1968, année historique, année politique mais aussi année de musique. A l’occasion de la sortie de notre hors-série 1968, retrouvez 50 morceaux qui ont marqué l’année.
Le fond de l’air est rouge à Paris, les Beatles publient le double blanc et The Band Music from the Big Pink, la mariée était en noir dans les salles obscures, les Black Panthers lèvent le poing dans le ciel de Mexico et les Shadoks commencent à pomper : retrouvez toute l’année 1968 dans notre hors série actuellement en kiosque ou sur l’Inrocks Store.
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Ennio Morricone L’homme à l’harmonica
L’épure d’un genre, le western spaghetti ; la quintessence d’un univers, celui d’Ennio Morricone et l’une des plus belles fusions entre l’image et le son de l’histoire du cinéma, notamment parce que la bande son était jouée sur le tournage pour inspirer les acteurs. Reprenant le système éprouvé par Profokiev dans Pierre et le Loup, Ennio Morricone compose un gimmick pour chacun des personnages principaux : il était une fois une révolution.
The Beatles Revolution
La révolution de 1968 aura lieu en deux temps pour les Beatles, d’abord en face B de Hey Jude en version rock saturée. Il s’agit de la première publication d’Apple Records, première marque à la pomme qui connaîtra moins bonne fortune que celle de Steve Jobs. Revolution est révélée au public britannique la veille d’un autre single insurrectionnel, Street Fighting Man des Stones. En fin d’année, une version plus apaisée de Revolution apparaîtra sur le fameux Double Blanc. Don’t you know it’s gonna be all right ?
The Rolling Stones Sympathy for the Devil
Avant Street Fighting Man, les Stones ont remporté un de leurs plus grands succès avec Jumping Jack Flash. Ils achevent l’année avec un de leurs sommets, Beggars Banquet. Y trône un diamant noir inspiré du Maître et Marguerite de Boulgakov et en prise avec l’actualité (“Who killed the Kennedys ?”) : On découvrira l’année suivante la naissance Sympathy for the Devil filmée par Jean-Luc Godard dans One+One.
https://www.youtube.com/watch?v=lj6y6tohW_0
Joe Cocker With a Little Help from My Friends
En 1964, Joe Cocker publie sans aucun succès son premier 45t pour Decca, I’ll Cry Instead, une reprise des Beatles, avec Jimmy Page à la guitare. Quatre ans plus tard, il use néanmoins de la même formule, reprise des Beatles (With a Little from My Friends) + Jimmy Page (guitare), pour décrocher la timbale et atteindre la première place des charts britanniques en novembre.
Creedence Clearwater Revival Suzie Q
Si la finesse de composition de John Fogerty est avérée dès leur premier album, c’est grâce aux reprises de deux Hawkins – Screamin’ Jay (I Put a Spell on You) et Dale (Susie Q) – que le groupe se fait connaître. D’une durée dépassant les huit minutes sur l’album, Susie Q sera dispatchée sur les deux faces d’un 45-t. Marqueur d’une époque, on la retrouvera dans Apocalypse Now, revisitée par Flash Cadillac and the Continental Kids.
Canned Heat On the Road Again
Un des morceaux qui symbolisent 68, la période hippie et les motards qui taillent la route sur leurs grosses Harley. Symbole de cette période psychédélique (le bourdon d’ouverture joué au sitar), On the Road Again n’en reste pas moins un blues-rock basique qui doit autant au blues de Floyd Jones qu’au boogie de John Lee Hooker, avec lequel le groupe enregistrera le double album Hooker’n’Heat deux ans plus tard.
Steepenwolf Born to Be Wild
Un an avant Easy Rider sort Born to Be Wild de Steppenwolf (Le Loup des steppes de Heman Hesse en vo). C’est la première apparition du “heavy metal” dans un morceau musical même si cet “heavy metal thunder racin’ with the wind” évoque le vrombissement des moteurs plus que celui des guitares (et c’est d’ailleurs seulement à partir de la bande-son d’Easy Rider qu’apparaît le bruit des motos en surchauffe dans l’intro).
Julien Clerc La Cavalerie
Le premier album de Julien Clerc contient le Born to Be Wild français écrit par Etienne Roda-Gil : “Quand je vois filer les bolides, les cuirs fauves et les cuivres qui traversent le pays dans le métal et le bruit, moi, je pense à la cavalerie.” Mais le réel écho avec les événements de mai (mois de sa sortie), La Cavalerie le trouve dans le couplet suivant : “Quand s’éloigne la tourmente, quand retombe la poussière pesante et que sombre le pays dans le sommeil et l’ennui.”
