[Hors série Cheek x Les Inrocks – Plaisir féminin] Ces dernières années, le clitoris a bénéficié d’une nouvelle visibilité. Mais il ne faudrait pas croire pour autant qu’il a le monopole de la jouissance ou de l’orgasme. Rêves érotiques, fantasmes, baisers, caresses… le champ des possibles est ouvert !
Le clitoris est sur toutes les lèvres. Passé de tabou à symbole de la lutte féministe, cet organe sexuel dédié au plaisir féminin a fait l’objet d’une sensibilisation nécessaire et efficace. Exit les questions du type : “Tu es clitoridienne ou vaginale ?” Il est désormais de notoriété publique que le clitoris, de par sa structure à la fois externe et interne, est aussi stimulé lors de la pénétration vaginale – et anale. On ne part plus non plus à la conquête du si “mystique” point G, simplement situé au niveau du croisement des bras du clitoris.
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Paradoxalement, en donnant à cet organe la visibilité qu’il mérite et en incitant chacun.e à s’en saisir, les autres zones érogènes ont tendance à être oubliées. “Cela pourrait être un problème pour les jeunes femmes qui se construisent actuellement : le risque est de ne se concentrer que sur le clitoris, au détriment du reste du corps, ainsi que de l’aspect érotique, du fantasme et de l’émotionnel”, explique Aurore Malet-Karas, sexologue et docteure en neurosciences.
Des partenaires “clito-centrés”
Amandine* partage ce constat. Si elle sent que ses partenaires masculins sont de plus en plus sensibles et sensibilisés au clitoris – et, de fait, au plaisir féminin –, la cadre de 28 ans observe chez eux une tendance à être “clito-centrés”. “La majorité de mes partenaires en font leur priorité, mais le pendant négatif, c’est que cela grille un peu tout le reste : j’ai l’impression qu’il y a vraiment une injonction, estime Amandine. Mon clito est pris d’assaut assez rapidement, même pas après quelques bisous d’entrée de jeu. Pour moi, ça fait vraiment démarrage à froid. Ce n’est pas juste un bouton on/off. Ce n’est pas à raison d’une caresse répétée, comme ça, dès le début, que ça va fonctionner.”
Lorsqu’on lui demande si elle a déjà ressenti de la pression devant toute cette attention portée à son clitoris, Amandine opine. “Oui, clairement, pas mal de fois, surtout quand je sens que mon partenaire est dans l’optique ‘déclenchement de l’orgasme’ à tout prix, répond-elle. Pendant l’acte, je guide, mais il m’arrive aussi de dire stop quand je sens que je suis stressée, tendue, et que de toute façon ça ne va pas le faire. Une fois qu’ils sont lancés, c’est limite s’ils ne peuvent pas s’arrêter parce que j’ai montré que ça me plaisait. Je salue l’initiative, mais je ne conçois pas de finir si rapidement, j’ai besoin de m’éclater avant. Le simple fait de s’embrasser, se frotter, se caresser me procure vachement de plaisir : pour moi, c’est indispensable. Le clito oui, mais il n’y a pas que ça.”
“C’était la même jouissance, et ça a duré plus longtemps”
Prendre conscience de l’existence du clitoris et apprendre son fonctionnement sont deux choses fondamentales. Mais au lieu de se reposer sur ses lauriers, il est possible de tendre vers des pratiques plus diverses. Il a déjà été établi que l’on peut jouir ou avoir un orgasme autrement que par la pénétration : pourquoi ne serait-il pas possible de faire de même sans stimuler le clitoris ? “Lors de l’orgasme, le clitoris se gorge de sang, puis l’expulse quand les muscles pelviens et utérins se contractent, explique Aurore Malet-Karas. Il peut être comparé aux corps caverneux qui provoquent l’érection d’un pénis.”
Ce n’est donc pas le clitoris qui déclenche l’orgasme : il participe seulement au réflexe neurophysiologique. “Toutes les régions très riches en neurorécepteurs, comme la bouche et les tétons, peuvent le déclencher », assure la sexologue. Lise*, communicante, en a déjà fait l’expérience : « J’ai découvert que mes seins étaient une zone érogène car, quand je me masturbais, j’aimais chercher sur mon corps ce qui pouvait m’intéresser, raconte la trentenaire. Je n’allais pas forcément vers le clitoris directement et je me touchais la poitrine. Au début, c’était juste des caresses sur les seins, puis j’ai commencé à jouer avec mes tétons, à regarder, pincer, serrer plus fort, pour voir ce qu’il se passait.” Ces gestes, Lise les associait toujours à la masturbation.
“A un moment, je me suis retrouvée à me toucher uniquement les seins, reprend la communicante. J’ai réalisé que ça m’excitait beaucoup : j’avais des sensations au niveau de la poitrine, dans le fond de la gorge et dans le bas-ventre, en interne.” Si elle n’allait pas jusqu’à l’orgasme, Lise a tenté l’expérience avec un partenaire il y a quelques années. “Il ne faisait que toucher mes seins, avec ses mains, sa bouche, sa langue, et là j’ai vraiment eu un orgasme au point où tout mon corps s’est raidi, mes doigts de pied frétillaient, se remémore-t-elle. Ce n’était pas la même sensation qu’un orgasme par stimulation externe ou interne du clitoris, mais c’était la même jouissance, et ça a duré plus longtemps.” Ça a même un nom : le boobgasm !
S’écarter du clitoris et du vagin pour de nouvelles sensations
Il n’y a pas de règles en matière d’exploration sexuelle. Si la poitrine fonctionne pour certaines, il est également possible de jouir ou d’avoir un orgasme par stimulation intellectuelle, qu’il s’agisse de rêves érotiques ou de fantasmes. “Il y a aussi des femmes qui ont besoin d’une double stimulation pour atteindre l’orgasme”, rappelle Aurore Malet-Karas. Pourquoi pas double, triple, quadruple…
Ainsi, dans une recherche de nouvelles sensations, Lise a testé l’absence de sexe génital avec l’un de ses partenaires. “C’était assez incroyable, c’était plus intense : on se caressait, on se mordillait, on s’agrippait le corps, avec un peu d’étranglement mais très soft, on accélérait les mouvements, on les ralentissait…, raconte-t-elle. Ça ne me manquait pas qu’il ne me touche pas le clito, au contraire, c’était assez génial de faire différemment. J’essaie de continuer à explorer ça avec mon partenaire actuel. Comme je lui propose de s’écarter du clitoris et du vagin, il réfléchit aussi à s’éloigner du pénis et de la pénétration.”
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*Les prénoms ont été modifiés.
Le Hors série Cheek x Les Inrocks « Plaisir féminin » sera disponible en kiosque à partir du 7 février
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