Nouveauté très attendue de la Switch et titre hautement stratégique pour Nintendo, « Arms » renouvelle le jeu de combat tout en annonçant énergiquement l’été par sa bonne humeur et son ambiance ensoleillée. On ne se sent plus tout à fait pareil depuis qu’on a commencé à y jouer.
Arms n’est pas un jeu de baston. C’est, plus profondément et sous couvert de combats raisonnablement brutaux entre boxeurs bariolés, une invitation à repenser notre rapport à l’espace et aux autres. A réenvisager ce qui fait le proche et le lointain au regard d’une capacité nouvelle que le jeu nous offre et qui complète idéalement nos déplacements : celle de se projeter instantanément vers ce qu’on voit, en tout cas d’y envoyer nos poings, si possible dans la face de l’adversaire – OK, admettons : Arms est quand même un petit peu un jeu de baston.
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https://www.youtube.com/watch?v=T8DSI623kxI
Un jeu extrêmement stratégique
Pour Nintendo, Arms est aussi une affaire extrêmement stratégique, son premier gros titre vraiment original (sans Mario, ni karts, ni Zelda) à sortir sur la Switch et une tentative de renouveler le coup de maître de Splatoon, le phénomène multijoueurs de la Wii U dont la suite est attendue le mois prochain. Comme Splatoon, Arms est une réinterprétation d’un genre établi (ici le combat, là-bas le shooter), un jeu facile à prendre en main (un bouton par bras, les deux en même temps pour attraper notre opposant, un pour le saut, un pour l’esquive, la garde, un coup spécial et c’est tout) mais à l’intérêt potentiellement inépuisable à plusieurs et, aussi, une plateforme de jeu en ligne vouée à se développer (avec de nouveaux personnages, de nouvelles arènes…) au cours des prochains mois. Comme Splatoon aussi, Arms prend le parti de l’humour et de la légèreté dans un esprit estival, pour ne pas dire blue sky, qui lui donnerait presque des allures de jeu Sega de la grande époque s’il ne faisait pas en même temps figure d’héritier direct de Punch-Out, le jeu de boxe mythique de Nintendo – et, accessoirement, de l’Ultra Hand, un jouet tout aussi légendaire commercialisé par la firme japonaise avant qu’elle se mette au jeu vidéo.
Anticiper et puncher
Comme dans Punch-Out, le joueur voit la plupart du temps son personnage de dos et a pour principal objectif de « lire » les mouvements de son adversaire. De voir partir ses coups à temps, voire de les anticiper, pour se mettre à l’abri et, si possible, enchaîner sur une attaque bien placée. Après avoir élu son héros de prédilection (pour nous : la virevoltante Ribbon Girl), rien ne pourra nous arrêter, ni le gros Master Mummy, ni le Kid Cobra masqué. Mais comme dans les jeux de tir, qui ont aussi constitué une source d’inspiration importante pour l’équipe menée par le producteur Kosuke Yabuki et le game designer Shintaro Jikumaru, il n’y a aucune raison de chercher le contact. L’accent est mis sur la visée et, chaque combattant étant équipé de bras télescopiques (façon Inspecteur Gadget, disons) au bout desquels il peut fixer différents types d’armes, on a au moins autant l’impression de tirer que de frapper.
Comme un boomerang
Nos poings sont comme des boomerangs montés sur ressorts (ou, peut-être plus justement, rapport au fil, des balles de jokari) que l’on envoie d’un bout à l’autre de l’écran et qui nous reviennent immanquablement. Les limites de notre corps sont dépassées. Pour peu que l’on sache s’y prendre, l’espace nous appartient, et c’est grisant. Sans s’arrêter trop longtemps sur le fait potentiellement malaisant que les dix personnages disponibles au lancement du jeu ont des prothèses à la place des bras, on s’acharne ainsi à trouver la bonne trajectoire, la plus efficace ou la plus belle – cela revient souvent au même –, et le plaisir sportif autant qu’esthète qui en découle semble inépuisable.
Oubliées, les combinaisons de touches à apprendre des « vrais » jeux de combat comme Street Fighter ou Tekken. Pour l’emporter dans cet « Attrape-moi si tu peux » portable, il « suffit » d’avoir de bons yeux et de bons réflexes, de savoir regarder et de saisir l’occasion, l’ouverture qui se présente. Au fond, rien ne dit que ce soit vraiment plus simple, mais c’est plus direct, en particulier si, en guise d’interface, on opte pour la détection de mouvement en saisissant dans chaque main l’une des deux mini-manettes détachables de la Switch. A titre personnel, on privilégie les boutons aux coups dans le vide, mais les deux options se tiennent et c’est d’abord une question de goût. De la même façon, parmi les modes de jeu alternatifs, chacun est libre de préférer le basket (c’est notre cas : on ne se lasse pas d’envoyer nos adversaires s’écraser dans le panier), le volley (plus délicat à appréhender) ou le « tir » sur cibles. Arms est un espace de compétition et d’expérimentation plutôt qu’un jeu dogmatique qu’il n’y aurait qu’une seule façon de bien pratiquer, et c’est aussi cela qui le rapproche de Splatoon (et de Rocket League, fraîchement annoncé sur Switch pour la fin de l’année). Un espace que l’on espère voir se développer avec le temps.
Pour l’heure, il ouvre idéalement la saison ludique estivale en combinant retour aux sources du jeu (d’arcade, en particulier) et prise en compte des usages modernes (la mobilité, l’e-sport, le développement de communautés). Et, surtout, en n’oubliant pas, comme bien des jeux marquants, de s’appuyer sur un désir plus ou moins caché, celui de faire des choses impossibles « en vrai ». Quelques jours à peine après avoir découvert Arms, on ressent d’ailleurs déjà des choses un peu bizarres. Comme une démangeaison, là, dans le bras, alors qu’on jette un œil de l’autre côté de la rue. Une envie à peine consciente de toucher sans bouger. Et si, comme tous les jeux vraiment nouveaux au principe si évident qu’on jurerait qu’ils ont toujours existé, Arms avait déjà commencé à nous transformer ?
Arms (Nintendo), sur Switch, environ 60€
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