Hair Aquarius
Julien Clerc l’ignore mais l’année suivante il va triompher au théâtre de la Porte Saint-Martin dans le rôle (qu’il a d’abord refusé) de Claude Bukowski, personnage central de la comédie musicale Hair créée le 29 avril 1968 à Broadway. Œuvre de Gail MacDermot, James Rado et Gerome Ragni, elle recèle plusieurs tubes dont Let the Sunshine In, Ain’t Go No ou cette célébration de l’ère du Verseau sans rapport avec Sodomy, autre pièce majeure de Hair.
https://www.youtube.com/watch?v=05DdCp9mtCQ
Blood, Sweat & Tears The Spinning Wheel
Blood, Sweat & Tears, groupe chargé d’histoire (“du sang, de la sueur et des larmes” nés d’un discours de Winston Churchill en 1940) comptent parmi les fondateurs du jazz-rock, terme bien vite honni (qui jazz y pense). Sur leur deuxième album apparaît cette Spinning Wheel, parfaite pop-song à la mélodie cuivrée qui dérive en psychédélire trompetté puis flûté et que Peggy Lee mènera, en mieux polie, dans les charts l’année suivante.
Vanilla Fudge You Keep Me Hangin’ On
24 février : deuxième album de Vanilla Fudge. La maison de disques décide, dans la foulée, de rééditer en 45t leur version lysergique et aussi barrée que bardée de fuzz du You Keep Me Hangin’ On des Supremes enregistré l’année précédente et qui finira par cartonner en 68 comme cartonnera en 86 celle, moins fuzzée et moins barrée, qu’en livrera Kim Wilde. Car il est des chansons immortelles même quand elles vous supplient de “get out my life, why don’t you babe ? (whoo ouh ouh ouh)”
Marvin Gaye I Heard It Through the Grapevine
Coup dur pour la Motown au début de l’année 68 puisque le trio Holland-Dozier-Holland, usine à tubes maison, décide de quitter le label. Restent Norman Whifield et Barrett Strong qui avaient forgé ce I Heard It Through the Grapevine pour Gladys Knight & The Pips en 1966 et que Marvin Gaye reprend à son compte pour l’éternité. En 1985, elle connaîtra une nouvelle vie pour une marque de jeans dans laquelle Nick Kamen se livre à un strip-tease mémorable. Levi’s et la vertu de la publicité…
The Tempations Cloud Nine
Moribonde la Motown en 1968 ? Pas en décembre où elle squatte cinq des dix premières places du top singles avec I Heard It Through the Grapevine de Marvin Gaye (ci-dessus), Love Child de Diana Ross & The Supremes (ci-après), For Once in My Life de Stevie Wonder, I’m Gonna Make You Love Me de Diana Ross & The Supremes with The Tempations et ce Cloud Nine des Tempations seuls dont la dose d’acidité convoque le futur et annonce déjà Parliament ou Funkadelic.
Diana Ross & The Supremes Love Child
Un an que, selon la volonté du boss de Motown, Barry Gordy (et de Diana Ross ?), les Supremes sont devenues Diana Ross & The Supremes, quelques mois aussi que Florence Ballard a été virée et que le trio Holland/Dozier/Holland, compositeurs-paroliers privilégiés, se sont barrés. Ce qui n’empêche pas aux Supremes de décrocher leur onzième numéro un avec, comme le vent du moment l’exige, une pincée de pyschédélisme dans leur soul.
James Brown Say It Loud (I’m Black I’m Proud)
Le 5 avril, au lendemain de l’assassinat de Martin Luther King, James Brown enjoint sur les télévisions nationales la population noire (puisque en 1968, on ne disait pas encore couramment “afro-américaine”) à ne pas céder à la colère et à la violence. En août, en plus de son hallucinant Live at the Appolo, vol. 2, il pousse ce cri primal et fondateur, le black emporwment est en marche et il passera aussi par la musique.
