Le 29 mars, Ben Innes postait sur Instagram une photo le représentant aux côtés du preneur d’otages du vol EgyptAir. Sans savoir si la ceinture d’explosifs était réelle.
Le jeu de l’ego
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Affirmer, comme l’a fait 99 % de la presse, que ceci est un selfie, revient à prendre le risque de provoquer un arrêt cardiaque chez Kim Kardashian, experte en la matière. Car, non, ceci n’est pas un selfie, du moins tel que le définissait l’Oxford Dictionary en 2013 : “Une photographie qu’une personne a prise d’elle-même, généralement avec un smartphone ou une webcam, et qu’elle a partagée sur un média social.”
Au-delà du délire narcissique ou du besoin de se mettre en scène, le selfie est synonyme d’indépendance (ce que l’on oublie un peu vite). Plus besoin d’être deux pour immortaliser son être au monde. Le selfie célèbre l’individu, l’ego, le “je” et, de fait, une irrémédiable solitude.
Cheeeese !
Ce cliché a été pris par une tierce personne qui a réussi à ne pas trembler. Une prouesse car ces deux énergumènes aussi mal assortis que le couple Bruni-Sarkozy ne sont pas deux vacanciers en balade. A droite, Ben Innes, Ecossais de 26 ans, passager du vol EgyptAir détourné le 29 mars par l’homme à ses côtés, Seif al-Din Mohamed Mostafa, Egyptien de 58 ans qui souhaitait revoir son ex-femme.
“J’ai pensé que si la ceinture explosive était réelle, je n’avais de toute façon rien à perdre. Du coup, j’ai voulu y jeter un œil, a raconté Ben Innes au Sun. J’ai demandé à un membre de l’équipage de traduire ma demande au pirate de l’air, qui était de me prendre en photo avec lui. Celui-ci a juste haussé les épaules en disant OK, je me suis donc mis debout à côté de lui, j’ai souri pendant qu’une hôtesse prenait le cliché. Ça ne pouvait être que le meilleur selfie de tous les temps.”
A la vie, à la mort
Face à la mort, certains “voient leur vie défiler”. D’autres, portés par l’instinct de survie, font montre d’une force insoupçonnée. Ben Innes, lui, pense à son selfie (qui n’en est même pas un, rappelons-le). Inconscience ? Stupidité ? D’après son colocataire interrogé par la presse anglaise, Ben Innes n’aurait “jamais peur” et ne serait “jamais timide avec qui que ce soit”.
Ce cliché respire le zinzin, celui qui pousse un homme à poser aux côtés du pirate tenant sa vie entre ses mains. Mais peut-être Ben Innes a-t-il opté pour la thanatographie, le récit de sa propre mort, acte artistique et littéraire exploré notamment par Hervé Guibert ? Les niveaux de lecture sont brouillés, d’autant plus qu’internet a transformé Innes en mème : on le voit ainsi apparaître sur un selfie de Kim K. La boucle est bouclée, comme on dit.
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