Maintenant plus que jamais, célébrons l’insouciance de la jeunesse festive. De passage à Paris pour la présentation de son nouveau livre The Others, le photographe Derek Ridgers, connu pour ses représentations de sous-cultures jeunes au Royaume-Uni, raconte ses années passées à sillonner les clubs underground des années 1980, où genres, styles et sexes se mélangent dans […]
Maintenant plus que jamais, célébrons l’insouciance de la jeunesse festive. De passage à Paris pour la présentation de son nouveau livre The Others, le photographe Derek Ridgers, connu pour ses représentations de sous-cultures jeunes au Royaume-Uni, raconte ses années passées à sillonner les clubs underground des années 1980, où genres, styles et sexes se mélangent dans le bruit et la chaleur. A l’origine simplement le nom d’un dossier sur l’ordinateur du photographe rassemblant ses clichés non publiés, The Others (« les autres ») offre un riche aperçu des nuits de ces kids désinhibés, généreux en embrassades, durant la décennie phare de la culture club. Entretien.
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Skinheads, nouveaux romantiques, club kids… D’où vous vient cette fascination pour la culture jeune?
Je dirais que « fascination » n’est pas vraiment le bon mot, parce que quand j’ai commencé j’étais exactement comme les gens que je photographiais et avais souvent quelques années de plus qu’eux. Je ne faisais moi-même pas partie de « sous groupes » ou cultes jeunes spécifiques, mais j’étais plutôt proche de leur état d’esprit dans ma tête. Et les années passant, je me suis rendu compte qu’en réalité mes photos étaient juste une façon de revivre par procuration une jeunesse plus intéressante que celle que j’ai réellement vécue.
Quelle était l’ambiance de ces clubs londoniens des années 1980 ?
C’était souvent très sombre et très bruyant. C’est l’un des nombreux aspects de cette ambiance particulière qui ne se traduit pas dans mes photos. Toutes celles prises dans des boîtes de nuit sont prises avec flash et à certains moments c’était tellement sombre et la musique était tellement forte que je pouvais ni distinguer le sexe de la personne que je prenais en photo ni avoir une conversation pertinente avec elle.
A l’époque, je fréquentais le Camden Palace près de Mornington Crescent (Nord de Londres) et Le Beat Route à Soho, mais aussi The Blitz et Hell à Covent Garden, Astral Flight et The Batcave, tous deux à Soho. Les clubs des années 80 étaient bien mieux que ceux des années 60 et 70. Il y avait presque toujours des bagarres aux endroits que je fréquentais avant. Au premier club auquel je suis allé, le Ricky Tick à Hounslow (banlieue sud-ouest de Londres), rares étaient les occasions où il n’y avait pas de baston. Mais dans les années 80 les choses s’étaient un peu calmées. Ou alors j’avais grandi et fréquentais des endroits un peu plus classe.
Comment approchiez-vous les kids que vous preniez en photo ?
Je les abordais de façon très directe. Je leur demandais toujours l’autorisation au préalable, sauf si – comme c’est le cas des couples en pleine embrassade – ça tuait le moment. Dans ces cas là je leur demandais toujours la permission après. Je leur demandais ensuite leur nom et je l’écrivais dans un carnet. J’en ai gardé beaucoup, même si j’en ai perdu certains.
Ces jeunes semblent assez libérés, habillés avec panache, bravant les barrières du genre et des traditions. Pourquoi pensez-vous que l’époque permettait tant de liberté d’expression ?
Je pense que le fait que cette génération de jeunes semble libérée dans mes photos vient d’un sentiment plutôt négatif. C’était la génération post-baby boom. Mi- et fin-1970’s, l’optimisme des années 1960 s’était bel et bien éteint, et on venait de vivre une époque déprimante de grèves et de mouvements sociaux. Puis en 1979, Margaret Thatcher est apparue et les choses se sont encore aggravées. Elle semblait ne pas du tout être concernée par les aspirations des jeunes issus des classes ouvrières. Ou, en fait, par la classe ouvrière en général. Alors je pense qu’à l’époque de mon livre les gens étaient déterminés de pouvoir s’exprimer, bafouant les traditions, le genre, voulant s’amuser et profiter du moment présent simplement parce que leur futur ne leur faisait pas vraiment envie.
The Others, Derek Ridgers (IDEA Books). Disponible à Paris au Comme des Garçons Trading Museum, à Londres au Dover Street Market et sur le site d’IDEA Books.
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