Nina Simone Why? (The King of Love Is Dead)
Le 7 avril, Nina Simone chante pour la première fois Why? (The King of Love Is Dead), écrite par son bassiste Gene Taylor, trois jours après l’annonce de la mort de Martin Luther King. Près de cinquante ans plus tard, le mouvement Black Lives Matter dénonce toujours le racisme et les Black-Eyed Peas assènent qu’il y a “plus de Noirs en prison aujourd’hui que de Noirs dans les champs de coton il y a deux siècles”. La question mérite donc encore d’être posée : why the king of love is dead ?
Simon & Garfunkel Punky’s Dilemna
Un peu de douceur dans ce monde de brutes avec un extrait du Bookends de Simon & Garfunkel qui ne sera pas Mrs Robinson, puisqu’il a déjà triomphé l’année précédente grâce à la BO du Lauréat de Mike Nichols. Une douceur sucrée puisqu’il y est question d’une variété de mûre et de confiture : “I prefer boysenberry more than any ordianry jam. I’m a citizen for ‘Boysenberry Jam’ fan.” Un régal pour le palais et les oreilles.
The Mamas and the Papas Dream a Little Dream of Me
Pendant ce temps, les rumeurs vont bon train sur la séparation de The Mamas and the The Papas. L’album The Papas and the Mamas finit par sortir en mai et le groupe fait un carton le mois suivant avec un morceau de 1931, Dream a Little Dream of Me. En juillet, le groupe se sépare. Le Summer of Love fête sa première année avec une mélancolie aérienne faite de mélodie céleste et de rêves languides.
Jacques Dutronc Il est cinq heures Paris s’éveille
Autre bal(l)ade mélancolique de l’année 1968 qui restera une des chansons majeures de Jacques Dutronc (et highlight de sa collaboration avec Jacques Lanzman) : Il est cinq heures, Paris s’éveille écrite et enregistrée en une nuit et un petit matin. Le solo de flûte traversière qui l’enlumine et lui donne son originalité est le fruit du hasard et l’œuvre de Roger Bourdin, flûtiste classique qui travaillait dans un studio voisin et a accepté d’improviser sur ce magnifique réveil-matin.
Os Mutantes Panis et circenses
Pendant ce temps au Brésil, un groupe d’irréductibles artistes résiste au régime militaire qui le dictature avec l’acte fondateut du tropicalisme qui mêle culture traditionnelle et psychédélisme : l’album Tropicalia ou Panis et circensis. On y retrouve Os Mutantes, Nara Leao, Gal Costa, Tom Zé, Rita Lee, Caetano Veloso et Gilberto Gil. Ces deux derniers passeront quelques mois en prison avant de se voir contraints à l’exil.
Janis Joplin Summertime
Retour aux années 30 quand Janis Joplin choisit de s’attaque à un des plus grands standards du jazz, la berceuse Summertime (George Gershwin, 1935). Aucune chance néanmoins d’endormir qui que ce soit avec cette version volcanique, habitée et inégalable qui atteindra les cimes de l’intensité et de l’incarnation au festival de Woodstock en août de l’année suivante et qui figure sur l’album Cheap Thrills également remarquable pour sa pochette signée Robert Crumb.
Blue Cheer Summertime Blues
Une autre reprise d’un standard, rock cette fois, avec Summertime Blues enregistré en mars 1958 par Eddie Cochran. Dix ans plus tard, le morceau apparaît sur le premier album des Américains Blue Cheer. Beaucoup d’historiens de la musique considèrent qu’il s’agit du premier morceau de heavy metal à entrer dans les charts en devançant Born to Be Wild de Steppenwolf et In-A-Gadda-Vida d’Iron Butterfly.
The Doors Summer’s Almost Gone
L’enregistrement du troisième album des Doors, Waiting for the Sun est chaotique, à cause des addictions diverses de Jim Morrison mais contient un de leurs plus grands hymnes, Hello I Love You et le très politique Unknown Soldier qui donne lieu à une mise en scène spectaculaire lors du concert à l’Hollywood Bowl qui voit Robby Krieger exécuter Jim Morrison avec sa guitare. On y trouve aussi ce nostalgique Summer’s Almost Gone qui semble signer la fin d’une époque.
Brigitte Fontaine Il pleut
En 1968 déjà, Brigitte est… folle. C’est en tout cas ce que clame ce qu’elle considère comme son premier 33t en dépit de publications antérieures, dont de notables collaborations avec Jacques Higelin. Le premier morceau, co-écrit avec Jean-Claude Vannier, reste à ce jour un des ses plus grands classiques (même s’il est piquant de parler de classique quand on évoque Brigitte Fontaine).
