Pour « l’émission d’Antoine », l’animateur de Canal + a participé (un peu) à la Though Guy Race, une course d’obstacles dantesque. On l’a suivi…
Wolverhampton, dimanche 31 janvier, 7h30: je retrouve le sémillant et toujours jeune Antoine De Caunes dans la salle du petit déjeuner du Holiday Inn local. Il n’est pas venu seul: sont présents son vieux complice de trente ans, le réalisateur-monteur Peter Stuart, ses cadreurs-reporters, Etienne Truchot et Julien Guitard, ainsi que le jeune preneur de son, Jean-Nicolas Buonavista. Dans quelques heures, la petite équipe va s’immerger au cœur de la 30ème édition de la Tough Guy Race pour une reportage qui sera diffusé dans L’Emission d’Antoine consacrée au corps, vendredi 12 février.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Véritable parcours du combattant
Mais, la Tough Guy quoi ? En français, la Course des Mecs Durs, créée en 1987 par un Anglais excentrique (pléonasme) retraité de l’armée, Mister Mouse, dans les champs et collines entourant sa ferme à la sortie de Wolverhampton. Une course d’endurance de 15 km, parsemée d’obstacles tels que des échafaudages (voire des échafauds) d’une vingtaine de mètres de hauteur, des tranchées de boue, des tunnels de pneus, des barbelés sous lesquels ramper, des étangs d’eau croupie et glaciale… Bref, un véritable parcours du combattant vers lequel se ruent chaque année quelques 4000 masochistes et pas uniquement des « tough guys »: on y aperçu pas mal de femmes, et aussi des gros, des malingres et quelques vétérans grisonnants. De Caunes ne fera pas toute la course mais projette de courir quelques mètres de secteurs clés du parcours.
South Perton Farm, 9h: la De Caunes team est sur zone. Le décor est étonnant et détonnant: autour de la ferme qui sert de QG, des champs et collines humides, boueuses, sous un ciel venteux et bruineux typique du lieu et de la saison (on a de la chance, il ne neige pas et la température est supérieure à zéro). On voit se dresser au loin les obstacles, ainsi que des drapeaux de tous horizons battant dans le vent (on vient courir et souffrir du monde entier), des canons, des « pissoires » (in french dans le texte) à ciel ouvert, des stands à hot dogs, bière, fish & chips. Et puis déjà beaucoup de monde, coureurs, coureuses, amis, familles, hôtes et hôtesses d’accueil, public mêlés dans les minutes précédant l’évènement.
Une décharge à signer en cas de décès…
Beaucoup sont déjà en tenue sportive classique (shorts, joggings, voire combi de triathlète…), certains sont presqu’à poil, alors que d’autres sont grimés en super-héros, en chevaliers médiévaux, en soldats de l’une des guerres mondiales, en animaux, ou en portnawak. Le tableau général ressemble à un mix de stage kommando, de fête de l’Huma, de veillée d’armes avant Verdun ou Waterloo, de Hellfest et de oktoberfest. C’est à la fois folklo, convivial, anxiogène et complètement taré. La De Caunes Team s’active. Antoine a revêtu sa tenue de combat (un treillis par-dessus ses fringues normales) et signé comme tous les candidats le « death warrant »: soit une décharge de toute responsabilité des organisateurs en cas de blessure ou… de décès. Humour noir very british.
Pendant ce temps, Peter Stewart court dans tous les sens, donne des instructions à ses techniciens son et image. Il s’agit de filmer différents spots de l’ambiance d’avant-course et d’interviewer divers acteurs de l’évènement. Le big boss, Mister Mouse, kilt, cravate et bacchantes, véritable figure locale, fait penser à un Lawrence d’Arabie qui aurait vieilli jusqu’à 75 ans: « cette course retrouve l’esprit des grandes batailles comme celle de la Somme explique-t-il à Antoine. Les gens vont souffrir, mais la souffrance crée de la solidarité entre les participants. Elle rend humble et fait mieux apprécier la vie« . A la fin de son entretien, il se retourne, soulève son kilt pour faire admirer ses attributs virils et intact de vieux serviteur de l’Empire Britannique.
La De Caunes team sonde également des jeunes filles, des Belges, un ancien triple vainqueur de la Race étonnamment peu baraqué, un groupe de jeunes pompiers volontaires du Val d’Oise bien rigolards… Tous se préparent avec joie, l’esprit guilleret quoique conscient des épreuves à venir. Beaucoup se réjouissent de courir en groupe, avec leurs potes, leur boyfriend ou girlfriend, leurs collègues de taf ou leurs coéquipiers de club sportif. L’aspect ludique semble l’emporter sur l’épreuve physique. Du moins avant la course.
