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Charles et Marie-Laure de Noailles, couple de mécènes avant-gardistes qui avait commandé l’édification de la villa sur les hauteurs de Hyères dans une architecture moderne de l’entre-deux-guerres, peuvent reposer en paix. Voilà maintenant 27 ans que le festival international de mode et de photographie défend courageusement la jeune création artistique entre les mêmes murs où ses propriétaires invitaient Jean Cocteau, Man Ray, Giacometti ou encore Brancusi.
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En 2012, ce sont dix photographes et dix stylistes sélectionnés parmi plus d’une centaine de candidatures qui ont été invités pour passer à la moulinette de la presse et du jury, présidé par le créateur nippon Yohji Yamamoto.
Dissection des collections
Tout commence par le grand oral du vendredi matin, pendant lequel se déroule une dissection des collections en compétition, à cœur ouvert et dans un anglais tremblotant. Premiers émois, rumeurs naissantes et persistances rétiniennes devant les silhouettes les plus audacieuses… Mais que cet épisode fugitif est frustrant. Il faudra attendre les showrooms de samedi et dimanche pour pouvoir caresser les mailles, serrer les bottines contre son cœur, découvrir les sketch books et interviewer leurs auteurs.
S’en suit la cérémonie officielle d’ouverture de la 27e édition du festival de Hyères avec le discours du fidèle directeur Jean-Pierre Blanc sur les pelouses de la villa Noailles, fleuries de festivaliers. Ce brassage de créateurs, membres du jury, partenaires, médias, blogueurs et Hyérois fiers de leur patrimoine déambule un verre de rosé à la main, à travers les projections d’Inez Van Lamsweerde & Vinoodh Matadin et les mannequins de bois de Yohji Yamamoto installés autour de la piscine.
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On s’impatiente. Le premier défilé aura lieu le soir même dans une immense grange du salin de Pesquiers, dévorée par les moustiques. Cette procession quasiment religieuse de la villa Noailles au Salin se répétera jusqu’à la remise des prix dimanche.
Ouïe, goût, odorat…
Rangés comme des œufs dans une boite, à chacun son rang, à chacun sa place. On sort son tiercé gagnant, le compteur des clichés et des vidéos augmente frénétiquement pendant que défilent des kilomètres de coton, soieries et étoffes gracieusement offerts par le partenaire Première Vision.
A chaque sens sa récompense : le toucher des organzas et mousselines de soie lors du showroom des stylistes, la vue avec les mannequins à la chair tendre pendant les défilés, l’odorat conquis par les fragrances synthétisées spécialement pour chacun des stylistes par le parfumeur Givaudan, le goût de l’anchoïade dégustée sur l’herbe des jardins suspendus et l’ouïe des concerts en plein air orchestrés par Stage of The Art (lives de Citizens ! TEED et Esser). Et que vous soyez dissipé ou studieux, vous pourrez toujours choisir entre une séance de chilling en sirotant de l’eau de coco sur chaise longue et une conférence sur le textile et la mode.
On admire le Canadien Steven Tai, lauréat du prix Chloé 2012 pour ses empilements de matières, rappelant des stratifications de livres, ses cotons molletonnés et surtout sa robe automate où des centaines de plumes de stylo s’animent, alternant concavité et convexité grâce à de minutieux circuits imprimés accrochés dans le dos du mannequin.
Raflant le prix du public et le prix Première Vision, l’Estonienne Ragne Kikas met en scène une collection monochrome noir aux circonvolutions tricotées en maille et rappelant les coraux des fonds marins. Ses pieuvres fractales cousues à même les poches et sur le bas des reins, hypnotisent et fascinent.
Colle blanche et casquettes fleuries
Lauréates du grand prix du jury l’Oréal Professionnel, trois Finlandaises Siiri Raasakka, Tiia Siren et Elina Laitinen, transfuges de Tavi Gevinson, décapitent quant à elles la monochromie avec une collection Homme néo-punk, parfait remède contre la crise. Plaids à franges, pulls over-sized, casquettes fleuries et fragrance GLUE qui nous replonge dans les petits pots de colle blanche de notre enfance.
La séance de clôture du festival s’achève en toute intimité avec un brunch familial, lundi, après le départ des festivaliers. La villa Noailles ruisselante de pluie et fourmillant d’irréductibles courageux s’affaire à ranger les éclats laissés par trois jours de lumière et quatre mois de préparation dans l’ombre. Les expositions temporaires délaissées par l’hystérie collective resteront ouvertes jusqu’à fin mai.
Abigail Ainouz