Dans « Pas avant le deuxième tour », Nicolas Grégoire souhaite dénoncer les emplois fictifs. Mais une scène de l’ouvrage, accusée de décrire un viol, a choqué de nombreux internautes. L’auteur nie, lui, tout rapport forcé.
“Tard un soir, je m’introduis dans la blonde. » Sur Twitter, ces dernières heures, le passage d’un livre fait polémique et est accusé d’être le parfait exemple de la culture du viol. L’auteur, Nicolas Grégoire, ancien de Force Démocrate, un parti présidé par François Bayrou, a sorti son livre Pas avant le deuxième tour en auto-édition, mercredi 15 mai 2019, pour, dit l’auteur, “échapper à la censure et aux pressions”.
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Nicolas Grégoire dénonce depuis 2017 un emploi fictif au sein de l’Union pour la Démocratie Française. L’ancien journaliste de presse informatique affirme avoir été rémunéré en tant qu’assistant parlementaire quand il aurait, en réalité, travaillé pour le magazine du parti, Démocratie moderne. Seuls quelques médias, dont Le Télégramme et Sud Radio, ont couvert l’affaire malgré ses sollicitations aux journalistes. Depuis Nicolas Grégoire accuse les médias de censure.
Jeudi 16 mai, un journaliste de Street Press, Christophe Cécil-Garnier, auteur d’un portrait de Nicolas Grégoire sur Slate.fr, a partagé sur Twitter un passage du livre, qui l’a choqué : “Tard un soir, je m’introduis dans la blonde. Elle est sèche comme du papier de verre. Les yeux mi-clos, du ton geignard de ceux qu’on réveille, elle me dit ‘Non, non’. Elle secoue mollement la tête, passe ses bras sous l’oreiller. Je continue à pousser. ‘Non… Non, non…’ Rien à faire, le rapport est refusé. Alors j’éjacule froidement. Comme dans un sac. Sans un mot, elle se lève pour s’essuyer. Un sentiment de honte s’empare de moi”.
“Ça s’appelle la culture du viol”
Sur Twitter, le journaliste dénonce : “Nicolas Grégoire, même s’il dit en avoir honte, ne nomme pas les choses : c’est un viol. Ne pas le nommer tel quel, ne pas le prendre en compte, ça s’appelle la culture du viol.”
C'est avec "la blonde" qu'arrive ce passage.
Nicolas Grégoire, même s'il dit en avoir honte, ne nomme pas les choses : c'est un viol.
Ne pas le nommer tel quel, ne pas le prendre en compte, ça s'appelle la culture du viol. pic.twitter.com/wPqlFDVHOx
— Christophe-C Garnier (@ChrisCGarnier) May 16, 2019
Selon l’article 222-23 du Code pénal “tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis […] par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol”. Ce crime est puni de quinze ans de réclusion criminelle.
Sur Twitter, de nombreux internautes ont interpellé Nicolas Grégoire, pour lui rappeler cette définition légale. A l’instar d’une magistrate sous le pseudo @jjalmad qui analyse : “La femme est endormie ou se réveille à peine au moment de la pénétration. Il n’y a manifestement aucune autre interaction sexuelle ou verbale avant la pénétration”.
Elle manifeste même à plusieurs reprises ensuite un refus verbal, mais la pénétration est imposée jusqu'à éjaculation. C'est clairement une scène de viol.
— secret (@jjalmad) May 16, 2019
Dans l’extrait, Nicolas Grégoire écrit que la femme s’oppose à avoir une relation sexuelle avec lui (“Non, non, non. Rien à faire le rapport est refusé.”), mais qu’il éjacule tout de même. (“alors j’éjacule froidement”). @jjalmad continue l’analyse : “Elle manifeste même à plusieurs reprises ensuite un refus verbal, mais la pénétration est imposée jusqu’à éjaculation. C’est clairement une scène de viol”.
Elle manifeste même à plusieurs reprises ensuite un refus verbal, mais la pénétration est imposée jusqu'à éjaculation. C'est clairement une scène de viol.
— secret (@jjalmad) May 16, 2019
Nicolas Grégoire menace de porter plainte
Face à ces commentaires, Nicolas Grégoire s’est défendu sur les réseaux sociaux, assurant que “si c’était un viol, je l’aurais dit”. Assumant “chaque mot [qu’il] écrit”, il précise que « toute menace fera l’objet d’une plainte ».
En 2017, quand j'ai dénoncé la politique et les médias, j'étais un conspirationniste aigri.
Maintenant que mon livre est meilleure vente des livres politiques, je deviens un violeur, qui fait l'apologie du viol !
Je m'y attendais, remarquez. Voici une réponse détaillée 🔽🔽🔽
— Nicolas Grégoire (@nicolasgregoire) May 16, 2019
Contacté par Les Inrocks, Nicolas Grégoire estime que la scène décrite n’est pas un viol. “Avant la publication, j’ai demandé à deux avocats qui m’ont dit que ce n’était pas un viol”, réexplique-t-il aux Inrocks sans donner plus de précision dans un premier temps. Pour lui, ce passage souligne le moment où il se rend compte qu’il est devenu “horrible” : “Je sais que j’étais un connard, c’est ce que je dénonce, se défend-t-il. Justement le but de mon livre était de montrer comment la politique change les gens et, qu’à ce moment-là, je ne me reconnaissais plus, je traitais les femmes comme des objets. C’est ce que je dénonce !”, insiste Nicolas Grégoire.
