Fini l’image du geek solitaire aux lunettes rondes et au pantalon remonté jusqu’à la taille. En 2013, les geeks se comptent par centaines de milliers. Reportage chez les ultra férus du genre à l’occasion du Comic Con qui s’est tenu du 4 au 7 juillet 2013, au Parc des Expositions – Paris. Vendredi après-midi dans […]
Fini l’image du geek solitaire aux lunettes rondes et au pantalon remonté jusqu’à la taille. En 2013, les geeks se comptent par centaines de milliers. Reportage chez les ultra férus du genre à l’occasion du Comic Con qui s’est tenu du 4 au 7 juillet 2013, au Parc des Expositions – Paris.
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Vendredi après-midi dans le RER B. Des touristes sont en partance vers Charles-de-Gaulle, d’autres rejoignent simplement la banlieue Nord, la routine. L’oeil se fixe curieusement sur un groupe de quatre ados garçons/filles gesticulant sur les genoux les uns des autres. A quelques heures des résultats du bac, leur excitation vient d’ailleurs… On décide de les suivre, jusqu’à l’arrêt Parc des Expositions. Une nuée de partenaires semble les avoir rejoint sur le quai. La foule plurielle et vagabonde grouille jusqu’au hall 3. Des perruques bleues fluos par ci, des combinaisons molletonnées par là, des cris stridents, caverneux ou agglutinant en “klingon”… Ca y est, ils arrivent. “Ils”, ce sont les héros de Portal, de Big Bang Theory, du Seigneur des Anneaux, de Marvel ou de Spider Man. Des fans venus de toute la France pour le Comic Con, rendez-vous annuel des geeks, ces fans d’informatique et de super-héros.
A l’entrée de la Convention, on se faufile vers la droite sur un fond de Eiffel 65 maxi volume pour éviter les geishas de la Japan Expo voisine.
Sur notre chemin on rencontre Hélène – alias Yumia (son pseudo sur les réseaux), 22 ans, entre deux stands de cosplay médiévaux et un snack de gourmandises jap’. Une petite bombe aux (faux) yeux bleus électriques , un léger cheveux sur une langue bien pendue et un univers bien à elle. Avec sa bande, elle s’est téléportée à la convention pour incarner les personnages principaux du jeu vidéo Portal. Pour cette secrétaire médicale “plutôt cape de hobbit et jupe noire à froufrous” dans la vraie vie, “être geek c’est une manière de penser, imprimée depuis bientôt un demi-siècle via certaines images fortes comme le NOnnnnnnnNNN de Star Wars ou 42, guide intercellaire dans H2G2”. 42, le nombre culte du film réalisé par Garth Jennings (2005); adaptation de l’ouvrage The Hitchhiker’s Guide to the Galaxy de Douglas Adams sorti en 1975.
Geek Pride
Quelques années avant l’ouvrage d’Adams, apparaissent les tout premiers geeks dans les campus US, accrochés à leur Pc ou à leurs tubes à essai à l’écart des idoles plastiques des clubs de foot branchés.Réalité et cliché se croisent dans le portrait du nerd fluet aux lunettes rondes, pantalon remonté jusqu’à la taille et chemise décolorée: marginal et solitaire. « C’est seulement à partir des années 2000 aux Etats-Unis et 2005 en France, que l’on commence à se revendiquer d’une communauté geek au destin commun », explique David Peyron, docteur en sociologie de l’information et de la communication, auteur du livre à paraître « Culture Geek« . Propulsé par Internet et les réseaux de grand partage, le sentiment d’appartenance à la communauté geek s’amplifie. Plusieurs festivals émergent, dont la Geek Pride, organisée pour la première fois en Espagne, le 25 mai 2006. Une date choisie en référence à la première projection de Star Wars en 1977, l’un des incontournables de ces acolytes de SF.
La culture geek se construit ainsi petit à petit grâce à la convergence de différents médias: “ Elle investi le Net à la recherche de nouveaux moyens de communication de manière à assumer et partager cette passion commune. Ses membres développent leur propre langage et leurs propres codes”, précise Naya Bie, co-organisatrice du festival des Geek Faëries et membre du Studio Affects – un fanzine dédié à la culture geek. Elle se dote également de porte-paroles célèbres: » ses chefs de file sont issus des anciennes générations de geeks: Georges Lucas, Peter Jackson, Quentin Tarantino… Ce sont eux qui font l’industrie des comics et des blockbusters immersifs de nos jours », ajoute David Peyron.
