Dans “Pilleurs d’État”, l’ancien collaborateur de Manuel Valls à la mairie d’Évry, Philippe Pascot, dénonce les abus des élus. Deux ans après sa sortie, le livre est toujours un succès.
« Comment peut-on dépenser l’argent public quand on l’a volé? » On imagine aisément Philippe Pascot, 62 ans, poser cette question à François Fillon droit dans les yeux, sans ciller. Pour l’instant, elle est seulement inscrite en gras sur la pétition lancée par cet ex-adjoint de Manuel Valls à la mairie d’Évry qui fut aussi conseiller régional d’Ile-de-France, président de la formation professionnelle de la région et président de la fédération PRG de l’Essonne.
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Au printemps dernier, il s’associe à trois autres personnes pour réclamer l’interdiction aux détenteurs d’un casier judiciaire de pouvoir effectuer un mandat électoral, expliquant que 396 métiers l’exigent déjà. 148 000 signatures plus tard, l’engagement et les velléités de transparence de Philippe Pascot portent leurs fruits : le 1er février, les députés adoptent en première lecture une proposition de loi instaurant l’obligation d’être titulaire d’un casier judiciaire vierge pour se présenter à une élection.
Un après-midi pluvieux de fin janvier, il nous accueille au Plan, une salle de concert à deux pas de la gare RER d’Orangis-Bois de l’Epine (91), au cœur de l’Essonne, là ou il a fait 25 ans de politique. Borsalino en paille vissé sur la tête et écharpe blanche autour du cou, il nous guide jusqu’à son « sarcophage« , un bureau aux airs de tanière, sans fenêtres et dont les murs gris sont recouverts de photos et de souvenirs sans aucun rapport les uns avec les autres. Un kakémono à son effigie se dresse dans un coin, scrutant la porte. Face à elle, deux portraits d’inconnus en noir et blanc, au moins centenaires, accueillent aussi le visiteur, les couvrant de leurs regards surannés. Au plafond, une caméra de surveillance à détecteur de mouvement est parfois activée. L’homme aux faux-airs de Louis Chedid qui se présente aussi comme « spécialiste des caméras cachées » a des yeux dans le dos, une qualité indispensable pour alimenter ses livres.
Traquer, épingler, afficher
Depuis quelques années, le père de Panayotis Pascot, la très jeune recrue de Yann Barthès, s’attelle à traquer les politiques abusant du système. Du plus petit conseiller municipal au ministre, Philippe Pascot n’en loupe pas un. Son deuxième livre Pilleurs d’État (Éditions Max Milo) sorti en 2015, se classe dans les meilleures ventes 2016 d’essais politiques, il s’en est écoulé 80 000 exemplaires. Un succès facile à expliquer d’après l’auteur au bagout prononcé: « Si Pilleurs d’État marche bien c’est parce que je parle des choses vues de l’intérieur en connaissance de cause et sans fioritures. Je parle et j’écris pour le peuple« .
Dans ce livre, il s’applique à dénoncer les « abus légaux » et actes illégaux commis par certains élus dans un système politique obsolète ou l’IRFM (Indemnité représentative de frais de mandat), qui s’élève à 5 770 euros par mois pour les députés et 6 200 euros pour les sénateurs, devient de « l’argent de poche » permettant entre autres choses « de financer des résidences secondaires« . « Je détaille les privilèges, avantages, passe-droits judiciaires et fiscaux dont ils bénéficient. Certains sont le fait de lois applicables, légales, mais souvent immorales. Certains élus ont jusqu’à 5 retraites, leur pension de réversion est plus haute que la nôtre… Ils se gavent sous les ors de la République, avec notre argent alors qu’ils devraient nous montrer l’exemple. Ils se servent alors qu’ils devraient juste nous servir » fulmine l’homme à la barbe grisonnante.