“Le viol c’est toujours les autres”
Laélia Véron, féministe très active sur Twitter, considère que c’est “un cas effarant de culture du viol”. “Il fait partie de ces cas où on n’arrive pas à admettre le viol,, détaille-t-elle aux Inrocks. Il ne peut pas se définir comme un violeur, car le viol c’est toujours les autres. Le fait qu’il ne comprenne pas en quoi ce qu’il a lui-même écrit est un viol montre qu’il n’y a aucune réelle remise en question.”
La docteure en littérature dénote aussi une “démarche d’auto valorisation” : “Dire qu’il a honte est une façon de dire ‘j’ai été ignoble’mais de manière extrêmement complaisante, sans, encore une fois, se remettre en question.”
Alors que, sur Twitter, Nicolas Grégoire a émis l’idée de retrouver la femme, 20 ans après les faits (qui sont donc prescrits), pour qu’elle confirme “que ce n’était pas un viol”, Laélia Véron interroge la démarche : “D’un point de vue légal, la victime de l’infraction n’a pas forcément à le reconnaître pour que ce soit caractérisé.”
Des arguments révélateurs de la culture du viol
Laélia Véron relève aussi que certains internautes ont défendu Nicolas Grégoire en mettant en avant qu’il était vraisemblablement dans une relation avec la femme en question. Des arguments qui, encore une fois, sont révélateurs de ce que l’on appelle la culture du viol : “Le viol conjugal, même s’il est reconnu dans la loi, ne fait toujours pas partie de nos représentations mentales. Quand c’est sur la conjointe, comme il n’y a pas eu de violence explicite, on a du mal à admettre que c’est un viol.” Dans une capture d’écran, Valérie Rey-Robert, autrice de Une culture du viol à la française, expose un tweet de Nicolas Grégoire où il écrit que “c’est proche du viol conjugal” – un tweet qu’il a supprimé depuis.
https://twitter.com/valerieCG/status/1129147909021192193
Mais ces arguments ne convainquent pas Nicolas Grégoire, qui préfère voir dans ces réactions la “haine” d’une “personne malveillante”. Pour l’auteur de Pas avant le deuxième tour, Christophe Cécil-Garnier l’a “jeté en pâture” dans un esprit de “vengeance”. Dans son livre, il met, en effet, en cause le journaliste – sans le nommer – car ce dernier n’aurait pas utilisé les “preuves” que Nicolas Grégoire lui avait fourni. Il implique également que Laélia Véron s’acharnerait sur son cas car elle travaille pour Arrêt sur Images, qui critiquerait son livre – elle est, en réalité, chroniqueuses une fois par mois pour le site. Nicolas Grégoire nous affirme aussi avoir reçu, depuis, des centaines de messages d’injures et de menaces de mort.
S'ajoute à ce déferlement Laélia Véron, twitto assez connue.
Pour qui travaille Véron ? Mais pour Arrêt sur Images, une rédaction que je critique également dans mon livre. pic.twitter.com/omZfWFd191
— Nicolas Grégoire (@nicolasgregoire) May 16, 2019
Quelques heures après notre première interview, Nicolas Grégoire nous a rappelé pour rectifier la chronologie de la nuit décrite dans son ouvrage. Cette fois, l’histoire qu’il raconte est assez différente. Le rapport aurait d’abord été consenti (“je ne l’ai pas surprise”, décrit-il) puis “ne se passait pas bien”, notamment car la femme “était trop sèche”. Ce serait à ce moment-là qu’elle lui aurait demandé d’arrêter, mais qu’il ne l’a “pas fait tout de suite”. “Ça a été une seconde après”, précise-t-il. “J’ai senti que j’allais jouir, et j’ai joui quand même”. Pour Nicolas Grégoire, l’interprétation des internautes a été trop rapide. “Je n’ai pas dit qu’elle dormait !”.
Il affirme avoir fait une première version plus explicite, mais par peur d’être taxé de “voyeuriste ou de pornographe” il aurait allégé le texte. Une version qu’il réexplique dans un communiqué, publié sur Twitter à 18h. Il écrit dans celui-ci : « Mon amie était crevée après sa journée de travail. Réveillée par moi une ou deux minutes avant, elle ne dormait pas. Elle était consentante. Après quelques minutes, trop fatiguée, elle a décidé de mettre fin au rapport. C’est là, je l’admets puisque je l’ai écrit, qu’une seconde après qu’elle m’ait dit « Non » j’ai éjaculé sans me retirer. »
URGENT : Communiqué pic.twitter.com/yXxOlOAiOK
— Nicolas Grégoire (@nicolasgregoire) May 17, 2019
Cette défense semble pourtant ne pas avoir convaincu une bonne partie de ses détracteurs.
Dear God, pire defense ever. https://t.co/5MGDn0wxkt
— Lou (@Neilou_8) May 17, 2019
Qd tu fais un taff de réécriture pour sauver les apparences.
Merci aux gens qui ont screen ses tweets hier soir, ce n'est pas du tout la même tisane. https://t.co/eSrFj6M6Yb— Cybèle (@Charybenscylla) May 17, 2019
De son côté, la police nationale a annoncé, sur Twitter, avoir été saisie via la plateforme de signalement Pharos, qui s’occupe des contenus illicites.
Bonjour, les enquêteurs de la plateforme #Pharos ont été saisis. Merci pour votre vigilance. Pour signaler des contenus illicites sur le web, rendez-vous sur la plateforme #Pharos : https://t.co/cC9MlFxtoq pic.twitter.com/nrvvIEOfVw
— Police nationale (@PoliceNationale) May 17, 2019
Mise à jour du 18 mai : rajout de la mention de Sud Radio.
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