Aux Etats-Unis, certains opposants ont appelé à la destitution de Donald Trump par tous les moyens. Comme alternative à la procédure d’impeachment, ils proposent de se référer au 25e amendement de la Constitution qui permet de destituer le président pour « incapacité ».
Alors que Donald Trump ne cesse d’innover en matière de communiqués Twitter, beaucoup s’inquiètent pour le président des Etats-Unis, ou plus précisément, pour sa stabilité mentale. Depuis le mois d’avril, James Raskin, élu démocrate du Maryland à la Chambre des représentants, propose de former une commission chargée d’enquêter sur les capacités mentales de Donald Trump. Il aurait déjà obtenu une vingtaine de signatures auprès des élus.
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L’objectif est simple. Depuis 1967, le 25e amendement de la Constitution américaine permet de contourner la procédure traditionnelle d’impeachment et de destituer le président une fois constatée son « incapacité » mentale ou physique à assurer ses fonctions. Deus ex machina ou simple mirage politique ?
Que contient exactement le 25e amendement ?
Donald Trump a récemment publié une vidéo où il s’imagine en catcheur tabassant la chaîne d’infos CNN (renommée FNN à l’occasion, Fraud news Network). Une fois de plus, exaspérés par ses « bourdes », plusieurs opposants demandent sa destitution. Sous les hashtags #25for45 ou #25thAmendmentNow, ces internautes ont notamment rappelé l’existence du 25e amendement permettant de contourner la procédure officielle et de destituer le président des Etats-Unis pour « incapacité » à remplir ses fonctions.
This tweet is evidence of mental deterioration. The President needs a psych evaluation. I mean that seriously and literally. #25thAmendment https://t.co/1w97stPB1e
— Norm Eisen (#TryingTrump out now!) (@NormEisen) July 2, 2017
He is behaving exactly like he always has.This should not be shocking 2 anyone. He's demented & incompetent. Congress needs to act! #25for45 pic.twitter.com/qPDLNxti1P
— Debbie 🐝#EqualityAct 🏳️🌈 (@DebbieDoesTwitt) July 1, 2017
.@SarahHuckabee says @realDonaldTrump doesn't advocate violence, then he tweets this. If just ONE nutcase acts on this…#25for45 #Unhinged https://t.co/ACYX3X1zWU
— Elanor Gardner 💔 (@Sams1stDaughter) July 2, 2017
Adopté en 1967, le 25e amendement prévoit qu’à l’initiative du vice-président et des ministres ou des membres du Congrès, le président puisse être destitué s’il est déclaré « incapable » d’assurer ses fonctions. Si le président conteste cette déclaration, il revient à la Chambre des représentants et au Sénat de trancher. La procédure de destitution doit obtenir deux tiers des voix dans chacune des chambres pour que le président cède sa place au vice-président.
Soulignant l’ambiguïté de la notion, James Raskin estime pouvoir justifier un recours au 25e amendement en démontrant l’incapacité « mentale » de Trump. « Tout va dépendre de l’interprétation du texte », explique Guillaume Tusseau, spécialiste des institutions politiques et professeur à Sciences Po. « En fonction de la majorité, on peut très bien interpréter la notion ‘d’incapacité’ de manière large ou étroite. » Finalement, la destitution du président demeure une question éminemment politique.
De la destitution d’un président aux Etats-Unis
Selon l’article II de la Constitution, la procédure d’impeachment traditionnelle permet de destituer les autorités fédérales pour « trahison, corruption, crimes et délits graves ». Pour aboutir, elle doit recueillir une majorité simple des voix à la chambre des représentants, puis une majorité de deux tiers des voix au Sénat. « Dans l’histoire des Etats-Unis, la procédure de destitution par impeachment n’a jamais abouti pour aucun président », précise Guillaume Tusseau.
« Sur les trois présidents concernés par une procédure d’impeachment, Richard Nixon l’a évitée en démissionnant tandis que Bill Clinton, et Andrew Johnson avant lui, ont finalement été acquittés. Ce qui ne signifie pas qu’elle est inutile. Même si elle n’est pas mise en œuvre, elle contribue à un équilibre. »
Selon Annick Cizel, maître de conférence à Paris 3, historienne et spécialiste des affaires étrangères aux Etats-Unis, la destitution de Trump par impeachment semble aujourd’hui peu probable.
