Le Pen a beau être né à La Trinité-sur-Mer, le FN réalise des scores minables dans la région. Ses militants espèrent “des violences” pour s’implanter.
« Le rêve qu’un quartier de Rennes explose. Qu’il y ait davantage de problèmes en Bretagne.” Des problèmes ? “Oui, des violences, des faits divers. Que ça sente la poudre.”
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Pascal Crambert milite au Front national depuis 2002. Il pèse ses mots, sourit de leur impact. Autour de lui, une collection de santiags, des bustes de John Wayne, des statuettes Betty Boop (“ça, c’est ma femme”) et le portrait d’une Marine Le Pen tout sourire.
“J’en ai parlé avec Marine, et elle aussi, elle sent une tension dans l’air. En 2011, ça va péter.” Et, il en est sûr, qui dit explosion dit impact des idées frontistes dans les urnes. Car le capital voix du FN est aujourd’hui très faible : aux régionales de mars, il a recueilli 6,18 % des suffrages en Bretagne (4,51 % à Rennes), son plus mauvais score, la Corse mise à part.
“Attendez, ça va venir. Vous allez être surpris.” Dans un, dix ou vingt ans, mais “ça” va venir. Comprenez : “l’islamisation” de la société. “Déjà, y a de plus en plus de barbus qui prêchent dans les caves.”
Pascal Crambert, ancien cégétiste et retraité de la Poste, montre les maisons alentour : “Quand j’ai emménagé, nous étions uniquement des fonctionnaires ou des retraités. Maintenant, il y a des immigrés partout.” Il prophétise : “Le 93, c’est ici dans vingt ans.”
Il n’est pas raciste, il a juste peur de l’islamisation…
La Bretagne en est loin : selon l’Insee, les étrangers représentent 2 % de la population, et presque 1 sur 5 est anglais. Mais Pascal Crambert n’en démord pas. Même s’il n’est “pas raciste”, qu’il a “des potes arabes”, il a peur de cette “islamisation” fantasmée autant qu’espérée. C’est tout le paradoxe du FN en Bretagne : les frontistes rejettent l’immigration, mais sans un afflux d’étrangers, leur rhétorique s’enrhume.
On le fait remarquer à Cédric Abdilla, secrétaire du FN en Ille-et-Vilaine depuis deux ans, le “plus jeune responsable de section départementale, tous partis confondus”, ajoute-t-il. A 28 ans, il travaille en résidence universitaire, sur le campus de Beaulieu. Le FN n’ayant pas d’élus dans la région, il ne peut louer une permanence et on le rencontre dans un café. “On est un parti national, on défend une certaine idée de la nation, et c’est la même partout.”
Pas question de faire vibrer la lointaine fibre indépendantiste des Bretons : “Nous ne sommes pas pour l’indépendance de la Bretagne, nous avons peu de contacts avec ces groupuscules.” Trop peu d’immigrés, aucun Quick halal, pas assez de délinquance.
“Le FN s’appuie aussi sur les conséquences de la crise économique, analyse le chercheur en sciences politiques Jean-Yves Camus. Mais la Bretagne n’a jamais été une région industrielle, elle a donc moins ressenti les effets de cette crise.”
Les origines bretonnes de Jean-Marie Le Pen souvent dissimulées
Politiquement, la Bretagne a basculé à gauche il y a plus de trente ans. Et garde une image démocrate chrétienne. Jean- Yves Camus poursuit : “Les Bretons sont démocratiquement conservateurs. Ils sont attachés à l’ordre et pas à la révolution, quelle qu’elle soit !”
Autant de raisons qui expliquent pourquoi la Bretagne n’a jamais mis en avant les origines de Jean-Marie Le Pen, né il y a quatre-vingt deux ans à la Trinité-sur-Mer (Morbihan). Elle s’en cache même, parfois.
Lors de la présidentielle de 2007, aucun maire de la région n’a donné sa signature au leader frontiste. Explication de Cédric Abdilla : “Jean-Marie Le Pen est un personnage politique national. Personne ne se souvient qu’il est breton. Et puis, il n’est pas fou : nos idées portent davantage dans le Sud-Est, il n’allait pas se présenter ici.”
Pour l’heure, Pascal Crambert et Cédric Abdilla espèrent que Marine Le Pen prenne la tête du parti. Pour le rendre fréquentable, le rajeunir et devenir un parti de gouvernement. A cette perspective, leurs visages s’éclairent. Et si cela ne se réalise pas ? Pascal Crambert envisage d’aller s’installer dans le sud de l’Italie. Et devenir un immigré.
Elodie Font
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