L’augmentation du nombre de femmes non mariées dans la société américaine pousse les candidats démocrates à se saisir de leurs revendications spécifiques. Paradoxalement, cet électorat féminin semble faire davantage confiance à Bernie Sanders qu’à Hillary Clinton pour porter ses demandes.
Même s’il ne s’agit pas d’un élément structurant des débats américains comme la question raciale, les thématiques féministes prennent de l’ampleur dans la campagne. Et pour cause : « En 2009, la proportion de femmes américaines mariées a chuté en dessous de 50 %. En d’autres termes, pour la première fois dans l’histoire américaine, les femmes célibataires (y compris celles qui n’ont jamais été mariées, veuves, divorcées ou séparées) étaient plus nombreuses que les femmes mariées », souligne Rebecca Traister dans le New York Magazine, le 22 février dernier.
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Un enjeu capital
Il s’agit donc d’un enjeu de plus en plus pertinent qui pourrait valoir la Maison Blanche à l’un ou l’autre des candidats démocrates bien plus légitimes et de fait plébiscités sur cette question que les Républicains. « Ces derniers ont plutôt eu tendance à humilier et punir les femmes célibataires, comme quand Rand Paul suggéra en 2014 de plafonner les allocations des femmes dont les enfants seraient nés hors mariage. Ou quand Rush Limbaugh a traité l’étudiante en droit Sandra Fluke, célibataire, de ‘salope’ et de ‘prostituée’ après qu’elle a témoigné en faveur de dispositifs de contrôle des naissances », rappelle-t-elle.
Mais il reste fort à parier que « Donald Trump formulera probablement lui aussi des propositions en ce sens après avoir solidifié son électorat xénophobe », explique la politologue Nicole Bacharan, auteure Du Sexe en Amérique. Une autre histoire des Etats-Unis (éditions Robert Laffont). Sur ce point, tout semble donc se jouer entre l’ancienne First Lady et son concurrent Bernie Sanders. « Les questions de l’égalité des salaires, des congés payés, du revenu minimum, de l’accès aux crèches, des coûts d’inscription dans les établissements supérieurs, d’accès facilité à la sécurité sociale et des droits en matière de reproduction (…) sont soutenues par les deux candidats », explique Rebecca Traister.
Les jeunes féministes ne veulent pas voter pour leur maman
Pour autant, chacun d’eux jouit d’une aura bien différente au sein de l’électorat des femmes célibataires. Hillary Clinton représente l’ »establishment » et sa proximité avec les grandes fortunes joue contre elle. Qui plus est, elle est souvent perçue comme quelqu’un de peu aimable, sans empathie et il apparaît très clairement que les jeunes féministes américaines « ne veulent pas voter pour leur maman », explique la politologue. Bernie Sanders a su capitaliser sur ce désamour pour sa rivale.
« Les jeunes femmes, pour l’instant à majorité blanches, célibataires et ayant voté, se sont rués en nombre pour lui apporter leur soutien lors des caucus en Iowa et New Hampshire. Lors d’un sondage à la sortie des bureaux de vote dans ce dernier État, Sanders battait Clinton de 11 points chez les femmes, et de 26 points chez les femmes célibataires », souligne l’auteure de All the single ladies : unmarried women and the rise of an independent nation.
« Elles sont séduites par ses thèses révolutionnaires qui ont pour but d’oxygéner le débat américain, cette forme de protestation contre la politique carriériste qu’incarne justement l’ancienne secrétaire d’Etat », explique Yannick Mireur, spécialiste des Etats-Unis. Un nouveau souffle incarné par Sanders dont Clinton doit tirer une leçon, celle de donner plus de substance à son message aux Américains tout en mettant en relief la question de la femme afin de consolider cet électorat. Même si l’ancienne sénatrice est toujours restée cohérente dans son combat politique.
Un besoin de mesures progressistes
« Il faut se souvenir qu’il ne s’agit pas d’un mouvement motivé par des symboles. Les femmes célibataires ne recherchent pas un héros féministe (…). Un sondage mené en janvier par le National Partnership for Women & Families a révélé que 68 % des femmes célibataires croyaient qu’un candidat qui supporte de nouvelles lois sur les congés payés était plus à même de comprendre leurs besoins (…). Bien que Clinton et Sanders approuvent tous deux ces législations, et que Clinton les ait évoquées bien plus souvent, les votants ont pour le moment entendu Sanders faire des promesses économiques progressistes bien plus massives. Et ils semblent plus enclins à le croire », indique Traister.
Quoi qu’il en soit le combat pour que de telles mesures « à la française » voient le jour aux Etats-Unis sera ardu. « Il faudrait un grand sursaut de solidarité nationale pour faire passer ces législations sociales au Congrès », s’inquiète Nancy Honicker, une Franco-Américaine.
Reste à savoir si à l’avenir ce groupe grandissant de « célibattantes » version outre-Atlantique aura la capacité à se structurer autour de revendications communes afin de devenir une force politique capable de peser dans le débat public.
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