Avant même d’accéder à la présidence de la République, Emmanuel Macron s’est aliéné les classes populaires par ses expressions déplacées. En dix-huit mois, ses fautes lexicales ont créé une vraie rupture que les “gilets jaunes” ne lui pardonnent pas.
Sur tous les ronds-points occupés de France, les expressions employées par Emmanuel Macron pour qualifier les classes populaires et précaires reviennent comme une litanie. “Pognon de dingue”, “gaulois réfractaire au changement”, “feignants”… Les “gilets jaunes” ont fait de ces écarts de langage des motifs de mobilisation contre ce qu’ils ressentent comme un mépris social. En voici une liste non exhaustive.
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Les “illettrées” de l’abattoir Gad
En septembre 2014, alors qu’il est encore ministre de l’Economie, Emmanuel Macron évoque une prétendue “majorité de femmes pour beaucoup illettrées” de l’abattoir Gad à Lampaul-Guimiliau (Finistère). L’expression malheureuse et non vérifiée lui vaut déjà quelques inimitiés dans les classes populaires. “L’illettrisme est une catégorie floue qui tourne très rapidement au stigmate. Il y a une mise à distance d’une catégorie de la population. Alors que le problème de ces ouvrières est d’avoir un emploi et de le garder, Emmanuel Macron rajoute une couche stigmatisante en évoquant leur présupposé illettrisme”, commentait à l’époque le sociologue Bernard Lahire, interrogé par Les Inrocks.
“Le meilleur moyen de se payer un costard, c’est de travailler”
Toujours en tant que ministre de l’Economie, Emmanuel Macron s’emporte, le 27 mai 2016, face à deux grévistes à Lunel, dans l’Hérault. Irrité par la contradiction, il lance alors : “Vous n’allez pas me faire peur avec votre tee-shirt. La meilleure façon de se payer un costard, c’est de travailler”.
"Vous me faites pas peur avec vos t-shirts, la meilleure façon de se payer un costard est de travailler" – E.Macron pic.twitter.com/tB3vWVrrgY
— Infos Françaises (@InfosFrancaises) May 27, 2016
“Une gare, c’est un lieu où on croise des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien”
Enfin élu, en juillet 2017, Emmanuel Macron lance, lors de son discours d’inauguration de la Station F à Paris où un millier de start-up sont accueillies : “Une gare, c’est un lieu où on croise des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien”. L’indignation suscitée par cette formule est énorme. L’opposition lui reproche alors sa “morgue de classe”.
Ne pensez pas que si vous réussissez, tout est fait. Non. Transformez notre pays. #StationFLaunch pic.twitter.com/TNKiNoMF0t
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) June 29, 2017
“Fainéants, cyniques, extrêmes”
Septembre 2017, le chef de l’Etat, confronté à un mouvement social contre sa réforme du code du travail, accuse sévèrement les contestataires. Il va même plus loin. Depuis la Grèce, où il livrait un discours sur l’Europe, il affirme qu’il ne cédera “ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes”. A cette liste à la Prévert teintée de mépris de classe, il ajoute “les égoïstes” et “les pessimistes”. Ses opposants s’en rappelleront.
“On met un pognon de dingue dans les minima sociaux”
C’est un des plus grands fiascos de la communication d’Emmanuel Macron – qui passe pourtant pour un maître en la matière. Dans une vidéo tweetée par sa directrice de la communication Sibeth Ndiaye ce 12 juin, il déclare : “On met un pognon de dingue dans les minima sociaux et les gens ne s’en sortent pas”. Il ajoute : “Je vais faire un constat qui est de dire : on met trop de pognon, on déresponsabilise et on est dans le curatif. Toute notre politique sociale, c’est qu’on doit mieux prévenir – ça nous coûtera moins, ensemble – et mieux responsabiliser tous les acteurs”. Ceux qui espéraient un tournant social dans son quinquennat sont bien déçus.
Le Président ? Toujours exigeant. Pas encore satisfait du discours qu’il prononcera demain au congrès de la Mutualité, il nous précise donc le brief ! Au boulot ! pic.twitter.com/2mjy1JmOVv
— Sibeth Ndiaye (@SibethNdiaye) June 12, 2018
“Qu’ils viennent me chercher”
Fin juillet 2018, en pleine affaire Benalla, Emmanuel Macron sort enfin de son silence sur les exactions de cet employé de l’Elysée, qui s’en est pris violemment à des manifestants. Mais, au lieu de calmer le jeu et de faire amende honorable, il charge : “Celui qui l’a recruté c’est moi, celui qui a validé sa sanction, c’est moi, le seul responsable c’est moi, qu’ils viennent me chercher”. Aujourd’hui parmi les “gilets jaunes”, beaucoup ont précisément envie d’aller « le chercher ».
https://twitter.com/LeMonde_Eco_Pol/status/1021872797474332672
“Gaulois réfractaire au changement”
En août 2018, le chef de l’Etat se risque à une comparaison historique hasardeuse entre le peuple danois et le “Gaulois réfractaire au changement”, suscitant une vague d’indignations. Selon lui, cela explique que le peuple français rechigne à accepter ses réformes. Pour combler le tout, c’est historiquement faux, comme nous l’expliquait l’historien Jean-Louis Brunaux, spécialiste de la civilisation gauloise.
Macron à un jeune chômeur : “Je traverse la rue, je vous trouve” du travail
Le 16 septembre, Emmanuel Macron est interpellé par un jeune chômeur qui peine à trouver du travail. D’une logique imparable, il réplique : “Il faut y aller ! Maintenant, hôtels, cafés, restaurants, je traverse la rue, je vous en trouve ! Ils veulent simplement des gens qui sont prêts à travailler, avec les contraintes du métier”. Comme si ce jeune homme ne faisait pas assez d’efforts, et que le problème, ce n’était pas le manque de travail…
VIDÉO – Macron à un jeune chômeur qui peine à obtenir un travail : "Je traverse la rue je vous en trouve" #JEP2018 pic.twitter.com/clfFlBuL52
— Arthur Berdah (@arthurberdah) September 16, 2018
“J’entends la grogne”
Le 27 novembre, Emmanuel Macron prend pour la première fois la parole pour répondre au mouvement des “gilets jaunes”. Celui-ci lui reproche la hausse des taxes sur le carburant, mais plus largement, il s’agit d’un mouvement populaire, de la France des régions, qui ne supporte plus de voir son pouvoir d’achat baisser, et sa parole niée au sommet de l’Etat. Pourtant, Emmanuel Macron affirme qu’il va maintenir le cap. Et il laisse encore échapper une expression animalière : “J’entends la grogne”. Alors qu’il doit prendre la parole ce 10 décembre, il lui faudra sans doute revoir son vocabulaire.
«J'entends la grogne». https://t.co/zXFYlFsuCL #GiletsJaunes #Macron #PPE pic.twitter.com/BCfxROwiyH
— 20 Minutes (@20Minutes) November 27, 2018
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