A l’occasion du Sidaction, portrait de Loïc, séropositif indétectable, sujet d’un documentaire réalisé par Iris Lebrun, sa meilleure amie. Alors que le niveau d’information sur le VIH se détériore depuis 2014, il souhaite, à travers ce projet, aider à la prévention tout en montrant sa rage de vivre.
« Vous avez potentiellement été exposé à une maladie sexuellement transmissible. Vous devez aller vous faire dépister le plus rapidement possible. » Loïc a 26 ans et vit en Angleterre depuis quelques mois lorsqu’il reçoit ce message.
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Il lui a été envoyé via l’application « Let them know » [« Faites leur savoir » en français, ndlr], qui permet aux personnes nouvellement contaminées de prévenir de manière anonyme leurs anciens ou actuels partenaires afin qu’ils aillent se faire dépister à leur tour. Ayant fait des tests juste avant de quitter Paris, Loïc nous explique être, au départ, assez confiant. « J’ai vraiment pris conscience du danger quand la clinique m’a contacté pour que je vienne chercher mes résultats directement sur place », déclare-t-il.
Le 10 octobre 2014, aux alentours de 9 heures, il se rend au Mortimer market centre, une clinique de Londres spécialisée dans la santé sexuelle. Il s’en souvient comme si c’était hier : il faisait beau, le ciel était bleu, et tout semblait très calme. Pourtant, quelques minutes plus tard, sa vie allait basculer. « On a reçu vos résultats, ils sont positifs au VIH. » Lorsque le médecin lui annonce la nouvelle, Loïc explique ne pas comprendre ce qui lui arrive : « Tout se dématérialise d’un coup, je n’avais jamais ressenti ça auparavant, c’est comme si on m’annonçait que j’allais mourir, là, très rapidement ». Totalement désemparé, il décide d’appeler Iris, sa coloc’ et meilleure amie qui réalisera par la suite le documentaire sur son parcours (“ . A son arrivée, elle le rassure et prend les choses en main, « elle a été ma béquille et mon premier soutien » déclare le jeune homme.
“En coloc’ dans mon propre corps”
Deux semaines après cette annonce, Iris propose à Loïc de le filmer afin qu’il puisse se confier à elle – et à la caméra – comme à une sorte de journal intime. Un soir, alors qu’il est dans son bain, il lui explique avoir « l’impression d’être en coloc’ dans mon propre corps ». Lorsqu’on lui demande la signification de cette phrase, il déclare : « J’avais vraiment cette impression de vivre avec quelque chose de mauvais, que mon corps et ma tête étaient totalement dissociés. Je détestais mon corps car il m’avait trahi. » Un sentiment de rejet de son propre corps qu’il a mis beaucoup de temps à dépasser, et qui reste parfois présent aujourd’hui.
Le début de la trithérapie va venir concrétiser et compliquer les choses. Loïc attend quelques jours avant de commencer à prendre ses trois cachets journaliers, le temps de profiter de son anniversaire, entre autres. Pour lui, il s’agit de quelque chose de très symbolique : « C’est dur de se dire qu’on commence un traitement à vie et qu’on ne peut pas l’arrêter. » D’autant plus que les effets secondaires sont nombreux, surtout pendant les premiers mois du traitement. Loïc explique : « J’avais beaucoup de courbatures, j’étais très fatigué, je faisais des cauchemars toutes les nuits… J’étais mal. » Mais les médicaments jouent surtout sur son moral : « Je pouvais rester une après-midi entière sur mon canapé à regarder la fenêtre en me demandant si j’allais sauter ou pas. »
Le soutien indispensable de ses proches
Loïc tient en grande partie grâce au soutien de ses proches à qui il a annoncé très tôt sa séropositivité : « Ma meilleure amie directement, mon frère une heure après et mes amis dans la foulée ». Il explique que le fait de devoir les rassurer l’a beaucoup aidé à prendre conscience des choses et à se convaincre lui-même que, finalement, la vie continuait.
Mais il refuse encore de sortir, de rencontrer de nouvelles personnes. Par peur d’être frustré d’une part, et jugé, de l’autre. Car, à force d’entendre des remarques telles que « qu’est-ce que t’as fait ? », « pourquoi t’as pas mis de capote ? », « tu l’as bien cherché ! », il a développé un sentiment de culpabilité extrême. Alors, le samedi soir, il préfère rester chez lui, dans sa chambre. Jusqu’au jour où Iris arrive à le convaincre, à force de persévérance, de sortir avec elle. « J’ai dû embrasser dix gars dans la soirée » se souvient Loïc avec amusement. Il prend alors conscience que, bien qu’il soit séropositif, ce n’est pas écrit sur son front.
Séropositif indétectable, un terme encore peu connu
Tout change le jour où Loïc apprend qu’il est séropositif indétectable, c’est-à-dire qu’il ne peut pas transmettre le virus : « A partir de là, je savais que si j’avais un rapport et que la capote craquait, il n’y avait aucun risque que je transmette le virus à la personne. » Depuis 2008, les traitements contre le VIH permettent en effet de rendre la charge virale tellement faible qu’elle en devient indétectable, intransmissible. Pour Loïc, c’est un énorme soulagement.
Petit à petit, il retourne sur des applications de rencontre. Mais au départ, la peur est toujours là : « Je voulais absolument trouver quelqu’un qui soit positif aussi, parce que j’avais peur que, dans le cas inverse, la personne ne comprenne pas. » Des doutes justifiés par l’ignorance de la plupart des personnes à ce sujet. Loïc explique avoir reçu de nombreuses insultes : « Il y a plein de gens qui voient que tu es séropositif [car l’application permet de le notifier, ndlr], et qui ne cherchent pas plus loin. Certains t’ignorent, d’autres te traitent de traînée, quelques-uns te posent des questions… »
Petit à petit, la vie reprend son cours
Depuis, plusieurs années se sont écoulées. Loïc vit toujours à Londres et travaille dans la logistique mondiale pour un designer d’intérieur. Il continue à prendre son traitement de manière quotidienne mais ne ressent plus aucun effet. En couple avec un homme « négatif », il a réussi à mettre sa séropositivité au second plan : « On n’en parle même plus. On a des rapports non protégés mais on ne vit pas dans le stress parce qu’on sait tous les deux qu’il n’y a aucun risque. »
Très angoissé à l’idée de mettre ses parents au courant, il a fini par sauter le pas : « Finalement, ils l’ont très bien pris et connaissaient beaucoup plus de choses que moi à l’époque. Ma mère m’a même dit ‘De toute façon, Line Renaud le dit dans Sidaction qu’à partir du moment où tu es indétectable, tu peux vivre normalement !’, c’était incroyable. » Ils le soutiennent totalement dans sa démarche de prise de parole, dans la vie comme dans le documentaire.
Samedi 6 avril, à 11h, Loïc sera présent aux côtés d’Iris lors d’une projection gratuite du documentaire au cinéma Le Majestic, à Bastille, organisée par ActupienNes. « Le film a été ma thérapie et ma béquille. Il m’a fait avancer et m’a encouragé à en parler autour de moi » conclut Loïc, le sourire aux lèvres.
A l’occasion du Sidaction, l’association a publié un nouveau rapport issu d’un sondage Ifop auprès des jeunes de 15 à 25 ans. Aujourd’hui encore, le niveau de connaissance sur le VIH se détériore. 20% des interrogés pensent par exemple que le virus du sida peut se transmettre en embrassant une personne.
Le documentaire est également disponible en replay jusqu’au 2 mai 2019 sur le site de France Télévisions.
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