Otis Redding (Sittin’ On) The Dock of the Bay
Otis Redding meurt le 10 décembre 1967. Trois jours plus tôt, il mettait la dernière main à son nouveau titre (Sittin’ On) The Dock of the Bay avec Steve Cropper. Conformément à la demande d’Otis Redding, Steve Cropper finalisera le titre après la mort du chanteur en y ajoutant bruits de vagues et cris de mouettes. Il sort en single le 8 janvier 1968 et sera le seul numéro obtenu par Otis Redding et le premier de l’hisoire à avoir été publié à titre posthume.
Aretha Franklin Think
Tout comme Brigitte, l’année 1968 d’Aretha Franklin est folle… Elle publie trois albums, dont son premier live, enregistré à l’Olympia, et des standards en puissance tels que I Say a Little Prayer, Chain of Fools ou (You Make Me Feel Like) A Natural Woman. Et bien sûr, ce monument d’empowerment fémniste dont elle s’amusera avec recul et brio douze ans plus tard pour une des scènes cultes de The Blues Brothers.
Sly & The Family Stone Dance to the Music
Sly & The Family Stone est le premier groupe double mixte puisqu’à la fois constitué de femmes et d’hommes, de Blancs et de Noirs, métissant rock, psychédélisme et funk encore en gestation ou créé par elles et eux, c’est selon. Et tout a commencé en février 1968 par cette invitation à la fête qui sera prolongée par People Everyday qui fera le bonheur et la fortune d’Arrested Development plus de vingt-cinq ans après.
Jimi Hendrix Crosstown Traffic
Dans l’idéal, il aurait fallu ici partager tout Electric Ladyland plutôt que de préférer arbitrairement Crosstown Traffic à Voodoo Chile ou All Along the Watchover. Jimi Hendrix est indubitablement ici au zénith de son génie qu’il semblait avoir déjà atteint avec Axis Bold As Love l’année précédente, un peu comme les Beatles vont publier le double blanc après le jugé insurpassable Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band.
The Yardbirds Think About It
Parmi les trésors cachés de la naissance du heavy metal en 1968, cette face B d’un single de 1967 qui réapparaît sur l’album Little Games avec ce court solo de Jimmy Page qui annonce déjà Led Zeppelin. Cette même année, l’ex Yardbirds Eric Clapton saborde Cream avec Wheels of Fire, autre fondation du heavy, et les New Yarbirds décident enfin de s’appeler Led Zeppelin.
Iron Butterfly In-A-Gadda-Da-Vida
Metal encore avec ce papillon de fer, autre sommet délirant et annonciateur d’un genre à venir. Dix-sept minutes de psychédélisme et d’électricité qui titubent entre les Doors et Cream et ne demandent qu’à être écoutées sous papier buvard. Cette année-là Iron Butterfly gratifie le monde de deux albums In-Gadda-Da-Vida, donc et… Heavy.
The Zombies Time of the Season
Pour l’observateur de loin du Swinging London, The Zombies viennent grossir la cohorte des one-hit wonders avec She’ Not There (1964) qu’on retrouvera chez Santana puis Tarantino via le About Her de Malcolm McLaren glissé dans la BO de Kill Bill. Pour d’autres, The Zombies, c’est le merveilleux album Odessey & Oracle d’où est issu ce non moins merveilleux Time of the Season. Quant à la curieuse Odessey, il s’agit d’une coquille de l’auteur de la pochette qui restera gravée pour l’éternité.
Fleetwood Mac Black Magic Woman
La formation originale qui arrive sur le marché britannique sur la pointe des pieds avec deux albums pour partie constitutés de révérences à leurs maîtres blues a peu à voir avec la future usine à tubes des mid-seventies. Mais une composition de Peter Green arrive jusqu’aux oreilles de Santana qui l’accueillira sur Abraxas. Peter Green, lui, ne contribuera pas à l’usine à tubes à venir : en proie à de sévères troubles mentaux, il achève plus ou moins sa carrière en 1970 avec son album solo, The End of the Game.
Spirit Taurus
Le groupe de Randy California connut une certaine audience en son temps. Oublié depuis, il reviendra dans l’actualité en 2014 lorqu’il entame une action contre Led Zeppelin, estimant que leur Stairway to Heaven est un plagiat de Taurus. La justice tranchera deux ans plus tard que non, en fait. Alors, je pose ça là et vous laisse juges à votre tour.
