Balmain, Valentino, Saint Laurent, Gucci, Dolce et Gabbana et Alexander Wang. Ces grandes marques font payer plus cher aux femmes certaines de leurs pièces, pourtant identiques à celles pour hommes. Pourquoi ? Le magazine Business of fashion a mené l’enquête. On sait déjà que pour certaines de leurs dépenses du quotidien, telles que s’acheter un […]
Balmain, Valentino, Saint Laurent, Gucci, Dolce et Gabbana et Alexander Wang. Ces grandes marques font payer plus cher aux femmes certaines de leurs pièces, pourtant identiques à celles pour hommes. Pourquoi ? Le magazine Business of fashion a mené l’enquête.
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On sait déjà que pour certaines de leurs dépenses du quotidien, telles que s’acheter un rasoir ou se couper les cheveux, les femmes payent plus cher que les hommes. Et ce bien que le produit ou le service soit de même qualité. Un surcoût nommé « taxe rose » et dénoncé depuis quelques années, notamment par le collectif Georges Sand.
Selon une enquête de Bof, la mode ne serait pas épargnée. Le journal a observé les prix affichés dans les boutiques en ligne de Saint Laurent, Valentino, Gucci, Dolce et Gabbana, Balmain et Alexander Wang. Il a trouvé 17 pièces identiques pour femmes et hommes avec des prix différents, et dans la plupart des cas ce sont les premières qui doivent débourser plus que les seconds, parfois jusqu’à 1000 $ (894 €) de plus.
Huit articles plus chers chez Saint Laurent
Quelques exemples : le pull avec des papillons brodés de Valentino coûte 2450 $ pour les hommes contre 3290 $ les femmes. La chemise en soie imprimée Gucci affiche 1100 $ pour les hommes, soit 290 $ de moins que pour les femmes. La version homme du débardeur en lin Balmain s’élève à 295 $, tandis que la version femme est à 365 $. Enfin, le t-shirt en coton blanc de Dolce et Gabbana coûte 265 $ pour les hommes contre 295 $ pour les femmes.
Mais c’est, toujours selon Bof, Saint Laurent qui appliquerait le plus la taxe rose, avec huit articles plus chers pour les femmes. Il y a par exemple le pull rayé à 950 $ pour les hommes contre 1190 $ pour les femmes, ou le t-shirt en soie à manches courtes qui coûte 490 $ pour les hommes quand les femmes doivent débourser 590 $. Dans les deux cas, les versions masculines et féminines possèdent pourtant le même design, la même couleur et les même matières de fabrication.
Des vêtements plus chers à fabriquer pour les femmes
Comment expliquer l’application de cette taxe rose ? Contactés par Bof, Valentino, Gucci et Balmain ont refusé de s’exprimer sur le sujet. Seul Saint Laurent a donné sa raison. Bien que sa politique soit d’essayer d’aligner les prix de ses collections homme et femme, la maison française rappelle que ses vêtements féminins demandent plus de minutie dans le travail que pour les hommes.
Effectivement quelques vêtements femmes, particulièrement au niveau du luxe, nécessitent une main-d’oeuvre, des tissus ou des ornements plus onéreux. Et afin que ces pièces n’atteignent pas des prix exorbitants, leur surcoûts de production « se répercutent sur l’ensemble de la ligne », dont les vêtements identiques à ceux pour hommes, explique à Bof Patricia Stensrud, qui a occupé un poste de cadre dans la section sportswear de Tommy Hilfiger.
De même, certaines marques fabriquent, pour les collections femmes, plus de tailles, de couleurs, de variétés d’articles. Le risque : se retrouver avec « plus de stocks à gérer » et donc « plus de chance de devoir solder ses pièces », rapporte Patricia Stensrud. Un risque que la marque anticipe en élevant les prix de ses collections féminines.
Susciter le désir
Mais les coûts de fabrication ne peuvent à eux seuls expliquer le tarif plus élevé pour les femmes. Peut aussi rentrer en compte le statut particulier d’un produit. Prenons Le Smoking de Saint Laurent. Créé en 1960, il a représenté une révolution dans le vestiaire féminin, et continue d’être une pièce iconique de la maison. Alors que Le Smoking pour homme n’a pas cette charge culturelle. D’où la différence de prix : Le Smoking masculin se vend à 2550 $ contre 3550 $, soit 1000 $ de différence. Sans compter qu’appliquer un prix élevé permet de « susciter le désir et élever le prestige de la marque et du produit », rapporte Kit Yarrow, psychologue et professeur émérite à l’université Golden Gate, à Bof.
Certaines marques profitent aussi certainement du fait que les femmes sont prêtes à dépenser plus que les hommes. Aujourd’hui, le marché de la mode féminine pèse 638,8 millions de dollars, largement plus que celui des hommes, 417,3 millions, selon Euromonitor. De plus, « les femmes estiment qu’il y a une corrélation en le prix et la qualité du produit qu’elles achètent, les hommes beaucoup moins », ajoutent Kit Yarrow.
Avant de poursuivre : « C’est certain, la mode masculine est moins compétitive que la mode féminine et demande donc plus d’effort pour promouvoir le produit. Mais de là à appliquer une différence de 100 $ ? Je ne vois d’autre explication que l’opportunisme. »
Bientôt un tournant ?
Mais les choses pourraient bien changer. Ces dernières années, les hommes se sont montrés nettement plus intéressés par leur look. Le marché de la mode masculine augmente d’ailleurs plus vite que la celui de la mode féminine : en 2014, les ventes de vêtements pour hommes ont augmenté de 1,9 % pour atteindre 408, 4 millions de dollars en 2015, alors que les ventes d’habits pour femmes ont augmenté de 1,6 %, atteignant 625, 9 $, selon Euromonitor.
Mais cette plus grande implication des hommes dans la mode suffira-t-elle à faire bouger les lignes ? Non, selon la psychologue Kit Yarrow, qui pense que le changement ne pourra arriver tant que « les femmes ne seront pas conscientes du problème ».
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