Elle parle six langues couramment (bientôt sept), est aussi connu en France qu’en Italie et au Brésil. Qui est Anne-Laure Bonnet, la journaliste sur qui beIN Sports mise énormément ? Portrait.
Mardi 23 février, il est presque 23h. Eric Di Méco et Christophe Josse, tandem vedette de la chaîne beIN Sports, se remettent à peine de l’un des plus beaux matchs de l’année. Les Italiens de la Juventus de Turin ont fait match nul face aux terribles allemands du Bayern de Munich (2-2). Sur le terrain ce soir-là, une quinzaine de nationalités différentes et quasiment autant de langues sont représentées. C’est au tour d’Anne-Laure Bonnet, 38 ans, d’entrer en jeu. Au bord de la pelouse, elle jongle avec aisance entre les interviews du gardien allemand Manuel Neuer et du Colombien Juan Cuadrado. Ah oui, petit détail : Anne-Laure parle souvent en VO avec ses interlocuteurs. Français, portugais, italien, anglais, espagnol et allemand, elle maîtrise six langues avec brio.
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Nous la rencontrons le lendemain du match, dans les locaux de la chaîne. Echarpe autour du cou, visage fatigué dû à un retour tardif en avion… Rien ne semble pourtant entamer sa bonne humeur. “Qu’est ce qu’il était nul cet arbitre”, peste-elle à propos de la rencontre d’hier, visiblement toujours dans son match. Depuis 2013 la Parisienne occupe le poste de “bord terrain” au sein de la chaîne qatarie. Un poste en apparence ingrat : interroger les joueurs et entraîneurs à la sortie du match, entre fatigue et frustration. Dans ces conditions, comment éviter le tunnel ou la mauvaise humeur de l’interviewé ?
“Quand le match a été compliqué, je préfère laisser le coach analyser le match tout seul, explique-t-elle. Certains préfèrent être guidés mais c’est bien plus spontané comme ça. Pour les joueurs, j’essaye de coller à ce que disent les commentateurs, qu’il y ait de l’unité.”
Selon son collègue Christophe Josse, elle excelle dans le domaine : “Elle parvient à tirer des infos de ses interlocuteurs sans tomber dans un vocabulaire trop technique, le public aime sa singularité.”
Fan inconditionnelle d’Ayrton Senna
Si Anne-Laure Bonnet demeure le porte-étendard de beIN Sports aujourd’hui, elle n’est pas fan de foot de la première heure. Son truc c’est la F1, depuis toute petite. Ado, sa chambre est tapissée de posters d’Ayrton Senna. Au lycée, c’est pour le mythique pilote brésilien de F1 qu’elle choisit d’étudier le portugais. A 20 ans, Anne-Laure tourne en rond entre une licence de langues étrangères et un cursus à Sciences-Po Paris. Elle déniche un « petit boulot » chez Canal + où elle s’occupe d’un site de beach soccer qu’il fallait réaliser en portugais. Elle enchaîne sur le “Vivier” de L’Equipe de 2001 à 2004, véritable pépinière pour jeunes talents du journalisme sportif. Mais il s’agit finalement de beaucoup de relectures derrière un ordi tandis qu’elle, rêve de grands reportages.
Sur un coup de tête, elle file au Brésil, le pays de Senna : “J’ai dit à L’Equipe : ‘Je vais être correspondante là-bas !’ Ils m’ont répondu : ‘Ouais c’est ça, salut hein!’” Elle enchaîne quelques piges, notamment sur le football, mais pas de quoi vivre. Retour en France et début des galères. Une année sur TPS pour couvrir le foot anglais, en 2005. Chaque week-end elle fait l’aller-retour en Eurostar, mais peine à joindre les deux bouts. Deuxième exil, cette fois en Espagne :
“Une fois installée, je me dis : ‘Mais en fait, je n’ai pas de boulot.’ A chaque fois, je me dis que je vais y arriver. Actualité, sport, politique, je pense que je vais pouvoir tout faire sur place. Je pars avec mon bâton de pèlerin. En fait c’est très dur. Mon erreur, c’est de partir sans n’avoir rien validé avant.”
« Tu dois griller l’Anglaise et l’Allemande ! »
Mais Anne-Laure a une bonne étoile. Fin 2005, L’Equipe la rappelle pour un livre sur les cent ans du Grand Prix de France. Le coup de téléphone vient de Jérôme Bureau qui, entre temps, file à M6. Malin, il emmène Anne-Laure avec lui pour couvrir la coupe du Monde 2006 dont la petite chaîne vient de rafler une partie des droits. Elle suivra le Brésil. Après le Mondial, une nouvelle période « vache maigre » commence. Jusqu’à ce que la télévision ne revienne vers elle. A l’époque où elle bossait à L’Equipe, Anne-Laure Bonnet avait participé à un casting pour Eurosport.
