Les politiques n’en finissent plus de se faire embaucher par les médias audiovisuels. Après Roselyne Bachelot sur D8, c’est au tour de Jean-Louis Debré d’arriver sur Paris Première et Europe 1.
La métamorphose de Roselyne Bachelot en animatrice télé, opérée il y a quatre ans sur D8, semble avoir donné des idées à ses anciens congénères réputés pour leurs facéties et leur cabotinage appuyé : l’arrivée de Jean-Louis Debré sur Europe 1 et sur Paris Première en fournit la caricaturale illustration en cette rentrée. Un courant auquel participe aussi Daniel Cohn-Bendit depuis des années sur Europe 1.
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Quand la société du spectacle absorbe le monde politique
A la politique absente, seule la tentation du spectacle apporte la dose d’adrénaline suffisante pour compenser le sentiment du vide. A la nécessité de se sentir encore vivant, la médiasphère ajuste le remède miracle : sur un plateau télé, le politique s’offre une cure de jouvence et retrouve l’ivresse du pouvoir.
Cette absorption des politiques par la télé qui ne se contente plus de les inviter, mais les embauche, dit beaucoup de la perte de prestige de la politique autant que de la dévorante attraction des médias. Puisque tout s’y joue, autant se placer au cœur du jeu, même si les règles en sont légèrement déplacées. Ce qui frappe surtout dans ce déplacement, encore à ses prémices, c’est qu’il s’opère à rebours d’un mouvement qui, dans les années 1980-90, portait les vedettes de la télé à se tourner vers la politique.
Une stratégie de séduction commune
Outre Bernard Tapie, entretenant dès le milieu des années 1980 la confusion permanente entre ses ambitions politiques et cathodiques, de nombreuses personnalités ont alors quitté les médias pour s’engager dans l’arène politique : Noël Mamère, Jean-Marie Cavada, Philippe Vasseur, Dominique Baudis, ou même Nicolas Hulot, quoique de manière plus distante avec les codes dominants du pouvoir.
Au cœur des années 1990, et jusqu’à la fin des années 2000, les media studies se concentraient sur la façon dont les politiques instrumentalisaient les médias pour y déployer leurs stratégies de séduction, jusqu’à abuser des codes de la communication, désormais usés.
Des zombies transformés en vedettes de la télé
Ce temps se clôt sous nos yeux. Même l’hystérie de Nicolas Sarkozy ne fait plus illusion : tout est trop appuyé, trop lourd et factice. La désacralisation de la parole politique a fini d’achever le prestige des élus : il ne leur reste plus qu’à devenir, pour de vrai, les “guignols” qu’ils étaient hier dans le regard des télés caustiques.
Un jeune élu écologiste comme Stéphane Pocrain l’avait mesuré en rejoignant l’équipe de Laurent Ruquier au milieu des années 2000. Pourquoi continuer la politique alors que le divertissement offre une rémunération symbolique (et financière) largement supérieure ? Evidemment, ce recyclage des politiques n’est possible que pour les plus cabotins : Michel Rocard aurait probablement été piètre animateur ou chroniqueur dans une émission d’Alessandra Sublet (encore que ?).
Avec l’expert en la matière Jean-Louis Debré, succédant à un autre modèle, Roselyne Bachelot, la télévision de 2016 accélère le processus de métempsychose des politiques : des zombies transformés en vedettes de la télé qui, n’étant plus dans la société du spectacle, se livrent désormais à son commentaire.
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