« Tout le monde est un peu geek »
En 2013, les geeks se comptent en centaines de milliers Une démultiplication version Matrix Reloaded lorsque Smith réapparait devant Neo avec ses (très) nombreux clones. « Maintenant, tout le monde est un peu geek. on met le mot à toutes les sauces. Pour moi, il ne veut plus rien dire », dédaigne,un peu zombie, Xavier, 20 ans, étudiant en licence de japonais, près d’un stand de BD du studio Ankama. Même constat pour David Peyron: » de générations en générations, la culture geek s’est diluée, est devenue mainstream. Les super-héros de comics se retrouvent sur des T-shirts, ou les coques de portables… »
Et même sur des affiches de pub king size comme celles du site Raad, qui s’affiche avec un chat moulé dans un sweat imprimé « Geek« . Les marques surfent sans complexe sur la mouvance et défilent jusqu’au Comic Con. On course d’ailleurs Jérémy en train de fuir avec ses potes après avoir fait quatre heures de queue à la Sheldon Cooper (l’icône de la série The Big Bang Theory) pour la dédicace du dernier Mike Deodato – monstre brésilien de l’univers BD. L’ ambulancier de 27 ans est « référencé » de la tête au pied. Une casquette Spiderman et un T-shirt à l’effigie de Wolverine. « Je les porte en guise de clin d’oeil pour l’occasion car je n’ai pas la folie des cosplay », nous dit-il pas peu fier. Jérémy « assume complètement » ces accessoires qu’il remet aussi au quotidien. Un look qui confirme à sa manière la revanche des geeks entamée depuis le début des années 2000.
Les vrais de vrais
Mais n’est pas (vrai) geek qui veut! Crinière rouge néon et robe moulante galaxie, Alix, 22 ans, s’est assise à la buvette pour enlever deux minutes ses escarpins Démonia en cuir hauts de 15 cm. Elle nous raconte, entre deux gorgées d’eau (40° à l’intérieur du hall), que le vrai geek « c’est celui qui connait toute la vie des personnages de jeux vidéos, celui qui sait sur le bout des doigts les répliques de l’épisode 2 de la saison 5 de Star Trek. L’étudiante en cinéma, elle, ne connaît que celles de Stargate… En revanche, son fiancé est un « vrai de vrai »: Alex, « expert en sandwichs chez Subway », a passé cinq ans scotché à World of Warcraft. « A l’époque, je passais facilement 14 heures par jour sur le jeu en réseau. Au début ma mère m’engueulait pas mal jusqu’au jour où je lui ai un peu imposé ma pratique. Je suis devenu le premier paladin d’Europe ». Comprendre: son paladin (chevaliers haut-gradé, intrépide et adepte de la vertu) est arrivé premier au classement sur le serveur du jeu vidéo parmi les très nombreux autres joueurs de sa catégorie.
Un niveau de pratique qui reste « l’apanage d’un nombre restreint d’adeptes », selon David Peyron. « Certains sont poussés à se radicaliser, à aller encore plus loin dans leur connaissance de cet univers pour se revendiquer comme les vrais geeks », ajoute-t-il.D’autres l’ont apprivoisée, cultivée, accrochée à leurs bask’ au fil des années, et ne l’ont plus jamais quitté… Derrière un cercle d’amateurs, on croit apercevoir Thomas Bangalter. Il s’agit en fait d’Eric, 34 ans. Grand passionné de Star Wars autant que de Daft Punk, il n’a pas compté les heures passées à confectionner cette réplique homemade des costumes du groupe d’électro. Après quelques minutes de conversation – sans son casque métallique – à parler de films cultes et de rétro vidéo games, Eric nous demande une dernière photo. Il disparaît subitement pour réapparaître quelques mètres plus loin, à côté de « son » R2D2 d’un mètre et quelques. « Il m’a demandé plus de trois ans de travail, c’est une passion qui prend beaucoup de temps », nous confie-t-il. Posté dans le salon, R2D2 partage désormais l’apéro avec Eric et sa copine. (GG!)
Marie Monier
Photos de Nina Thomas
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