C’est l’heure de la résurrection pour “Pif”. Le magazine préféré des enfants des années 70 renaît le temps d’une saison, avec Rahan et Corto Maltese en première ligne.
N’importe quel grand enfant aura naturellement du mal à mesurer aujourd’hui la joie que suscita chez ses parents ou grands-parents, en leur temps pré-pubère, la sortie chaque semaine en kiosque de Pif Gadget. Le journal illustré avait beau appartenir aux communistes qui s’accommodaient de son fructueux capital, les parents gaullistes ou giscardiens cédaient eux-mêmes aux désirs apolitiques de leur progéniture.
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Progéniture qui fantasmait sur les aventures de Rahan, Corto Maltese, Supermatou, Hercule ou Gai-Luron, loin de la lutte des classes et de la prise du pouvoir par le prolétariat. Il n’y avait que Pif pour accomplir une forme secrète d’œcuménisme politique. A côté, son concurrent yankee Le Journal de Mickey faisait pâle figure.
“Pif Gadget” se vendait à 500 000 exemplaires
L’humanité de Pif Gadget comblait tout le monde puisque les plaisirs insouciants de l’enfance transpiraient à chaque page, en toute innocence. Même si, à l’époque, certains observateurs avisés décelaient dans les profils des personnages des messages politiques subliminaux : la défense d’une nature sauvage et authentique, préfigurant l’écologie politique, chez l’indien Loup Noir, ou la Résistance du jeune maquisard chez Le Grêlé 7/13…
Apparu dans les pages du quotidien communiste L’Humanité dans les années 50 avant de devenir à partir de 1969 une revue à part entière, vendue à 500 000 exemplaires, éditée par les Editions Vaillant contrôlées par le PC, Pif Gadget valait aussi, et peut-être surtout, pour le second terme de sa promesse : les “gadgets”.
Pois sauteurs du Mexique, collier de Rahan…
Ceux-ci excitaient les enfants encore préservés des addictions à l’immatérialité numérique. Un simple objet suffisait à leur félicité : un stylo à encre invisible, une machine à faire des œufs carrés, un lance-spaghettis, un four solaire ou des pois sauteurs du Mexique faisaient le bonheur simple du lecteur, au fond duquel vibraient aussi un agent secret, un explorateur, un ingénieur ou un aventurier.
Qui n’a pas porté sur son petit cœur battant le collier de Rahan aux cinq vertus (courage, loyauté, générosité, ténacité, sagesse) ne peut ainsi saisir la joie secrète, indexée à une nostalgie un peu surjouée, de voir aujourd’hui renaître Pif Gadget, qui malgré une tentative au milieu des années 2000 n’a jamais retrouvé son lectorat depuis sa disparition en 1993.
Le retour des héros fétiches
La résurrection de Pif Gadget, rebaptisée Super Pif, pilotée par Olivier Chartrain, n’est en fait qu’un hors-série d’été, tiré à 100 000 exemplaires. On y retrouve les héros fétiches du journal des années 70 : Rahan, Corto Maltese (présent dans Pif entre 1970 et 1973), Placid (l’ours) et Muzo (le renard).
Mais il manque à l’appel quelques grands noms de l’épopée glorieuse : Pifou, Docteur Justice, Léo bête à part, les Rigolus et les Tristus… Des jeux et quelques articles sur des sujets sociétaux comme le réchauffement climatique complètent le magazine.
Si le jeune public, chauffé par des parents nostalgiques, confirme cet été sa curiosité pour le journal au charme suranné, Pif pourrait devenir mensuel en 2017. Le collier de Rahan redeviendra-t-il le fétiche de la jeunesse baroudeuse de la fin des années 2010 ? Jean-Marie Durand
Super Pif en kiosque, 192 pages, 5,90 €
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