Auscultant la “politique de l’image”, cette jeune revue met au jour les mécanismes de nos représentations. Une démarche salutaire.
En ce printemps d’impertinence convenue où identité nationale et humour riment aussi pauvrement que Besson et Guillon, Poli apporte une note dissonante à un débat moribond.
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Comment rit-on français ? Mal dans notre diversité à en croire les contributions de ce deuxième numéro, en partie consacré à cette question.
“Nous nous attendions à un récit sur l’émergence d’une scène humoristique multiculturelle”, souligne Nelly Quemener, du comité de rédaction de cette revue axée sur les représentations sociales par l’image, tentative réussie d’importation des cultural studies en France. “Mais c’est un backlash néoconservateur qui nous est apparu, avec un humour qui remet sur le devant de la scène le mâle masculin blanc populiste.”
Figure de proue de ce retour de béret, les étoiles montantes de l’humour hertzien version 2009 que sont Anne Roumanoff et Stéphane Guillon. Pourtant, comme le souligne François Bégaudeau dans un texte passionné, “le meilleur du comique français vient depuis vingt ans de sa branche métèque”. Branche dont l’apogée cinématographique est le deuxième volet en salle des aventures d’Astérix, avec le film d’Alain Chabat, Mission Cléopatre.
Mais cette “prise de pouvoir” au centre de laquelle se trouvait Jamel Debbouze a laissé la place à la restauration d’un humour franchouillard dont l’archétype est Bienvenue chez les Ch’tis, comédie régionaliste et normative, elle aussi disséquée par Poli.
Dans une France “où le troisième âge domine et consomme de la culture”, le cinéma populaire est “une broyeuse de métèques”, selon l’auteur d’Entre les murs.
Même constat chez Eric Macé, spécialiste des politiques de la représentation et professeur à l’EHESS : interrogeant les stéréotypes ethno-raciaux au cinéma et à la télévision, il regrette la domination du contre-stéréotype sur l’anti-stéréotype. Soit l’Arabe avocat méritant de Plus belle la vie, nettoyé de toute référence à sa singularité au détriment de personnages qui font au contraire des stéréotypes leur matière première, comme dans l’excellente série canadienne La Petite Mosquée dans la prairie, diffusée sur Canal+.
Même la sphère du bouffon politique est saturée par un populisme poujado, que ce soit avec les dérives complotistes sur le 11 Septembre de Jean-Marie Bigard (dont Nelly Quemener livre une analyse éloquente) ou avec la récente création du Dard, par Patrick Sébastien, pour “remettre l’humain au cœur de la société”.
L’ensemble de la revue (aussi consacrée aux représentations du terrorisme) fait écho aux tensions identitaires de la France de Sarkozy, rigide et communautarisante dont OSS 117 a su se jouer avec subtilité (et dont le réalisateur, Michel Hazanavicius, accorde un long entretien à la revue).
Un débat que poursuivra l’équipe de Poli à l’occasion d’une table ronde sur le “rire postcolonial”, au musée du Quai Branly, le 14 mai à 18 h 30. En attendant le prochain numéro de la revue, en septembre, consacré au “spectacle de l’écologie”.
Poli, 10 €, en librairie. www.poli-revue.fr
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