Il se fait le porte-parole de la colère qui gronde chez les citoyens: « Les élus sont nos employés, je n’ai pas peur d’eux. C’est nous qui les payons. Il faut arrêter de croire que ces gens-là sont des dieux. Certains se croient propriétaires de leurs postes et agissent en tant que tel alors qu’ils ne sont que locataires (…) Le pouvoir est fait pour être partagé« . Ses livres recensent plusieurs centaines de noms d’élus crapuleux accolés à leurs agissements. « Tout est factuel, rien n’est inventé« , précise-t-il. Il s’en sort avec un seul procès, à cause d’une erreur « due à la fatigue » à propos du déroulé d’une affaire.
Celui qui préfère le terme d’éveilleur de conscience à celui de lanceur d’alerte devient élu d’opposition de la commune de Bondoufle (91) en 1989. Il y reste 12 ans, avant de rejoindre Manuel Valls à la mairie d’Évry, durant 13 années, au cours desquelles il s’éloigne de lui: « Au début je le trouvais sympa, il n’était pas encore Dark Vador. Il passé d’un type sympa à un type colérique et calculateur (…) Il veut le pouvoir à n’importe quel prix, c’est un virus » lâche-t-il, volubile.
De l’ancien Premier ministre à Julien Dray en passant par Jean-Luc Mélenchon, il « les connaît tous« . Témoin des agissements d’élus profiteurs, il assure ne jamais avoir cédé aux sirènes du profit: « On m’a proposé des magouilles, mais j’aime être libre. si tu acceptes une fois, t’es mort (…) Mais c’est difficile de refuser quand tout le monde te fais la cour, te cire les pompes » admet-il.
Assainir la classe politique
Tous pourris ? « Je ne lutte pas contre les élus mais contre le système car la soupe est bonne« , corrige Philippe Pascot. » iI y en a autant à droite qu’à gauche, ces gens-là c’est une grosse minorité, il y en a moins qu’on le dit mais plus qu’on ne le sait« . D’après lui, 30 % des députés et sénateurs ont eu affaire avec la justice et le fisc.
En plus de ses trois livres, l’ancien élu cumule 35 millions de vues sur ses vidéos disponible sur internet et mises en ligne pas l’un de ses fils, Paul, comédien. Il fait aussi des conférences tout autour de la France avec des gens « qui ont le même discours de démocratie honnête, participative et sans corruption » comme Stéphanie Gibaud, le controversé Étienne Chouard ou encore Yvan Stefanovitch, auteur d’une enquête sur les privilèges des sénateurs. « Mon livre s’est vraiment vendu par les réseaux sociaux » explique-t-il.
Peu présent sur les plateaux télé, Philippe Pascot pense que le fait de taper sur le système « effraie » nombre de journalistes, ce qui lui importe peu. Son vrai succès réside dans la proximité de la victoire de sa pétition pour le casier judiciaire. Il milite pour la transparence totale sur les dépenses des élus, comme en Suède, « ou un livre détaille tout ce que les ministres dépensent dans l’année« . Son deuxième cheval de bataille est de rendre le vote obligatoire, « ainsi ils seront obligés de donner un pouvoir politique au vote blanc et on ne sera plus obligés de voter par dépit« .
La suite de Pilleurs d’Etat intitulée Allez presque tous vous faire foutre sort ce mois-ci avec sa nouvelle dose de noms et d’affaires. Pour l’accompagner, il raconte avoir pensé à mettre des sac à vomi à la fin. Trop chers, il se rabat finalement sur des bulletins de vote à découper gratifiés de phrases comme: « Allez vous faire foutre« , qui tombent à pic pour l’élection présidentielle. La patte Philippe Pascot, porteuse d’un dégoût profond envers une classe politique « adepte du profit personnel« . Un ouvrage qui viendra clore sa série, en effet, l’ancien élu ne veut pas devenir « le guide du routard des élus malfaisants« .
Milles et une vies
Philippe Pascot n’est pas du genre à exploiter le même filon toute sa vie et surtout pas la politique. A l’écouter, on a tout d’abord l’impression d’avoir atterri dans un épisode de Serge le mytho. Fait chevalier des arts et des lettres en 2001, il créé le premier mensuel consacré aux chats, est l’auteur de 15 records du monde, a été pilote d’avion au Tchad et fait entre autres des caméras cachées. Des activités pourtant toutes vérifiables, un argument qu’il n’a de cesse de répéter de peur qu’on ne le croit pas.
