C’est une première : mardi 4 juillet, la Corée du Nord s’est vantée d’avoir réussi un tir de missile intercontinental. Une arme nucléaire qui pourrait attendre « tous les pays du monde », selon le dirigeant Kim Jong-un. Pourtant, l’ampleur de la menace est à nuancer selon les spécialistes : « le missile n’est pas opérationnel ».
Ce tir de missile pourrait tout changer. Pour la première fois, mardi 4 juillet, la Corée du Nord a affirmé avoir réussi un tir de missile d’un type très particulier : un « missile balistique intercontinental » (ICBM). Il est tombé exactement à l’endroit prévu, en mer du Japon. Un essai « historique », s’est vanté le régime de Kim Jong-un, dans un spot de la chaîne de télévision de l’État. Car avec cet engin de très longue portée, le régime communiste serait en mesure de pouvoir frapper n’importe quel pays de la planète. ils pourraient enfin atteindre leur cible tant convoitée : le territoire américain. Mais voilà : ce missile pourrait être bien moins important que ce qu’affirme la Corée du Nord.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
« [Il] ne peut pas atteindre tous les pays du globe », certifie Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS) et spécialiste de la Corée du Nord. En analysant les caractéristiques de ce missile balistique, de type « Hwasong-14 », le chercheur est arrivé à une conclusion : « Depuis la Corée du Nord, ils pourraient frapper seulement deux États américains : l’Alaska et Hawaï, mais en aucun cas toute la planète », souligne-t-il.
And here it is: the Hwasong-14 pic.twitter.com/du15E7d6eK
— Chad O’Carroll (@chadocl) 4 juillet 2017
North Korean state television broadcasts first images of ICBM launch. pic.twitter.com/IR9n87rKd7
— James Pearson (@pearswick) 4 juillet 2017
« Le missile n’est pas opérationnel »
Si l’arme « a bien les mêmes caractéristiques qu’un missile intercontinental », indique Antoine Bondaz, il faut nuancer sa portée : « Il a été tiré en cloche, donc il a volé très haut, il a même dépassé la Station Spatiale Internationale, mais il n’est pas allé très loin », ajoute-t-il. D’après Pyongyang, il aurait atteint une altitude de 2 802 km, dépassant ainsi l’ISS qui n’orbite qu’à environ 325 km d’altitude. Il aurait ensuite volé sur une distance de 933 km, avant d’entamer sa chute. « Théoriquement, ce missile aurait donc une portée de 6 700 km maximum », souligne le chercheur. Si la Russie ou l’Australie sont à leur portée, les résultats de cet essai restent donc insuffisants pour atteindre le monde entier. « Même la côte ouest américaine, avec Los Angeles, devrait être intacte », précise le chercheur.
Serait-ce donc la fin des essais nucléaires ? Bien au contraire : un seul essai « ne suffit pas à rendre un missile opérationnel », certifie le chercheur en stratégie.
Un « cadeau » pour ces « salauds d’Américains »
Avec la réussite de ce premier essai, Kim Jong-un affirme toutefois son pouvoir. “La Corée du Nord envoie un message simple : elle est déterminée, et peu importe vos sanctions, vos déclarations : nous continuerons”, souligne le spécialiste. Le dirigeant a d’ailleurs déclaré que ce tir était un « cadeau » aux « salauds d’Américains », selon l’agence de presse officielle nord-coréenne KCNA.
Les ripostes ne se sont pas faites attendre. Au lendemain de ce tir de missile, mercredi 5 juillet, Séoul et Washington ont répliqué en simulant un tir de missile de courte portée. Un coup de force, pour envoyer « un fort message d’avertissement » à la Corée du Nord, indique l’agence sud-coréenne Yonhap. La veille, Donald Trump avait déjà réagi sur Twitter, dénonçant une « absurdité » et s’interrogeant ainsi : « Ce type n’a-t-il rien de mieux à faire de sa vie ? » En avril dernier, le président américain affirmait que ce conflit était plus compliqué qu’il imaginait, avouant ainsi sa méconnaissance de la géopolitique.
North Korea has just launched another missile. Does this guy have anything better to do with his life? Hard to believe that South Korea…..
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 4 juillet 2017
Alors que les présidents russe Vladimir Poutine et chinois Xi Jinping, principal allié de Pyongyang, ont demandé l’arrêt de tous les essais nucléaires, plusieurs réunions sont attendues cette semaine : les États-Unis, la Corée du Sud et le Japon se retrouveront en marge du G20, a affirmé le premier ministre japonais, Shinzo Abe ; et une réunion d’urgence au Conseil de sécurité de l’ONU devrait avoir lieu le mercredi 5 juillet.
Mais ces dispositifs pourraient être vains, encore une fois. La communauté internationale peut de nouveau les sanctionner, mais cela n’a jamais permis de geler ou de dénucléariser le régime de Pyongyang.
Un enjeu : « la survie du régime politique »
Car pour la Corée du Nord, la ruée vers l’arme nucléaire la plus puissante dépasse le conflit avec les Américains. « La survie du régime politique en dépend », déclare Antoine Bondaz. Depuis 2012, le programme nucléaire est inscrit dans leur Constitution. Le pays y est définit comme étant « un État doté de l’arme nucléaire », devant ainsi privilégier les dépenses dans le domaine de la recherche militaire, plutôt que dans des aspects sociaux. Depuis l’arrivée de Kim Jong-un au pouvoir, fin 2011, le régime a multiplié les essais balistiques : il y en a eu 79 depuis son investiture, et « seulement » 16 avec son prédécesseur, son père Kim Jong-Il. Ce nouveau texte fait notamment les éloges du dirigeant, et de son père défunt, pour renforcer l’autorité de Kim Jong-un.
« Il est donc impossible de dénucléariser la Corée du Nord, puisque cela voudrait dire qu’ils reviennent sur leur stratégie en place depuis 20 ans. Elle considère que le nucléaire est indispensable à sa politique. L’objectif est de légitimer les sacrifices de la population, délaissés au profit des recherches nucléaires. L’idée est de renforcer le patriotisme et de montrer qu’un petit pays peut faire des prouesses technologiques », précise Antoine Bondaz.
Et pour le moment, aucune entente entre les pays n’a été efficace.
{"type":"Banniere-Basse"}