Attendre la prochaine saison de sa série favorite est un supplice, mais l’amateur compulsif peut se rabattre sur le net. Les chaînes ont compris le danger et revu leur stratégie.
Longtemps, l’amateur de séries américaines a réglé son horloge interne sur retardateur. Depuis l’explosion d’amour pour Urgences au milieu des années 1990 jusqu’à la banalisation du téléchargement au milieu des années 2000, la France accusait systématiquement une saison de retard sur la diffusion aux Etats-Unis, quels que soient la chaîne ou le programme. Alors que le docteur Ross, alias George Clooney, avait fait ses valises depuis belle lurette, on en était encore à l’admirer dans sa blouse et à commenter l’apparition de sa barbe de trois jours. Si on avait le malheur de partir en voyage de langue au fin fond de l’Utah, interdiction de regarder la télé sous peine de ne plus rien avoir à faire de ses dimanches soir lors de la rentrée suivante.
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Des années plus tard, 24 heures… nous parvenait elle aussi douze mois après sa première diffusion sur la Fox. Encore pire pour Dr House, dont la première saison (octobre 2004) a mis deux ans et demi à trouver l’adresse de TF1 (février 2007). Actuellement, la deuxième moitié de la saison 4 des aventures du médecin irascible cartonne le mercredi soir en France, tandis qu’aux Etats-Unis la cinquième levée est en passe d’être terminée…
Due pour une grande part à des contraintes techniques, cette tradition énervante, en totale contradiction avec le caractère incontrôlable et pulsionnel de la consommation des séries, a raisonnablement contribué à encourager les plus accros à ne plus attendre, et donc à se jeter sur les sites de peer to peer. L’apparition du piratage a démocratisé l’accès aux séries en version originale, seulement quelques heures après leur diffusion originale. Si bien qu’il est devenu quasiment impossible de délimiter de façon claire une actualité française des séries américaines. Un vrai souci pour les chaînes en manque de promotion.
Depuis près de deux ans, TF1, a décidé de prendre les pirates à leur propre jeu, en proposant en toute légalité, une journée après leur diffusion US, les nouveaux épisodes de Lost, Heroes, Gossip Girl, Grey’s Anatomy, etc., avec sous-titres français. Une solution assez onéreuse pour l’internaute : à 1,99 euros l’épisode, une saison complète coûte à peu près le prix d’un coffret DVD.
Canal+, qui compte énormément sur le caractère exclusif de ses programmes pour attirer et conserver des abonnés, a longtemps réfléchi aux moyens à mettre en place. Et a fini par contracter le temps le plus possible, tout simplement. Desperate Housewives arrive le jeudi 2 avril avec “seulement” six mois de retard sur ABC. “Le minimum pour assurer le doublage des épisodes”, explique-t-on à la chaîne, qui espère créer le buzz avec ce “retour prématuré” – d’habitude, la série habillait la grille d’automne.
Cela tombe plutôt bien, car cette cinquième saison mérite d’être vue le plus vite possible. Le créateur March Cherry, qui supervise toujours l’écriture, a décidé de tenir le cap de son coup de tonnerre des derniers instants de la saison 4, un flash forward nous transportant cinq ans après. Ce saut temporel se révèle d’une efficacité dramatique exceptionnelle, la redistribution des cartes qu’il cause prenant des formes très variées.
Où en sont les meilleures amies du monde ? L’une s’est séparée de son mec, les enfants de l’autre ont grandi trop vite, sans parler de celle qui a désespérément grossi… On en passe, bien sûr… Loin d’être un “truc” narratif sans conséquences, ce choix de remettre en jeu les équilibres libère totalement l’écriture des scénaristes et le jeu des actrices. Arrivée à un point critique de sa maturité, Desperate Housewives se permet toutes les folies, comme celle d’avancer et reculer sans cesse, de revenir aux sources des relations, des amours, des haines tout en ayant fait des progrès considérables dans ce qui constituait jusqu’à présent son point faible : l’intrigue de série noire réglementaire, qui possède cette saison une ampleur inédite… Il n’y a plus beaucoup de discussion possible. A la fois déliée et tendue, émouvante et noire, Desperate Housewives est l’une des séries les mieux écrites de l’histoire de la télé.
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