, donc, ressurgit sous la houlette d’Ubisoft qui avait déjà été autorisé à jouer avec Mario et ses amis dans Mario + The Lapins Crétins : Kingdom Battle.
« No Man’s Sky » + Star Fox » + « Far Cry »
A la base Star Fox est un shoot’em up en 3D “sur rails”, ce qui signifie que le joueur n’est pas libre d’aller où il veut. Tout juste peut-il, à certains moments, choisir entre plusieurs embranchements du circuit invisible sur lequel il évolue. Mais, dans Starlink, il n’y a plus de rails. L’effet est proche de celui ressenti avec des jeux de course en monde ouvert comme Burnout Paradise ou Forza Horizon (dont, d’ailleurs, le tout frais quatrième volet est hautement recommandable) ou des FPS comme Far Cry : l’action – les dogfights, notamment – n’est plus quelque chose qui s’impose à nous mais qui nous cherche ou nous attend. Ou qui se cache, parfois, ce qui change radicalement la dynamique de l’expérience, en nous offrant notamment cette possibilité toujours bienvenue dans les jeux où la progression n’est pas strictement linéaire, de GTA à The Witcher 3 en passant par le dernier Zelda : celle de prendre notre temps, d’ouvrir les yeux, de profiter des lieux.
On n’ira cependant pas jusqu’à qualifier Starlink de jeu contemplatif. Ça, ce serait plutôt pour l’un de ses modèles plus ou moins avoués, le hit indé controversé (et qui, au fil des mises à jour, a beaucoup changé depuis sa sortie) No Man’s Sky, avec ses millions de planète et son goût de la marche à pied. Dans Starlink, même quand on descend à la surface, on ne quitte pas son vaisseau et il y a toujours une multitude de choses à faire ainsi que eu, sur l’écran qui aurait gagné à un affichage un peu plus dépouillé, suffisamment d’avertissements pour qu’on ne risque pas de les oublier.
Il y a, d’abord, des ennemis à affronter et des objets ou matières premières à rapporter dans l’une ou l’autre des bases alliées. Il y a aussi toute une faune à examiner de près, des animaux vaguement étranges à scanner pour tout savoir sur eux (même si, sur ce plan comme sur beaucoup d’autres, Starlink va beaucoup moins loin que No Man’s Sky). Il y a, enfin, tout cet aspect jeu de rôle qui semble presque inévitable dans les grosses productions d’aujourd’hui, de Tomb Raider à God of War : un équipement à gérer, des points d’expériences à engranger et de compétence à dépenser… Et il y a cette carte riche en points d’intérêt qui rappelle bien que nous sommes chez l’éditeur d’Assassin’s Creed, The Crew ou Watch Dogs, à ceci près que, cette fois, le plan est un globe.
L’appel de l’inconnu
Un détail ? Oui, si l’on estime que toutes les images se valent à peu près, que leur pouvoir d’évocation n’est qu’un détail et que l’on peut porter un jugement sur elles indépendamment de ce qu’elles provoquent en nous. On entend dire ici ou là que Starlink serait un No Man’s Sky (ou un Elite Dangerous, un Star Citizen) pour les enfants. C’est un peu vrai parce qu’il nous prend davantage par la main que ses modèles plus ou moins lointain, mais ce n’est sans doute pas la meilleure façon de poser les enjeux : ce que Starlink possède de précieux et qui a justement à voir avec l’enfance, il le partage avec ces jeux supposé plus sérieux. Comme avec pas mal d’autres plus anciens : Elite, L’Arche du Captain Blood ou des choses plus obscures et oubliées (comme, souvenir eighties personnel sur MO5, Space Shuttle Simulator, qui était lent, ardu, austère – on pensait un peu à la mort en y jouant – et merveilleux).
Au-delà de tout le reste qui, si l’on y prend goût, pourrait bien nous occuper pas mal de temps, de l’hyperactivité RPG ou du montage de jouets, ce qu’il y a de beau dans Starlink est là. C’est cet appel à regarder vers les étoiles. Ces moments où, apercevant une planète inconnue, on décide de s’y rendre. Ça prend un peu de temps – ce qui est plutôt bien –, et puis on pique vers la surface, avide de découvrir des formes, des couleurs, de l’ambiance de ce monde dont on ignore tout. Curieux, exalté, léger. Bien d’autres jeux, plus riches, aboutis, variés ou élégant, nous ont bien sûr déjà offert ça. Mais, sur le moment, ça ne compte pas.
Starlink : Battle for Atlas (Ubisoft), sur Switch, PS4 et Xbox One, de 60 à 80€ (pack de démarrage).
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