Un banal « c’est vrai? » devient une arme de destruction massive: « Ah bah voilà, je suis mort quand on me dit ça, j’ai l’impression d’être mythomane » se lamente-t-il. Devant son ordinateur il prouve tout grâce à des vidéos et nous propose de jeter un œil à des coupures de presses. « Je ne mens pas, tout est vérifiable. Je ne mens jamais, j’ai des vidéos à l’appui » répète celui qui est aujourd’hui père de 6 enfants avec sa femme, institutrice. « Ils ont tous un prénom qui commence par un P » nous confie Philippe Pascot, six doubles initiales calquées sur les siennes à l’instar des cinq filles de Kris Kardashian-Jenner, entre autre mère de la célèbre Kim.
Il est depuis 1989 directeur de la Halle du rock à Bondoufle, un complexe situé sous un parking composé de 4 salles de répétition et d’un studio d’enregistrement qui voit notamment éclore Disiz la Peste. « Quand je fais les choses, j’aime bien les faire jusqu’au bout (…) mais je ne suis pas non plus le type qui reste sur les choses. Une fois qu’elles sont faites, je passe à autre chose. Je refuse de devenir l’ayatollah de quoi que ce soit » affirme Philippe Pascot. Une réalité qui transparaît à travers son parcours bien rempli.
Il quitte l’école à 14 ans, « quasiment analphabète » pour devenir « laveur de chiottes« . Il enchaîne les petits boulots afin de se payer des cours de dessin, de théâtre ou encore un brevet de pilote d’avion, qui lui sert lors de son service militaire puisqu’il est envoyé au Tchad en tant que pilote. A 23 ans, il récupère la maison des jeunes de Bondoufle et se lance dans les records du monde pour occuper les jeunes: il traverse un tunnel en feu de 50 mètres de long, fabrique la plus longues chaîne de trombones au monde (42 kilomètres), construit une salle de bain et des toilettes motorisées, effectue le plus long lancer d’œuf au monde (67 mètres) et s’attelle au transvasement d’une tonne de sable à la cuillère. Soit une petite quinzaine de records du monde réalisé au nom de la commune de Bondoufle. Il détient aussi, à titre personnel, le record du monde de la grève de la faim dans un clocher d’église: 12 jours dans un caisson à 35 mètres du sol pour sauver une radio locale qu’il avait montée.
Philippe Pascot n’est pas du genre à faire les choses à moitié. Pendant un certain temps, il monte des combats de catch, ce qui le pousse à essayer: « Quand j’étais gentil je m’appelais Phiphi Brindacier, quand j’étais méchant je m’appelais docteur Herr Von Braun« . Il se présente aussi comme l’un des « spécialistes des caméras cachées en France« . Avec une soixantaine à son actif pour TF1 ou Macdonald’s. « Même quand j’étais en politique j’en faisais, précise-t-il, je n’ai jamais voulu être catalogué dans un truc. C’est ma force et ma faiblesse » confie-t-il.
Mais Philippe Pascot fait aussi dans l’humain. Il donne des cours de théâtre à des jeunes de CFA et leur organise un spectacle sur la scène de l’espace Pierre Cardin entouré de professionnels pour leur redonner confiance en eux, monte des chorales pour le Téléthon, s’occupe d’un orchestre symphonique dans un quartier défavorisé de Kinshasa, sensibilise à la leucémie chez les enfants pendant 10 ans, lutte contre une secte appelée « La fraternité blanche universelle »…
« J’aime bien le spectacle, faire et faire savoir (…) et surtout semer des petites graines dans la tête des gens pour qu’elles poussent » explique-t-il. Aujourd’hui, il lutte très activement contre l’exploitation de l’huile et du gaz de schiste en France. Punir ceux qui abusent, aider ceux qui sont faibles. Philippe Pascot sous ses airs rebelles serait-il finalement un représentant de la morale?
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