Elue sénatrice en 2013, la démocrate se lance aujourd’hui dans la course à la présidentielle de 2020. Fervente défenseuse de la classe moyenne dont elle est elle-même issue, elle porte un programme marqué très à gauche. Portrait de la candidate progressiste qui pourrait faire face à Trump lors des élections présidentielles.
La candidate à la primaire démocrate Elizabeth Warren a brillé lors du premier débat organisé par son parti le mercredi 26 juin. Très à gauche, la sénatrice du Massachusetts a proposé de réformer en profondeur le secteur de la santé. Elle souhaite mettre fin au système d’assurance des compagnies privées pour qu’un seul payeur prenne en charge les frais de santé, assurant que « La santé est un droit humain fondamental. » En suggérant une telle réforme, elle confirme sa position de progressiste au sein du parti démocrate après avoir pourtant démarré sa carrière chez les Républicains… Créditée de 15 % d’intentions de vote dans les sondages, celle qui défie le monde de la finance est l’une des figures montantes de la politique américaine.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
<< A lire aussi : Alexandria Ocasio-Cortez, la voix d’une génération qui se revendique “socialiste”
Des origines modestes
A 70 ans, Elizabeth Warren, se présente à l’investiture démocrate pour les élections présidentielles de 2020, pourtant, rien ne l’y prédestinait. Née en 1949 dans une famille de la classe moyenne américaine, elle découvre très vite le monde du travail et l’instabilité économique. Alors qu’elle n’a que douze ans, son père est victime d’une attaque. La vie de la famille se précarise après que son père, seul salarié de la famille ait perdu son travail. « Nous avons perdu notre voiture, les factures médicales se sont accumulées. Ma mère est allée travailler chez Sears en tant que standardiste pour pouvoir rembourser notre prêt immobilier » déclarait-elle pendant une interview. La candidate à la primaire démocrate participe elle aussi à l’effort familial. Elle devient serveuse dans le restaurant de sa tante en plus de son travail de baby sitter qu’elle avait commencé à l’âge de 9 ans.
Bachelière à 16 ans, Elizabeth Warren devient la première diplômée de sa famille lorsqu’elle obtient sa licence en pathologie du langage et audiologie de l’université de Houston (Texas). Deux ans plus tard, la démocrate commence des études de droit qui vont avoir une incidence sur l’ensemble de sa carrière. Alors qu’elle enseigne dans les facultés du Texas, du Michigan et de Pennsylvanie, elle commence une investigation qui la bouleverse profondément. Une loi fédérale permettant aux personnes les plus précaires de déposer un recours pour éponger leurs dettes est votée en 1979. Warren et deux de ses collègues décident d’enquêter sur l’appartenance sociale des Américains qui déposent des recours. Après avoir épluché près de 2400 dossiers, l’équipe se rend compte qu’il s’agit des classes moyennes, noyées sous les crédits à la consommation contractés pour payer des frais de scolarités ou de santé. Une situation qui fait écho à celle vécue par la sénatrice pendant son enfance, elle révèle dans son livre A Fighting Chance publié en 2014 : « Mon père et moi étions tous deux effrayés de devenir très pauvres. Sa réponse à lui, c’était de ne jamais parler d’argent ou de ce qui pouvait arriver s’il nous arrivait d’en manquer. Ma réponse a été d’étudier les contrats, la finance, et surtout, les échecs économiques. »
La shérif de Wall Street
Durablement marquée par l’étude qu’elle vient de conclure, Elizabeth Warren s’érige en véritable défenseuse de la classe moyenne. La sénatrice démocrate a pourtant évolué sous la bannière républicaine jusque dans les années 1990. Pendant cette décennie, elle devient professeure de droit à Harvard et commence son combat contre le monde de la finance et quitte le parti républicain qu’elle juge trop proche de Wall Sreet. La crise de 2008 vient confirmer les convictions de l’avocate qui déclare que certains banquiers « auraient dû avoir les menottes au poignet. » Elle se lance alors dans un véritable combat contre la finance : elle demande une réglementation plus sévère du marché, davantage de responsabilité des entreprises et un assainissement global du système bancaire. A 59 ans Warren est d’ailleurs chargée de surveiller la mise en place du plan Paulson pour sauver les banques. Deux ans plus tard, elle se verra confier la création de l’Agence de protection financière des consommateurs par Barack Obama. Cette bataille pour la classe moyenne et contre les abus des banques lui vaudra le surnom de « shérif de Wall Street » que lui attribue le Times.
Deux discours qui font date
A 62 ans, alors qu’elle est en campagne pour les sénatoriales, Elizabeth Warren prononce un discours qui fait d’elle la figure montante du parti démocrate : « Personne dans ce pays ne bâtit sa richesse tout seul. Personne. Vous construisez une entreprise ? Tant mieux pour vous. Mais soyons clairs : pour transporter vos marchandises, vous empruntez les routes que nous tous avons payées ; vous employez des salariés dont nous tous avons payé l’éducation ; vous êtes en sécurité dans votre société grâce aux policiers et aux pompiers que nous finançons tous… » Grâce à ce plaidoyer elle devient sénatrice du Massachusetts en 2013 et devance son adversaire républicain de huit points.
En 2017, la sénatrice devient l’instigatrice d’un slogan féministe à son insu. Alors qu’elle souhaite lire une lettre de Coretta Scott King (veuve de Martin Luther King) lors d’une commission de débat, le sénateur Mitch McConnell, chef de la majorité républicaine lui interdit de continuer sa lecture. Elizabeth Warren décide de ne pas se laisser impressionner et continue sa lecture à l’extérieur de l’hémicycle dans un Facebook Live. Le slogan « Nevertheless, she persisted » (« Néanmoins, elle persista ») émerge en soutien à la sénatrice et des centaines de femmes s’en emparent pour dénoncer les pressions qu’elles subissent.
Désormais, la sénatrice se lance dans la course à la présidence pour 2020. Elle a annoncé en février 2019 sa candidature à la primaire démocrate. Fidèle à ses convictions, elle continue de défendre corps et âme les classes moyennes mais aussi le droit à l’avortement et les droits des personnes LGBT. Très marqué à gauche, son programme propose notamment d’annuler une partie des dettes étudiantes et de taxer les très grandes fortunes. Plutôt bien classée dans les sondages avec 15 % d’intentions de vote, Elizabeth Warren pourrait se retrouver face à Donald Trump pour les présidentielles. Reste à savoir si les Etats-Unis, y compris du côté démocrate sont prêts pour un virage à gauche à 180 degrés…
{"type":"Banniere-Basse"}