Donovan Hurdy Gurdy Man
Pour l’observateur de loin du Swinging London, Donovan était le Bob Dylan britannique. Pour le téléspectateur français des seventies, le compositeur de la pub Lipton Yellow. Son nouveau album, Hurdy Gurdy Man, est porté par ce single composé pendant son séjour en Inde avec les Beatles en visite dans l’ashram du Maharishi Mahesh Yogi, ce qui explique la présence d’un couplet écrit par George Harrison.
Joni Mitchell Song to a Seagull
En cette année du heavy metal et de l’affirmation du black power, n’oublions pas le folk porté par Donovan et qui, de l’autre côté de l’Atlantique, vient nous livrer le premier album d’une grande chanteuse : Joni Mitchell. Il est produit par David Crosby, par ailleurs occupé à former le quatuor Crosby, Stills, Nash & Young tandis que le Young qui arrive en dernier, prénommé Neil, publie lui aussi son premier album.
https://www.youtube.com/watch?v=0KmS0-EnW1M
Fairport Convention Chelsea Morning
Fairport Convention est le premier et seul album du groupe enregistré avec Judy Dible avant l’arrivée de Sandy Denny et paraît le même jour que The Pentangle de Pentangle. On y trouve deux compositions de Joni Mitchell I Don’t Know Where I Stand et ce Chelsea Morning que l’auteure originale reprendra à son compte, tout comme I Don’t Know Where I Stand, sur son deuxième album, Clouds.
Van Morrison Sweet Thing
Van Morrison est âgé de 19 ans à peine quand il entre au Panthéon du rock en gravant Gloria qui deviendra une pièce maîtresse du répertoire des Doors et de Patti Smith. Quatre ans plus tard la rugosité rauque s’est évanouie pour laisser place à un voyage cosmique propice à la méditation. Astral Weeks paraît en novembre et demeure un des plus grands albums de cette année richissime en la matière. On en a retenu Sweet Thing de manière totalement arbitraire tant Astral Weeks est à écouter en entier.
Nico Evening of Light
Nico a été écartée du Velvet Underground auquel elle n’a jamais appartenu, imposée par le mécène du groupe, Andy Warhol. C’est pourtant avec John Cale qu’elle enregistre en septembre son premier album, The Marble Index, et dont le violon dingue magnifie cet Evening of Light qui ne paraîtra que l’année suivante.
The Velvet Underground Sister Ray
Le Velvet a donc écarté Nico et Andy Warhol. L’incompréhensible, pour l’époque, White Light/White Heat voit le jour, ou, plus exactement, le matin blafard d’après les nuits trop longues. Il s’agit du dernier album auquel John Cale a contribué avant que The Velvet Underground devienne Lou Reed. Toutes aussi incompréhensibles, encore aujourd’hui, dingues et addictives sont ces dix-sept minutes qui le concluent.
Pink Floyd Set the Control for the Heart of the Sun
L’année où John Cale quitte The Velvet Underground, où Brian Jones est viré des Rolling Stones, où les Doors ne supportent plus le comportement erratique de Jim Morrison, Syd Barrett semble en passe de se séparer de lui-même. Un autre Pink Floyd naît, celui de Roger Waters et de David Gilmour. Le deuxième album du groupe, A Saucerful of Secrets, se clôt néanmoins avec un morceau écrit et interprété par Syd Barrett, Jugband Blues.
Michel Polnareff Le Bal des Laze
Arrangements baroques, bal londonien et dingueries ? Tout ça se passe aussi en France où Michel Polnareff sera pendu demain matin. Cette amplitude, cette orchestration entre Couperin, Bach et Procol Harum, cette ballade des pendus, tout ça est bien trop triste. La maison de disques de Polnareff préfère opter pour la mise en avant de la pochade “y a qu’un cheveu sur la tête à Mathieu, y a qu’une dent dans la mâchoire à Jean”.
Aphrodite’s Child Rain & Tears
1968, c’est aussi la naissance du fils de Vénus, ou plus précisément de sa collègue grecque, Aphrodite. Un trio d’Hellènes composé de Vangelis, Demis Roussos et Lucas Sideras qui obtient son premier succès avec cette pièce baroque, au sens propre puisqu’alignée sur la grille musicale du Canon en ré majeur sur une basse obstinée composé par Johann Pachelbel dans les environs de 1700.
https://www.youtube.com/watch?v=YQyxCL1uMlU
Serge Gainsbourg Initials B.B.
