Un grand voyage non dénué d’humour sur une fascinante planète à la végétation luxuriante : tel est le programme de « Journey to the Savage Planet », l’épatant premier jeu des Canadiens de Typhoon Studios. Et aussi : les aventures d’une tablette ninja dans « Kunai » et l’arrivée de la brillante saga « Oddworld » sur la Switch avec l’adaptation de « Stranger’s Wrath ».
« Eh ! En fait, ces feuilles ne sont pas du tout des feuilles ! » s’étonne la voix au fort accent québécois. Effectivement : ce sont des papillons d’un joli bleu qui recouvraient l’arbre et s’envolent à notre approche. C’est fort agréable à regarder. On ne s’attarde pourtant pas : la contemplation, ça va bien cinq minutes, mais le naufragé de l’espace que nous sommes n’a pas que ça à faire car c’est tout un monde inconnu riche en mystères qui s’offre à nous dans Journey to the Savage Planet, le premier jeu du studio canadien Typhoon.
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Entendons-nous bien : le « monde » dont il est ici question se résume à une planète, ce qui pourrait sembler peu quand un jeu comme No Man’s Sky, dans le registre a priori proche de l’exploration spatiale, nous en propose des milliards (et même des milliards de milliards). Sauf que dans le par ailleurs excellent (et de plus en plus au fil de ses mises à jour) jeu de Hello Games, il s’agit d’univers générés de manière procédurale, c’est-à-dire par une sorte de hasard assisté par ordinateur, là où celui de Journey to the Savage résulte d’un level design 100 % humain. Et c’est ce qui fait toute la différence : ces forêts aux couleurs irréelles et ces édifices aux architectures incroyables ont été consciemment mis en place pour que le joueur s’y immerge et en perce avec gourmandises les multiples mystères. Jamais ne s’efface le sentiment que les choses ont un sens, une direction. C’est un cadeau, pour nous. Merci beaucoup.
« Fallout » et « Lost »
Nous voilà donc sur une planète inconnue. Seul et néanmoins sous surveillance, car notre mission se fait pour le compte de la société Kindred Aerospace qui, des savoureuses vidéos largement parodiques (quelque part entre Fallout et celles du « Projet Dharma » de la série Lost) diffusées dans notre vaisseau-refuge (où l’on repasse régulièrement pour améliorer notre équipement ou, en cas de fin malencontreusement tragique, nous réincarner en clone de notre ancien moi que l’on enterrera à l’occasion) aux instructions, donc, de la voix off québécoise, ne nous lâche pas vraiment. Mais la véritable présence qui nous porte, c’est celle des formes de vie que l’on découvre sur cette planète, végétation luxuriante aux teintes improbables, petites créatures aux gros yeux ronds ou monstres belliqueux dont on ne triomphera pas nécessairement dès notre première tentative. L’un de nos objectifs principaux est d’ailleurs d’examiner et de répertorier la faune et la flore d’Ary-26 – car tel est le nom de cette fabuleuse planète. Alors, comme dans les Metroid Prime, on active notre scanner portatif dès que l’on aperçoit une forme nouvelle pour se délecter des informations qui nous seront données.
Déambulation émerveillée
Journey to the Savage Planet possède d’ailleurs plus d’un point commun avec la série SF de Nintendo, à commencer par son mode de progression qui, ici aussi, repose sur l’acquisition progressive de nouveaux accessoires (jetpack, grappin…) et de capacités (comme celle de pouvoir conserver dans notre sacoche des grenades électriques) qui permettent de franchir des passages jusqu’alors fermés et d’atteindre des zones que l’on pouvait apercevoir mais qui nous demeuraient inaccessibles. L’un des grands plaisirs de l’expérience est d’ailleurs là : dans le fait de repérer des endroits prometteurs que l’on visitera plus tard et, par la suite, de chercher la meilleure façon de s’y rendre. Et, comme l’œuvre de Typhoon Studios est un jeu généreux, les erreurs de trajet ne tournent à peu près jamais à la punition mais débouchent plutôt sur la découverte de nouveaux lieux beaux et intéressants. Jouer à Journey to the Savage Planet, c’est refuser de choisir entre l’approche méthodique (j’étudie les lieux et les moyens à ma disposition pour avancer) et la déambulation émerveillée. C’est établir un plan et ne pas avoir peur d’en dévier quand quelque chose d’imprévu se présente à nous. C’est ne pas hésiter à se laisser aussi guider par le hasard qui, ici, ne réside pas dans le design du jeu (comme dans No Man’s Sky) mais dans notre manière de l’aborder – disons que, cette fois, c’est le joueur qui l’introduit.
