Se saper en cowboy version heavy metal vous paraît ringard ? Le look est pourtant des plus alternatifs au Botswana, pays d’Afrique australe (qui jouxte la Namibie, l’Afrique du Sud, la Zambie et le Zimbabwe), où il est adopté par certains rockers. Le photographe sud-africain Frank Marshall a contribué à populariser cette mode par ces […]
Se saper en cowboy version heavy metal vous paraît ringard ? Le look est pourtant des plus alternatifs au Botswana, pays d’Afrique australe (qui jouxte la Namibie, l’Afrique du Sud, la Zambie et le Zimbabwe), où il est adopté par certains rockers.
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Le photographe sud-africain Frank Marshall a contribué à populariser cette mode par ces clichés intitulés Renegades, qui mettent en scène des Botswanais dans une tradition qui mélange l’esprit Far West et Metallica. Loin des images d’Epinal de la mode africaine, on y voyait ses sujets endosser ce look de cowboy agressif, fait de clous, de franges, dont on trouve la version parodiée sur Johnny Halliday et ses tee-shirts à motif aigle. Frank Marshall a commencé à s’intéresser au sujet en 2008 en suivant un groupe de heavy metal botswanais, Skinflit. Il y a découvert cette mode qui cultive un côté brutal, métaleux et homoérotique sur fond de savane, plutôt rare dans l’Afrique australe. On peut consulter son travail à la Rooke Gallery de Johannesburg, réputée pour ses programmations pointues. Rencontre.
Racontez-nous votre rencontre avec ce groupe de heay metal de Botswana, les Skinflit, qui vous a inspiré les clichés.
Frank Marshall – J’étais en fait déjà parti en 2008 à Botswana en tournée avec un groupe de métal sud-africain nommé Rhutz. Ça a été ma toute première expérience d’un concert à Botswana où j’ai vu des fans et leurs groupes. Avant cela, j’avais aussi déjà vu Wrust du Botswana en première partie de Carcass en Afrique du Sud. Quant à Skinflint, c’est un groupe de métal traditionnel basé à Gaborone (la capitale du Botswana, ndlr). Ils m’ont beaucoup aidé pour la réalisation du projet pendant les 18 mois de reportage. Je faisais l’aller-retour entre l’Afrique du sud et Botswana très fréquemment de 2009 à 2011.
Est-ce vraiment aussi singulier qu’on se l’imagine pour un homme africain d’adopter un tel look dans la culture d’Afrique subsaharienne ?
Oui ! C’était complètement inédit pour moi de voir comment ces fans de la culture heavy metal se mettaient eux-mêmes en scène à travers leur attirail et leurs manières. Ils adoptaient des éléments de la culture heavy metal et les réinvestissaient pour créer leur propre style. Cependant, ce n’est pas qu’une question de style pour eux, la plupart du temps, il adopte tout le mode de vie qui va avec.
Vous parlez de la « camaraderie » qui unit ces hommes à travers le look heavy metal. Plus précisément, quel est le message porté par cette revisite africaine de la « mode Far West » qui s’est surtout développée aux Etats-Unis ?
Ils sont comme une grande famille où chacun partage les mêmes passions et les mêmes intérêts, de ce culte des grosses motos à celui des groupes qu’ils suivent à l’étranger et à l’intérieur du pays. Il est très difficile de formuler très précisément à quoi ce style renvoie pour eux, il faut passer du temps avec eux pour comprendre ce qui les anime. J’ai essayé de réaliser des portraits un à un de chacun d’entre eux de manière assez dépouillée, sans chercher à être explicite. Je crois que je n’ai pu effleurer que la surface de ce qu’ils sont. Un documentaire sur le sujet va paraître bientôt, intitulé La Marche des Dieu.
Comment est perçue cette culture heavy metal au Botswana ?
Les gens les regardent avec un mélange de crainte et d’admiration. Malgré ces looks parfois assez intimidants qu’ils peuvent avoir, ils ne demandent pas mieux que de partager ce goût de la culture heavy metal avec les autres. Leur passion et l’honnêteté de leur démarche continuent de m’épater. Pour la plupart, ce sont des gens vraiment ouverts et amicaux. Ils causent juste peut-être un peu de dégâts lors des concerts mais ça, on aurait pu s’y attendre vu la nature du heavy metal !
Pensez-vous que la culture heavy metal soit réellement transposable dans toutes les cultures ?
A vrai dire, je crois que la musique heavy metal transcende les clivages géographiques, sociaux et raciaux d’une manière très différente des autres. La culture heavy metal est une culture extrême, du « tout ou rien ». D’une manière générale, les fans de cette musique, à travers le monde, témoignent d’un véritable zèle et d’un niveau de dévouement que l’on peut qualifier « de hardcore » et que l’on ne retrouve pas ou moins dans les autres genres musicaux. J’appartiens moi-même à la culture métal depuis 20 ans. Quand je suis arrivé au Botswana et que j’ai rejoint ces gars en écoutant leur musique, en allant à leurs concerts, j’ai tout de suite reconnu une part de moi en eux et vice-versa. C’est assez ironique mais je crois que la chose à laquelle je pourrais le plus comparer la culture heavy metal, c’est sans doute la religion et la scène au Botswana n’est pas une exception. Cependant, ces gars ont incorporé leur culture locale et la tradition dans leurs looks. Ils ont façonné et réinventé leur propre et unique interprétation de la culture heavy metal. Ce n’est pas quelque chose de faux ou d’artificiel qui se crée par tous les moyens. D’après mon expérience et ce que j’ai pu observer, c’est même quelque chose qui relève de l’organique. La chose la plus marquante est qu’ils m’aient reçu parmi eux et accepté bien que j’ai été un outsider à leur scène, c’était un épisode très fort et une réelle preuve d’humilité.
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