“La procédure d’impeachment implique une très forte volonté de la part des organes législatif et exécutif. Or, le parti républicain vient de réaliser un ‘grand chelem’. Il détient une majorité dans chacune des chambres du Congrès mais également auprès des gouverneurs d’états fédéraux. Le président de la Cour suprême est également républicain. Le parti n’a donc aucun intérêt à se lancer dans une procédure aussi longue – car on imagine bien que Trump ne cèdera pas sa place – et aussi coûteuse.”
« En revanche, il se pourrait que le parti républicain s’oriente vers d’autres possibilités« , ajoute Annick Cizel.
Dans quelles conditions Trump pourrait-il être destitué ?
Il existe deux façons d’initier une destitution selon le 25e amendement. La première implique le soutien du vice-président et d’une majorité des membres du Cabinet, c’est-à-dire des ministres nommés par Trump. La seconde permet aux membres du Congrès d’initier eux-mêmes la procédure, comme le propose en ce moment James Raskin. « Contrairement aux membres du Cabinet nommés par Trump qui ne dépendent pas de l’opinion publique, les membres du Congrès peuvent être soumis à une certaine forme de pression si Trump va trop loin », indique Annick Cizel.
« Cela vient du fait que le système électoral américain est très rapide : des élections partielles se tiennent tous les deux ans. Les plus récentes sont restées favorables au parti républicain qui voit rétrécir néanmoins sa marge de manœuvre. Si, lors des élections de mi-mandat de 2018, les républicains sentent leur siège menacé – et on en a vu certains se faire prendre très violemment à partie par leur base électorale concernant par exemple le retrait de l’Obamacare – alors il se peut que la fronde s’organise et qu’une base bi-partisane se forme pour destituer Trump. »
Si le président des Etats-Unis continue de mettre le parti républicain dans l’embarras, alors ses membres se tourneront peut-être vers une solution qui contourne l’impeachment pour parvenir à un même résultat. « Il suffit qu’il y ait un faisceau de soupçons suffisant concernant, peut-être, une éventuelle collusion avec la Russie pour faciliter son intrusion dans le processus électoral, cumulée aux conditions de limogeage de James Comey, ancien directeur du FBI », explique Annick Cizel.
« A côté du 25e amendement, la procédure d’impeachment serait un véritable pique-nique »
« Le 25e amendement ? Laissez tomber. La procédure d’impeachment serait un véritable pique-nique à côté », titre le Wall Street Journal. Mais les avis ne sont pas unanimes sur la question. Selon la spécialiste des affaires étrangères aux Etats-Unis, il n’est pas impossible que la majorité républicaine se retourne un jour contre son candidat. « Ça n’est pas une illusion, le 25e amendement pourrait être activé« , affirme Annick Cizel. « C’est peu probable aujourd’hui de par la majorité républicaine au Congrès. »
« Mais parce que ces élus souhaitent avoir un avenir, qu’ils souhaitent probablement être re-élus, qu’ils sont patriotes et défendent leur pays, s’il y a le sentiment que le président des Etats-Unis ne mesure pas les conséquences de ses paroles et met en danger la sécurité du pays, car la parole du président a le poids d’une action présidentielle, alors il se peut que le rapport de force ne devienne défavorable à Donald Trump. »
Certains sont mêmes persuadés que Trump ne terminera pas son mandat.. Allan Lichtman, professeur à l’American University célèbre pour avoir prédit avant tout le monde la victoire de Donald Trump aux élections présidentielles, a récemment publié un livre où il délivre un second présage. Dans The Case for Impeachment, l’homme surnommé « professeur prédictions » compare sa situation aux ex présidents Johnson et Clinton pour démontrer comment Trump sera destitué par impeachment, de manière certaine.
Et si Trump était destitué ?
Le président des Etats-Unis céderait sa place à Mike Pence, actuel vice-président. « Mike Pence serait un président plus conforme au parti républicain, conservateur et chrétien, mais surtout moins controversé », explique Annick Cizel. « Il représente l’aile droite conservatrice du parti depuis que le Tea Party a fusionné avec les républicains. Mike Pence est un choix consensuel pour une majorité du parti républicain. »
À l’échelle internationale, la destitution de Trump pourrait occasionner un retour à des interactions plus traditionnelles. « Trump a révolutionné les traditions de la politique étrangère américaine depuis 1945, en adoptant une attitude non conventionnelle et défiante vis-à-vis de la mondialisation. Si Mike Pence prenait sa place, il y aurait probablement un nouvel alignement entre l’administration et le nouveau président, et on retrouverait sans doute plusieurs traditions liées au parti républicain« , indique Annick Cizel avant de suggérer un retour à la politique étrangère façon George Bush père ou Marco Rubio.
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