La journaliste grecque Corina Vasilopoulou, membre du Conseil régional de l’Attique (la plus grande région grecque, dirigée par Syriza depuis septembre 2014) décrypte pour nous l’alliance improbable de la coalition de la gauche radicale Syriza avec le parti de droite souverainiste, les Grecs indépendants.
Quelle est l’orientation politique des Grecs indépendants ?
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Corina Vasilopoulou – Les Grecs indépendants (Anexartiti Ellines/Anel) est un parti issu d’une scission du parti conservateur Nouvelle Démocratie (ND) il y a trois ans. Le 12 février 2012, le jour du vote du deuxième “mémorandum”, un jour de manifestations massives dans la rue, le chef conservateur Antonis Samaras qui participait au gouvernement du technocrate Loucas Papadimos, a expulsé du parti les députés qui avaient voté contre. Ces députés-là se sont ensuite unis à d’autres conservateurs déçus du virement pro austérité de ND et ont formé les “Grecs indépendants” (Anel).
Leur idéologie est plutôt conservatrice, patriotique et en même temps, férocement opposée à l’austérité. Il serait, quand-même, exagéré de les identifier à l’extrême droite et, sans doute, d’y voir des points communs avec la formation nazie Aube dorée.
Que partagent-ils avec le programme de Syriza ?
Malgré ses racines conservatrices Anel est d’accord avec Syriza en ce qui concerne la fin de la politique d’austérité, la protection de la petite propriété et des couches les plus défavorisées, la position de la Grèce dans l’UE et le processus de renégociation de la dette du pays. Il y a, pourtant, des différences sur le sujet de l’immigration – Anel est contre un afflux migratoire sans contrôle – ou quelques sujets de politique étrangère. Par exemple les rapports avec la Turquie ou FYROM [Former Yugoslav Republic of Macedonia, désignation grecque de la Macédoine – ndlr], car les Grecs indépendants soutiennent des idées plus radicales. Ces thèmes pourraient devenir la source d’un conflit intérieur plus tard, mais, en même temps, il y a toujours des concessions mutuelles. Hier, la nouvelle ministre adjointe chargée de la politique migratoire, Mme Tassia Christodoulopoulou, a annoncé que le nouveau gouvernement donnera la nationalité grecque aux enfants d’immigrés nés ou ayant grandi en Grèce. C’est une décision qui va dans la bonne direction, et qui n’a sans doute pas été annoncée sans un accord avec Anel.
Pourquoi Alexis Tsipras n’a-t-il pas préféré s’allier avec le Parti communiste grec (KKE) ?
Alexis Tsipras a toujours voulu une alliance avec le KKE. Malheureusement, c’est ce parti qui refuse tout type de collaboration. Le KKE est, peut-être, le dernier parti staliniste en Europe, toujours fidèle au modèle soviétique désormais disparu. Le KKE a toujours dénoncé Syriza, l’accusant d’être un parti trop “réformiste”, loin de l’orthodoxie doctrinaire. En même temps, le KKE a perdu plusieurs électeurs qui se sont déplacés vers Syriza – raison de plus pour considérer ce parti comme un ennemi.
Pendant ces dernières années, alors que la Grèce a subi un néolibéralisme très dur, le KKE a davantage critiqué Syriza que le gouvernement de droite ! Sa position n’a guère changé jusqu’aux élections du dimanche 25 janvier, malgré les efforts de Tsipras pour un rapprochement.
Syriza est plus proche des Grecs indépendants que du KKE ?
Théoriquement, Syriza serait plus proche du KKE. Les deux partis ont une histoire commune qui se déchire depuis l’invasion soviétique en Tchécoslovaquie en 1968, quand une fraction du parti jusque là unifié a opté pour l' »eurocommunisme ». C’est de cette fraction-là qu’allait naître des décennies plus tard Syriza (Coalition de gauche radicale), où l’on peut trouver plusieurs anciens membres du KKE. Parmi eux, Alexis Tsipras lui-même qui, pendant son adolescence, était membre de l’organisation de jeunesse de KKE. Syriza est influencé par le marxisme, mais aussi par le keynésianisme. Il regarde avec un grand intérêt les victoires et les évolutions de la gauche en Amérique latine, mais il est avant tout un parti de gauche européenne qui rêve d’une Union européenne des peuples. Le KKE, au contraire, désire la sortie de l’UE. Avec les Anel il n’y a pas d’histoire ou d’idéologie commune, pourtant, ces deux partis ont réussi à se mettre d’accord sur un projet pour sortir le pays du cercle vicieux de l’austérité.
Cette alliance peut-elle durer longtemps ?
C’est difficile à dire. Pour le moment, le programme de Syriza est appliqué, avec, peut-être, quelques concessions qui restent encore à voir. L’une d’elles pourrait être, par exemple, la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Par le passé, c’était une des priorités dans le programme de Syriza, qui est pourtant passée maintenant au deuxième plan, car le défi le plus important consiste à affronter la crise humanitaire.
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