South Perton Farm, 11h: coup de canon et fumigènes pourpres, c’est parti ! Stewart et ses cameramen se sont placés au milieu du champ et voient débouler une horde de coureurs encore tous frais et carnassiers dévalant la colline de départ. Les premiers kilomètres ressemblent à un cross ordinaire, avec peloton groupé, et déjà quelques obstacles, mais mineurs: barrières de 50 cm, passages où il faut crawler dans l’herbe. Le vrai spectacle, c’est le dernier kilomètre, à partir du Tiger, grande charpente de bois à escalader poutre par poutre, quand les coureurs sont exténués et qu’ils doivent affronter les obstacles les plus rudes.
Loques dégoulinantes et zombies cradingues
Ensuite, c’est une série d’enchaînement killers: escalades, puis crapahutage dans des boyaux de pneus, puis saut de bottes de paille en feu, puis pont de singe, puis reptations tête comprise dans des mares glaciales et marronasses… Les corps sont soumis à toutes les épreuves les plus extrêmes: bras, cuisses, mollets, dos, articulations moulinent selon des contrastes brutaux, sans parler des différentiels de températures et d’humidité. Dans les eaux croupies, les tough guys & gals hurlent de douleur, puis émergent couverts de flotte et de gadoue pour courir dans la glaise gluante et passer l’obstacle suivant. Tout du long, il y a des abandons: fatigue, crampes, foulures, entorses… On a vu aussi les infirmiers embarquer un coureur secoué de violents tremblements, sans doute victime d’un choc thermique. Dans les derniers mètres, ce ne sont plus des coureurs mais des loques dégoulinantes, des zombies cradingues, des blocs de souffrance, des survivants qui tueraient pour une douche et un café chauds. C’est dantesque.
S’ils ne font pas la course, De Caunes et son équipe ne chôment pas et pratiquent leur propre « tough guy race » parallèle : suivre le peloton, grimper les collines glissantes et trotter dans les allées cloaques avec le matos sur les épaules (caméras, micros, magnétos…) qu’il faut protéger de la pluie et autres éclaboussures, choper les meilleurs points de filmage, tout ça est aussi très sportif. De Caunes se fait filmer courant sur certains secteurs, se coltine tous les obstacles (sauf les étangs), offre son corps à l’émission. Pour sa dernière intervention avant l’arrivée, il prépare une chute métaphorique, faisant mine de trébucher dans la boue. On tourne une dernière prise et vlan ! La chute devient réelle, Antoine plongeant gracieusement et de tout son long dans la flaque de gadoue, tête la première enfoncée dans la tourbe pendant cinq longues secondes !
South Perton Farm, 16h: les dernières et derniers survivants arrivent, tandis que les autres titubent, sanglés dans une couverture de survie et gobelet de café en pogne tremblotante. Ils en ont chié, ils sont perclus de douleurs, mais semblent heureux d’avoir relevé le défi, aidé leurs potes, vaincu le monstre seuls et collectivement. De Caunes a gardé son masque de boue, et ce n’est pas un traitement facial de spa mais une mixture bien dégueu qui lui dégouline sur les yeux, les narines et la bouche. Chapeau pour cet engagement total. Avec sa gueule embourbée et son treillis, Antoine a quelque chose du Martin Sheen d’Apocalypse now. Le masque sèche pour ses interviews d’après-course où il retrouve ceux du départ, notamment les pompiers du 9-5, complètement déboités mais contents d’en avoir terminé groupés.
A l’intérieur de la ferme, Mister Mouse (cette fois vêtu d’un pantalon écossais) et les hôtes de la course à dégaine de hard-rockers prennent une collation et boivent des coups autour d’un gros feu de charbon, fêtant la fin de la Race 2016. Entre poutres, vieilles pierres, portraits de Churchill, fauteuils clubs, bordel d’après-course et odeur d’écurie, l’ambiance est aussi bizarrement british que dehors, aussi surréellement excentrique. De Caunes a le temps de se débarbouiller et d’enlever son treillis tout bouseux, Peter chausse des sacs poubelle pour protéger ses baskets de rechange, Etienne, Julien et Jean-Nicolas remballent le matos, je garde mes pompes et jeans crottés par manque de prévoyance et nous voilà prêts à revenir vers le monde normal des soft guys, fatigués mais ravis par la créativité déviante de ces dingues d’Anglais.
Le film de cette course sera visible dans L‘Emission d’Antoine de ce vendredi 12 février, consacrée au corps dans tous ses états, 22h35, Canal+.
{"type":"Banniere-Basse"}