Transpirer dans les rues de la capitale n’a jamais été aussi branché. Pourtant, la pollution parisienne tue les coureurs à petit feu. Petit guide de survie à l’attention des sportifs obstinés.
Après les New-Yorkais et les Londoniens, les Parisiens ont succombé à la folie du running. Tous les week-ends, les jardins de la capitale prennent des allures de Central Park. Des Buttes-Chaumont aux quais de la Seine, moulés dans un micro short et un maillot anti transpirant, les coureurs investissent la ville. Inconscients du risque qu’ils encourent, ils courent.
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« En 2014, neuf Parisiens sur dix ont été exposés à des niveaux élevés de dioxyde d’azote« , alerte Amélie Fritz, ingénieure à Air Parif, l’association de surveillance de la qualité de l’air en région parisienne. Or, un sportif ventile jusqu’à dix fois plus d’air en plein effort. « La pollution fait diminuer l’espérance de vie des Parisiens de six mois en moyenne. Et il est probable que la pratique du sport en milieu pollué augmente les risques de pathologies respiratoires comme les cancers du poumon« , estime le docteur Gilles Dixsaut, membre du comité stratégique de la Fondation du Souffle contre les maladies respiratoires.
« Je connais bien mon corps et il réagit différemment depuis que j’habite Paris. C’est plus dur », constate Caroline, ancienne basketteuse au niveau national qui court régulièrement dans la capitale. « Mais le sport fait partie de mon équilibre, et je ne vais pas prendre le RER pour aller courir en banlieue ! »
Fuyez les boulevards
Pour réduire son espérance de vie, rien de mieux que d’user ses baskets dans les rues parisiennes. Le dioxyde d’azote, cancérogène généré par le trafic automobile, stagne le long des axes routiers. La place Victor-et-Hélène-Basch, le boulevard Haussmann et les Champs-Élysées sont les artères les plus empoisonnées de la capitale.
« Les adeptes de la course à pied ont tout intérêt à privilégier les rues peu fréquentées et bien aérées« , conseille Gilles Dixsaut. « Je sais que l’air est pollué, mais c’est un tueur silencieux alors j’oublie« , reconnaît Laurent, qui court matin et soir entre les pots d’échappement, de République à Ménilmontant.
Les coureurs ne sont pas les seuls à être exposés à la pollution. La plupart des infrastructures sportives de la capitale bordent les grands axes routiers. Selon Air Parif, 42% d’entre elles sont exposées à des niveaux de dioxyde d’azote supérieurs aux normes.
Les terrains de basket coincés entre deux rues sous les voies du métro à Glacière ou Stalingrad sont sûrement les plus toxiques. « L’usure des rails et le freinage des rames produisent des particules métalliques », avertit Gilles Dixsaut. « On voit bien quand on se mouche que ce n’est pas le meilleur endroit pour jouer… », reconnaît en riant Caroline, qui fréquente ces terrains en été.
Méfiez-vous des gymnases et des parcs
Le repli vers les salles de sport n’est pas une meilleure idée. Les polluants intérieurs comme le formol y sont omniprésents. Les vieux gymnases poussiéreux et peu ventilés sont à fuir absolument. « Dans les salles mal entretenues, certaines de mes coéquipières asthmatiques doivent utiliser de la Ventoline alors qu’elles ne le font pas d’habitude« , confirme la basketteuse.
Pour nettoyer ses poumons, Caroline préfère les espaces verts. « Quand je cours dans les parcs, je me dis que le végétal nous protège de la pollution« , imagine-t-elle. Mais les forêts sont aussi pleines de dangers. Les parties des bois de Boulogne et de Vincennes proches du périphérique figurent au top cinq des zones les plus polluées de la capitale.
« Évidemment, c’est toujours mieux que dans la rue, mais les particules fines se dispersent jusque dans les espaces verts« , avertit Amélie Fritz, d’Air Parif. Les bois et forêts sont également de gros producteurs d’ozone, un gaz aussi nocif que le dioxyde d’azote.
Courez sous la pluie
Ça y est, vous avez trouvé le spot parfait. Loin d’une rue passante, dans un parc en hauteur et bien ventilé. Mais pour planifier votre prochain exploit sportif, il faut encore trouver le bon timing et commencer par éviter les pics de pollution. « Cependant, ces périodes limitées dans le temps ne sont pas les plus dangereuses. La pollution constante est la plus dévastatrice. C’est elle qui déclenche ou aggrave les pathologies respiratoires les plus sévères« , avertit le docteur Gilles Dixsaut.
Pour ne pas finir avec des poumons de fumeur, il faut surtout éviter les heures de pointe et les périodes chaudes. Le printemps est aussi une période à risque. La pollution multiplie le potentiel allergène des pollens. « Le vent et la pluie dispersent les particules et lessivent l’air. L’idéal est d’aller courir quand il pleut ! », conseille Amélie Fritz.
Être attentif aux taux de pollution en temps réel reste le moyen de prévention le plus efficace. La Fondation du Souffle participe d’ailleurs au développement de Plume Labs, un site internet et une application qui indiquent en temps réel les niveaux de pollution à Paris et donnent des infos pour les sportifs.
Portez un masque à cartouches et optez pour le tir à l’arc
« Pour réduire encore les risques d’exposition à la pollution, on peut aussi opter pour des sports qui demandent moins de ventilation pulmonaire, comme le tir à l’arc« , suggère Gilles Dixsaut. Et ceux qui préfèrent les disciplines intenses devront réapprendre à respirer. « Notre nez est un filtre à particules autonettoyant naturel. Or, les enfants et certains adultes respirent par la bouche pendant l’effort« , explique le médecin hospitalier. Mais le nez ne filtre pas l’ensemble des particules et des gaz mortels. Et aucune méthode de protection n’est infaillible.
« Les masques de chirurgien sont totalement inadaptés à la pollution. Les masques à cartouches de charbon actif fonctionnent. Mais à part donner un air de zombie ou de soldat de la guerre de 14, ils ne sont pas vraiment pratiques pour un usage sportif…« , s’amuse Gilles Dixsaut.
Accros à l’effort, les sportifs ne se laissent pas intimider par les particules fines. « Je ne fume pas, j’ai une bonne hygiène de vie, alors je me dis que ça compense », tente de se rassurer Caroline. « C’est tellement bon pour le moral que j’imagine que ça compense les effets néfastes de la pollution sur le corps« , essaie de se convaincre Laurent.
Cancer des poumons ou crise cardiaque ?
Mais au-delà de ces techniques d’auto-persuasion, même les médecins sont incapables de décider s’il faut abandonner la pratique sportive à Paris.
« Il est quasiment impossible de comparer les bénéfices apportés par le sport et les inconvénients de l’exposition à la pollution. Les risques cardio-vasculaires sont réduits, mais les pathologies respiratoires augmentent« , explique le docteur Gilles Dixsaut.
Cancer des poumons ou crise cardiaque ? Libre à chacun de décider. Mais si vous optez pour le tir à l’arc et pensez à fermer la bouche sous votre masque à cartouches, vous devriez passer l’année.
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