C’est devenu un rituel. Chaque élection présidentielle américaine charrie son lot de parodies pornos. Pornhub a récemment mis en ligne une vidéo mettant en scène un sosie de Donald Trump et d’autres vont suivre. Si la visée pornographique et parodique est évidente, ce type de mise en scène n’a-t- il pas un contenu politique implicite ?
« Les élections de 2016 arrivent à grands pas, et vous savez ce que cela veut dire : des parodies porno, des parodies porno et encore des parodies porno« , pouvait-on lire sur Buzzfeed US, le 1er juin. L’article traitait du site pornographique Pornhub, qui a dévoilé une vidéo parodique mettant en scène le controversé candidat à la présidentielle américaine, Donald Trump. Ce genre particulier est bien développé outre-Atlantique, le candidat républicain se voyant attribuer une catégorie entière sur le site du géant du porno. Il n’est pas le premier a être mis en scène par l’industrie pornographique : avant lui, Bill Clinton, Sarah Palin, ou encore Hillary Clinton ont eu cet « honneur ».
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Un phénomène américain aux intentions légères
Si ces parodies se développent principalement aux États-Unis rappelle Stephen des Aulnois, rédacteur en chef du site de culture porn Le Tag Parfait, c’est parce que « l’industrie du porno en Amérique du Nord est incomparable avec la nôtre« . Avec des moyens semblables, il juge possible d’adapter ce type de vidéos au public français. Elles se basent sur des « ressorts universels : la mise en scène de personnages de la vie publique dans une situation sexuelle« . James Bertholet, acteur ayant interprété Donald Trump dans un de ces films, le rejoint : « Le public est fasciné par ces élections, même à l’international, particulièrement avec ces candidats. Il y avait une occasion de les parodier, alors on a sauté dessus« .
Les parodies pornographiques mettant en scène des personnages connus ont surtout vocation à agréger un large public. Stephen des Aulnois les considère comme « vraiment éloignées des considérations politiques« . Elles n’auraient « qu’un but excitant« , et ne viseraient qu’à « faire de l’argent« . Jack Tyler, qui réalise en France de la pornographie politique, ajoute que ces parodies n’ont « rien à voir avec un film politique« , mais se rapprochent du marketing.
Une visée marketing qui s’applique particulièrement à la récente sortie sur Pornhub de « F*ck Trump« . Comme le souligne finement Buzzfeed US, « c’est en putain de réalité virtuelle !« . Un procédé de visionnage qui a été lancé seulement quelques mois auparavant sur le serveur américain. Pour Stephen des Aulnois, il s’agit donc d’un « marketing très habile et bien rôdé » pour « promouvoir leur réalité virtuelle« . James Bertholet le rappelle : « On est là pour divertir et aider les gens à satisfaire leurs fantasmes, si c’est fait, on a bien fait notre boulot.« Bien loin donc des débats de la campagne présidentielle.
Quand le discours pornographique devient discours politique
« Un discours produit des effets qui échappent à ses émetteurs« , estime Marie-Anne Paveau, linguiste et auteure du Discours pornographique (La Musardine, 2014). Même si réalisateurs et acteurs n’ont pas d’intentions politiques en mettant en scène Hillary Clinton ou Donald Trump dans leurs vidéos, l’effet est le même : une disqualification de ces personnages. Avant la vidéo elle-même, Pornhub a diffusé un teasing sur YouTube. On pouvait y observer un faux Donald Trump réagir à la diffusion de sa sextape. Un « effet de vraisemblable« qui renforce la dévalorisation du candidat républicain.
http://www.youtube.com/watch?v=OZtwSIxDYac
Dans ce type de parodie, cette disqualification est effective car le discours pornographique est « un discours politique par analogie« , selon Marie-Anne Paveau. Les ressorts utilisés dans ces vidéos correspondent à ceux du monde politique, tout y est enjeux de pouvoir, de puissance. Un Donald Trump laissera ses partenaires insatisfaites, une Hillary Clinton, prête à tout pour accéder au pouvoir, aura des relations sexuelles avec des Afro-Américains afin de convaincre cet électorat. Pour la linguiste, la vidéo ne répond pas à la fonction de base du porno, l’excitation sexuelle. Elle porte un discours certes pornographique, mais aussi culturel, politique.
Ces parodies pornographiques s’inscrivent dans une longue tradition historique. Pendant la Révolution française, les « gravures en situation de sexe explicite accompagnées de textes« mettant en scène Louis XVI et Marie-Antoinette se sont multipliées. Le premier y est représenté comme faible et impuissant, la deuxième dominatrice. Ici encore, la rencontre entre la fiction pornographique et ces personnages réels construit un discours politique. Si ça n’est pas leur intention première, ces parodies pornographiques ont un effet sur l’image des hommes politiques. Une fois leur corps désacralisé, ils sont nus devant ceux qui les regardent.
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