Après leur déménagement dans de nouveaux locaux il y a deux mois, l’équipe de la chaîne YouTube Golden Moustache a fêté ses deux ans en grande pompe, le 8 novembre dernier. Reportage chez les nouveaux rois de l’humour français.
« OK, tu as un beau gâteau, mais il lui manque un peu de fioritures. Il faudrait lui rajouter un peu de vermicelles ou du sucre glace, tu vois ? » Plus tard : « Il me semble que tu avais une ou deux graines à nous exposer ? » Non, nous ne sommes pas dans un cours de cuisine ou de botanique. Ce jeudi après-midi a lieu la réunion d’écriture des auteurs de Golden Moustache (GM) dirigée par leur directeur Adrien Ménielle, dans leurs nouveaux locaux en plein cœur du IXe arrondissement de Paris. Ils s’y sont installés il y a deux mois, quittant l’austérité des locaux de M6, la maison mère de toute cette joyeuse bande.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Assis en bout de table, Adrien mène la danse. Il écoute, conseille, oriente les futurs sketchs qui alimenteront la chaîne YouTube du groupe (qui compte 1,6 million d’abonnés pour 232 millions de vues) et depuis peu leur site internet, via le « Lab », un laboratoire où chacun peut expérimenter de nouveaux formats et concepts. Les auteurs lisent tour à tour leurs pitchs, parlent de leurs idées (les fameuses « graines ») et font de réelles lectures de sketchs finalisés. « Des univers totalement différents se rencontrent, les gens rebondissent, conseillent, c’est fondamental », explique Aude Gogny-Goubert, 28 ans, ancienne metteur en scène à la prestigieuse Comédie-Française qui a rejoint GM sur la vidéo L’Ecole de la pornographie avec FloBer – ancien de Suricate, collectif qui n’existe plus aujourd’hui et premier gros succès de GM.
FloBer, lui, gravite autour de GM depuis les débuts de la chaîne. Coscénariste et coréalisateur du plus gros succès de la chaîne à ce jour, La Vie sexuelle des jeux vidéos, le jeune homme, casquette à l’envers, voit Golden Moustache comme un « studio de cinéma » : « Ils m’ont apporté les moyens de réaliser mes projets, d’engager qui je veux en totale liberté. » Adrien Labastire, directeur général adjoint explique : « Le rythme créatif n’est pas celui de l’entreprise classique. En s’installant ici, on a voulu offrir à nos auteurs un lieu de vie qui leur permettrait d’avoir en permanence une émulation créative. »
A 37 ans, Adrien Labastire peut avoir le sourire. Depuis sa création en novembre 2012, le modèle GM a fait ses preuves : « Nous sommes rentables, ce n’est pas M6 qui s’est payé une danseuse » justifie-t-il. Il raconte la genèse de GM : « J’avais découvert des sites américains comme Funny Or Die ou College Humor. Je suis allé à New York pour rencontrer ces derniers. J’étais tombé amoureux de leur concept. En rentrant à Paris, je suis tout de suite allé voir M6 pour le leur proposer. » Le concept ? Un « pure player d’humour », mais aussi un détecteur de tendance pour M6.
Aujourd’hui, une vingtaine d’auteurs collaborent régulièrement sur Golden Moustache. Comme Lucien Maine qui, après des années de galère au cinéma et au stand up a rejoint l’aventure via son ami Bruno Muschio alias Navo, un des piliers de la série à succès Bref. Ce qui l’a marqué en débarquant au milieu de cette énorme boîte à idées en mouvement permanent, c’est la vivacité d’esprit des auteurs, qui ont pour la plupart entre 20 et 30 ans maximum. « Ils tournent tout en blague et trouvent toujours le moyen de raconter les choses de façon humoristique. » Une émulation collective qui l’a poussé à se tourner aussi vers la réalisation, comme avec Le Décodeur, avec FloBer et Aude Gogny-Goubert, une vidéo courte au pitch ultra-simple : « Les parents, ça comprend rien aux hashtags, alors c’est pas toujours facile de communiquer avec eux. »
C’est là tout le succès du site, réussir à capter et à parler à toute une classe d’âge, à toute une génération. « On ne cherche pas forcément à être tout le temps marrant, mais on veut que nos vidéos parlent à notre cible » complète Adrien Labastire. En se baladant dans le catalogue Golden Moustache, on retrouve donc des sketchs humoristiques mais aussi des formats plus longs. Comme Le Syndrome post-rupture de FloBer. « C’est un truc plus personnel que j’avais à offrir, ça me fait encore plus plaisir qu’une vidéo comme celle-là fonctionne », témoigne-t-il.
Car les vidéos de Golden Moustache ont toutes ce point commun, elles fonctionnent. Il est rare qu’une vidéo n’atteigne pas un million de vues sur YouTube. La page Facebook de Golden Moustache compte plus d’un million d’abonnés et le site internet a cumulé deux millions de visiteurs uniques en octobre dernier. La conséquence ? « Entre 60 et 70 % de notre chiffre d’affaires provient de la pub aujourd’hui » se félicite Adrien Labastire. La stratégie de développement est claire. « On s’identifie à ce que fait Vice. Il y a vingt ans, on définissait une marque par son canal de distribution. Quand on te citait Skyrock tu pensais tout de suite à une radio. Mais ce modèle a évolué. C’est la marque qui te définit aujourd’hui et non plus ton canal de distribution. » Ainsi, après une chaîne YouTube et un site Internet, un prime time est en préparation pour le mois de mai qui sera diffusé sur W9. « Sur le modèle de Key & Peele de Comedy Central », précise-t-il.
Une partie de l’équipe GM s’est rendue récemment au Toulouse Game Show. Une première rencontre « en réel » avec leurs fans. L’essai est transformé. « Les gens venaient faire la queue plusieurs fois, c’était dingue ! raconte Aude. Il y en a même qui citaient des passages entiers de nos sketchs, je n’y croyais pas ». « J’ai halluciné, c’était la première fois qu’on était confrontés à notre public, c’était hyper chaleureux » ajoute Lucien Maine. « En mars prochain, une nouvelle réunion sera même organisée à Paris, au Grand Rex, un événement voulu pour les fans de GM, avec du contenu inédit, et la possibilité à notre public de rencontrer nos artistes » précise l’attachée de presse de GM. Bref, la grande famille voulue par le boss Adrien Labastire ne s’arrêtera pas en si bon chemin.
{"type":"Banniere-Basse"}