68, année cinématrographique. Elle s’ouvre avec l’album Bonnie & Clyde, se poursuit avec Bardot qui va tourner Shalako à Alméria et signe la rupture qui nous vaudra Initials BB. Elle se poursuit avec le Requiem pour un con pour Le Pacha, Manon pour Manon 70 et L’Herbe tendre avec Michel Simon pour Un sacré grand-père . Lors du tournage de Slogan, il rencontre une jeune actrice britannique dont nous tairons le nom, Jane B. Quelques mois plus tôt, il grave cette dédicace culte à sa muse initiale, B.B.
The Who A Quick One While He’s Away
Un petit coup pendant qu’il est parti ? Loin du romantisme de Je t’aime, moi non plus que Serge Gainsbourg enregistre la même année successivement avec Brigitte Bardot et Jane Birkin, The Who crée une longue suite en plusieurs mouvements autour d’un quickie avant de s’atteler à Tommy, leur ambitieux opéra-rock, qui verra le jour la même année qu’un des deux Je t’aime, moi non plus de Gainsbourg. Vivement 69 !
Jeff Beck Blues Deluxe
Avec Truth, Jeff Beck enfonce le clou heavy blues avec, notamment Rod Stewart sur trois morceaux dont ce Blues Deluxe qui soutient ce qu’il avance, une reprise des Yardbirds auxquels il a appartenu, Shapes of Things et last but not least, avec deux relectures de Willie Dixon : You Shook Me (qu’on retrouvera comme de par hasard chez Led Zep) et I Ain’t Supersistious.
Robert Charlebois et Louise Forestier Lindberg
Au rayon du cabinet de curiosités et du beau bizarre, la contribution du Québec aux côtés de la folie de Brigitte Fontaine, de l’ambition baroque et grecque ou de Polnareff, voire de la Symphonie du Nouveau Monde qui inspire Gainsbourg, n’est pas négligeable. Et l’occasion de constater qu’entre autres dingueries, Louise Forestier fait la mouette avec autant de talent qu’Otis Redding dans une version alternative de (Sittin’ On) The Dock of the Bay.
Jacques Brel La Quête
On a souvent évoqué la malédiction de Don Quichotte au cinéma qui sera au centre de deux naufrages financiers et films inachevés de Terry Gilliam et Orson Welles. On en oublierait presque que le 1er décembre 1968 Dario Moreno, qui incarne Sancho Pança dans L’Homme de la Mancha, meurt sept jours avant la première parisienne de la comédie musicale. Pendant ce temps, Jacques Brel porte sa quête de l’inaccessible étoile au firmament.
Scott Walker Next
Scott 2 confirme en mai 1968 la forte impression laissé par Scott en septembre 1967. Comme sur son premier album avec My Death, Amsterdam (l’une et l’autre plus tard revisitées par David Bowie) et Mathilde, le deuxième comprend trois reprises de Jacques Brel : Jackie, Next et The Girls and the Dogs, soit autant que dans Scott 3 en avril 1969 : Sons of, Funeral Tango et If You Go Away (toutes signées Mort Shuman dans leur version anglaise).
The Beatles Revolution
Finissons-l’année comme nous l’avons commencée, en Revolution dans l’autre version, la rock saturée en face B, contre l’avis de John Lennon qui la souhaitait en face A à la place de Hey Jude. Bref, ça commence à être le bordel au sein des Fab Four qui sont désormais cinq en studio puisque Lennon y impose la présence de Yoko Ono avec laquelle il publie son premier album, Unfinished Music n°1 : Tow Virgins, une semaine après la sortie du double blanc.
Françoise Hardy Comment te dire adieu
L’année perso de Gainsbourg, nous l’avons vu, a été riche. En toute fin d’année, il glisse deux nouveaux chefs-d’œuvre sur le nouvel album de Françoise Hardy : Comment te dire adieu qui lui donne son titre et L’Anamour. Il y côtoie un futur Nobel de littérature qui vient tout juste de publier son premier roman, La Place de l’étoile, et auteur ici de Etonnez-moi Benoît, Patrick Modiano.
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