Noël Carles, directeur des sports de TF1 a une idée derrière la tête. Envoyer la jeune femme faire ses armes dans un obscur championnat, le FIA GT, pour, un an plus tard, intégrer la star des courses auto, le championnat du monde de F1, sur la première chaîne européenne. Pari gagnant. La journaliste fait ses gammes sur le bitume de la grille de départ, au milieu des coureurs. “Dans mon jargon, ça allait tout droite avec Anne-Laure », s’emporte Denis Brogniart.
« On n’a pas d’amis durant cette demie-heure sur la grille, je lui répétais sans cesse : ‘Tu t’en fous ! Felipe Massa, tu ne l’auras pas avant la télé brésilienne, c’est mort. Mais tu dois griller l’Anglaise et l’Allemande !’ Et à chaque fois, elle réussissait.”
Un style direct et rentre dedans
Ses performances ne laissent pas insensible la scuderia Ferrari qui glisse son nom à Sky Sport. Anne-Laure Bonnet traverse les Alpes pour rejoindre la puissante chaîne italienne, où son nom et son accent français sont vites adoptés par les Transalpins. Christophe Josse qui l’accompagne souvent en Italie témoigne :
“Elle est très bien considérée là-bas. Comme Darren Tullet chez nous, elle a présenté une émission dans une langue étrangère. Aujourd’hui quand on arrivé en Italie, on est à la maison avec Anne-Laure.”
Les débuts furent pourtant laborieux : “J’ai pleuré les deux premiers mois, je n’arrivais pas à parler. Je m’appuyais sur le portugais, quand je ne savais pas le mot en italien. Avec parfois un peu d’anglais. Après le Grand prix de Chine, j’ai pensé tout arrêter.” Mais comme souvent elle s’accroche. Son style direct et rentre dedans fait mouche. Elle est l’une des rares à pouvoir faire rire le glacial pilote Kimi Raïkonnen :
“Son écurie avait fait une énorme connerie deux fois de suite, je lui balance : ‘I can’t believe that you did it again’. Il explose de rire.”
C’est sur Sky qu’elle fera ses débuts en tant que bord terrain lors de matchs de foot, au début de l’année 2010, pour la prestigieuse Ligue des Champions. Elle enchaîne avec la Coupe du Monde 2010 en Afrique du Sud où elle suit encore le Brésil un pays qu’elle aime profondément tout en reconnaissant qu’”ils ont un problème avec ce qu’ils sont. C’est un pays qui veut se développer aussi vite que les États-Unis, qui admire l’architecture européenne, mais qui est incapable de restaurer quoi que ce soit. Ils ont un véritable complexe d’infériorité avec ce qu’ils représentent et ne comprennent pas pourquoi on veut venir y faire du tourisme.” Elle poursuit avec une rubrique hebdomadaire sur la chaîne italienne, dans l’émission de la papesse du genre, Illaria d’Amico, “un modèle en tout”, reconnait Anne-Laure.
https://www.youtube.com/watch?v=BhUdkZucJso
« Nous n’avons pas le monopole des bas du casque”
Mais le mal du pays commence à poindre le bout de son nez. En 2013, elle retourne en France, pour rejoindre BeIn Sport où, désormais, plus personne ne remet en cause ses compétences journalistiques. “J’ai observé une vraie différence entre il y a trois ans et aujourd’hui. Plus personne ne me regarde l’air de dire : ‘Mais vous allez vraiment rester là, entre les deux bancs ? Vous n’avez pas des casseroles à nettoyer?’”, s’amuse-t-elle aujourd’hui en référence à la sortie sexiste de Bernard Lacombe.
“Je ne suis pas comme nombre de mes collègues qui sont très bons dans les rédactions et qui ont les numéros de tout le monde. Je dois avoir le numéro de quatre joueurs de L1, c’est une limite mais c’est reposant.”
Elle n’hésite pas à faire le parallèle entre le monde du foot et de la politique :
“Les gens considèrent les footeux comme des imbéciles, mais ils ne le sont pas plus que certains députés. Nous n’avons pas le monopole des bas du casque.”
Actuellement, Anne-Laure apprend une septième langue, le russe, en vue de la coupe du Monde 2018. On se quitte sur une promesse : “Je ferai mon premier plateau en russe en direct de la Place Rouge de Moscou, c’est promis.” On attend.
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