Se perdre un peu
On évoquait Metroid Prime, mais il y a un élément qui distingue fondamentalement Journey to the Savage Planet des jeux d’exploration couramment regroupés sous l’intitulé de « Metroidvania » (de Metroid et Castlevania) : ici, il n’y a pas de carte. Pas de plan des lieux qui se complèterait peu à peu à l’écran et auquel on se réfèrerait constamment pour décider de notre prochaine destination. Il est vrai qu’en offrant la possibilité de se projeter de l’un à l’autre des portails qui se débloquent au fil de l’aventure, Journey to the Savage Planet ne laisse pas complètement le joueur sans repère. Mais, une fois arrivé dans l’un d’eux, il faudra d’abord compter sur notre mémoire (si on est déjà passé par là) et notre instinct (si c’est notre première visite ou que l’on a vraiment un sens de l’orientation déficient), même si, comme c’est habituellement le cas dans les jeux à monde ouvert (que, pour avoir œuvré comme réalisateur sur Assassin’s Creed III et Far Cry 4, connaît bien son principal concepteur Alex Hutchinson), la destination à suivre pour mener à bien notre mission du moment s’affiche à l’écran. D’abord, sans carte, on se sent perdu, on pense que ça que ne va pas aller. Mais, très vite, on se dit que l’on n’a pas forcément besoin de « maitriser » cet espace, qu’il n’est pas si déplaisant de s’y égarer par moments et que c’est même sans doute la meilleure recette pour y trouver ce qu’on n’était pas venu chercher. C’est justement ce qui, au final, fait le prix de Journey to the Savage Garden : sa manière douce et sûre à la fois de nous entraîner vers des lieux dont on ne rêvait même pas.
Journey to the Savage Planet (Typhoon Studios / 505 Games), sur PS4, Xbox One et Windows, environ 30€
Et aussi :
Kunai
Nouveau venu dans la grande famille des « Metroidvania » indés en 2D, Kunai partage curieusement certains éléments avec Journey to the Savage Planet, comme la présence de grappins rendant nos déplacements plus aériens et, dans sa première partie, l’absence de carte dans les menus qui modifie sensiblement notre rapport à l’espace. Le plan des lieux ne tarde quand même pas trop à arriver, mais l’intense Kunai, dont l’héroïne se trouve être une tablette ninja en quête fréquente de points d’accès wifi, ne rentre pas dans le rang pour autant et continue au contraire à surprendre. L’œuvre du studio néerlandais Turtle Blaze a surtout pour elle ce qui distingue vraiment les bons « Metroidvania » (Guacamelee, Steamworld Dig 2, Yoku’s Island Express, Gato Roboto…) : un style – graphique, mais aussi, et surtout, ludique.
Sur Switch et Windows, Turtle Blaze / The Arcade Crew, environ 17€
Oddworld : Stranger’s Wrath
Après plusieurs reports, la sortie du nouveau jeu se déroulant dans le riche univers d’Oddworld, baptisé Soulstorm et présenté comme un remake de L’Exode d’Abe (1998), est toujours prévu pour cette année. En attendant, c’est le très bon La Fureur de l’Etranger, paru à l’origine en 2005 sur Xbox mais passé depuis par de multiples plateformes (PS3, iOS, Vita…), qui s’offre un nouveau tour de piste sur la Switch. Une excellente occasion de découvrir cet épatant hybride de FPS western et de plat former 3D à l’ambiance (très) singulière qui regorge de bonnes idées. L’une des meilleures : les munitions de notre chasseur de primes de héros sont des petites bestioles aux comportements variés qu’il doit attraper avant de les charger sur son arbalète. La bonne nouvelle qui accompagne cette sortie est que deux autres « classiques » du studio de Sherry McKenna et Lorne Lanning débarqueront aussi sur la Switch en 2020 – très probablement L’Odyssée de Munch et New’n’Tasty.
Sur Switch, Oddworld Inhabitants / Microids, environ 30€
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