Avec « Le Moment Meurice » sur France Inter, ce « comique d’investigation » s’est imposé par ses interviews hors-normes et un esprit désopilant. Portrait d’une des figures montantes de l’humour français.
17h09. « Si tu écoutes, j’annule tout », la quotidienne présentée sur France Inter par Charline Vanhoenacker et Alex Vizorek commence dans une minute. C’est le moment où Guillaume Meurice passe la porte du studio d’enregistrement, sourire aux lèvres et yeux rieurs. Aujourd’hui dans sa chronique, il épinglera les actionnaires du groupe Vinci.
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De l’administration à la comédie
À 34 ans, l’humoriste a le vent en poupe. Pourtant cette carrière n’a pas toujours été une évidence. Après le bac, le jeune Meurice ne sais pas trop que faire et passe alors trois ans en gestion et en administration publique avant d’intégrer le Cours Florent à Paris. Il s’en souvient encore : « à la fin de la période probatoire, j’ai présenté un monologue et tout le monde s’est marré. À ce moment j’ai senti que j’avais trouvé ma place. » Si depuis toujours le petit Guillaume traînait sa mère dans des one-man-shows, il le confesse, « personne en particulier n’a déclenché chez [lui] cette vocation ».
Ses maîtres ? Ils se situent plutôt du côté des sciences humaines, avec par exemple l’essayiste Albert Jacquard. Ensuite, les événements s’enchaînent. Premier one man show en 2007, parachutage sur casting dans l’émission de Frédéric Lopez sur France Inter en 2012, et finalement son arrivée en 2014 dans l’émission Si tu écoutes, j’annule tout. « J’ai été pris pour mon culot, parce que j’aime aller au contact des gens. Alex voulait que je ramène deux à trois minutes de son par jour, sur le sujet de mon choix. J’ai ensuite architecturé l’ensemble avec du contexte et des blagues. »
Mais pourquoi ?
Le Moment Meurice qui connaît tant de succès serait-il donc le fruit du hasard ? Pas vraiment. Depuis toujours, « pourquoi ? » est la question que Guillaume Meurice ne cesse de se poser : « en fait, cette chronique ne peut pas être plus proche de ce que je suis. Rites, traditions, coutumes, je n’ai jamais pu me contenter d’entendre qu’on a toujours fait les choses comme ça, j’ai besoin de comprendre pourquoi. » Si Ménon comparait Socrate à une torpille marine plongeant ses interlocuteurs « dans la torpeur aussitôt qu’on s’en approche », Guillaume Meurice lui aussi sait faire surgir l’absurdité et le paradoxe.
Accoucheur des idées toutes faites, avec sa maïeutique inversée, l’humoriste prend ses interlocuteurs au piège de leurs préjugés : « On répète tous ce qu’on a entendu sans avoir pris le temps d’y réfléchir et j’adore m’engouffrer dans ces failles logiques ». Un peu comme Socrate qui s’en prenait aux sophistes, dont l’objectif est de convaincre sans se soucier de la vérité, Guillaume Meurice s’en prend aux « communicants » : « J’en veux à ces gens qui maquillent le réel et préservent les apparences, qui savent des choses mais s’en servent à mauvais escient. »
Une force tranquille
Terminer sa chronique 30 minutes avant l’enregistrement ? « Ca pourrait être pire. » Ne pas savoir quel sujet il traitera demain ? « Je trouverai bien. » Devoir être drôle tous les jours ? « J’aurai une autre chance demain. » Etre un humoriste politiquement engagé ? « Je suis pour la redistribution des richesses, contre la guerre et la maltraitance animale, pour que les femmes soient mieux payées, bref, rien de bien révolutionnaire ! » Etre stressé par une interview ? « Personne ne m’impressionne, j’ai une vision très horizontale des choses et pour moi les différences n’engendrent pas nécessairement une hiérarchie. » Bref, rien ne semble pouvoir déstabiliser ce joyeux impertinent qui n’a jamais l’impression de travailler malgré des journées bien chargées.
Un contre-pied du journaliste traditionnel
La spécificité de ce « comique d’investigation » ? « Je ne suis pas pressé par le temps, c’est une vraie force, mais surtout je n’ai pas à jouer le rôle qui m’est attribué. » Ainsi, lorsqu’il se rend dans ce qu’il appelle « le grand théâtre de l’Assemblée », il n’hésite pas à poser des questions décalées et se réjouit de voir ses interlocuteurs se dire « mais c’est pas dans le texte ça, il n’est pas censé dire ça ?! » Maître de la joute verbale, doué pour anticiper les réponses des uns et des autres, Guillaume Meurice prend un malin plaisir à déstabiliser et à faire tourner les gens en bourrique : « je fais de la résistance par rapport à l’univers médiatique traditionnel où l’on n’est pas autorisé à poser certaines questions. » Au fond de cet esprit sarcastique, l’impression que la vie est un sorte de scène où chacun joue son petit rôle. « Je ne crois pas beaucoup au concept d’’adulte’. Autour de moi je ne vois que des enfants qui jouent aux grandes personnes. Ca me donne envie de rire, et de montrer qu’on n’est pas dupe. »
Un humoriste humaniste
Plutôt que des individus, ce sont les institutions et les structures que ce moment journalistico-humoristique désopilant affronte. Comme il nous l’explique avec humour « je ne pense pas que les gens soient mauvais par essence. Je crois que les gens qui accumulent des millions sur des comptes en banque au Panama sont malades et qu’ils se sentiraient beaucoup mieux s’ils donnaient un peu de leur argent pour aider les autres. » Un diagnostique ? « C’est facile de réveiller quelqu’un qui dort mais c’est impossible de réveiller quelqu’un qui fait semblant de dormir. Et beaucoup de gens font semblant. » Mais Guillaume Meurice continuera quand même à essayer de « donner une voix à ceux qui ne se font pas entendre », à revendiquer sa liberté et son envie de rire.
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