Chaque semaine, nous interrogeons une personnalité sur son rapport au web. Aujourd’hui Pierre Bouby, footballeur de Ligue 2 au club de l’AJ Auxerre. Bien qu’il nie – d’après sa bio Twitter – vouloir « enlever l’étiquette du débile collée sur le front du footballeur », le vent frais qu’il apporte dans un football à la communication habituellement verrouillée est indéniable.
« Je réponds plus facilement à un message Twitter qu’à mon téléphone portable », s’amuse Pierre Bouby. D’habitude, pour interviewer un footballeur, il est nécessaire de passer par la communication du club dans lequel il joue, ce qui prend un certain temps. Ce n’est pas le cas avec Pierre Bouby, joueur de l’AJ Auxerre en Ligue 2. S’il s’est taillé une solide réputation, c’est autant pour sa maîtrise du tweet que pour ses débordements aile gauche. Interview.
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Depuis combien de temps utilises-tu Twitter ?
Depuis trois ans environ. J’évoluais au club de Nîmes à l’époque. Je m’y étais déjà frotté un an auparavant mais, à l’époque, je ne maîtrisais pas encore bien le système Twitter et ça m’a vite agacé. Je publiais mes bêtises habituelles sur Facebook et ça me suffisait amplement. Finalement, j’ai réitéré l’expérience, je m’y suis mis un peu plus et j’ai vite compris que ce réseau social présentait une grande puissance. Je m’en suis notamment rendu compte à cause d’une malheureuse aventure avec un homme politique. Ça m’a servi de leçon.
Que s’est-il passé ?
J’avais manqué de respect à un homme politique français (il s’agissait de Jean-François Copé en octobre 2012, ndlr) et un membre de son parti, de la région du Gard, avait remarqué mon tweet. A l’époque j’avais encore très peu de followers, une centaine tout au plus. Puis cette « affaire » a été reprise par un journal local, Objectif Gard. Eux, pour le coup, n’ont vraiment pas d’humour. A partir du moment où un tweet est publié, ils le prennent au premier degré, sans réfléchir. Ça doit leur servir à leur bâtir une renommée.
Comment ça c’est terminé te concernant ?
Je me suis excusé dans l’heure qui a suivi car ce que j’avais tweeté n’était pas correct vis-a-vis du club et de mon employeur. C’est surtout pour ça, car mon tweet n’était évidemment pas à prendre au premier degré.
Cet événement t’a-t-il apporté une nouvelle notoriété sur Twitter malgré tout ?
Non, pas du tout. La notoriété n’est pas mon objectif. Je ne suis pas là pour tailler les gens, j’aime dire ce que je pense sur Twitter. J’essaye d’être moi-même, c’est comme ça que ça marche. Si j’avais pu me passer de cet événement, franchement je l’aurais fait. Ce n’était pas une bonne pub, c’était même un peu débile de ma part.
Tu dis que tu n’es pas là pour tailler, mais en regardant certains de tes tweets, tu chambres souvent…
Ah oui c’est sûr. Après il y a chambrer et chambrer (rires). Mon but n’est pas de faire du mal. C’est vrai que je peux parfois être un peu hardcore mais c’est un humour qui me fait rire. Je suis footballeur en Ligue 2, je peux te dire que moi aussi j’en entends des belles tous les weekends (rires). Il faut savoir passer au dessus de tout ça, avoir de l’auto-dérision, je pense que c’est important. Je fais ces tweets parce que j’en ai.
Putain mais les chinois, ils en font toujours des tonnes. Ils peuvent pas faire un feu d’artifice normal, comme tout le monde…
— PB•7 (@PBouby) 12 Août 2015
Tu écris dans ta bio Twitter : « Mes tweets ne sont pas là pour enlever l’étiquette de débile collée sur le front des footballeurs ». Mais par ton utilisation de Twitter, tu sembles vouloir donner une autre image de celle usuellement véhiculée ?
Il y a des cons partout. On fait beaucoup d’amalgames sur les footballeurs car c’est vrai qu’il n’y en a pas beaucoup qui deviennent avocat à la fin de leur carrière. C’est inévitable. On a sacrifié notre vie pour le sport : pour certain avec succès, pour d’autres non. Il ne faut dénigrer aucun métier. J’ai rencontré des plombiers cons, des journalistes cons… Il y en a partout.
Sur Twitter tu t’amuses à faire des live-tweets d’émissions de télévision. C’est un exercice assez populaire chez les twittos ?
En tant que footballeur, on est constamment sous le feu des projecteurs. On passe toute une carrière à se faire juger. C’est pour cela que je ne me gêne pas pour juger les émissions de télé à la con. Je me dis qu’on ne rend pas service à la jeunesse en diffusant des trucs pareils. Quand je vois les Anges ou autres… Après ça reste mon point de vue. Je suis quelqu’un de terre à terre, chacun pense ce qu’il veut !
Tu estimes avoir bien saisi les codes de Twitter avec le temps ?
Je sais assez bien m’en servir oui. J’ai appris au fur et à mesure. La petite pastille bleue (cela signifie que son compte est « certifié » par Twitter) à côté de mon nom aide aussi, je ne peux pas le cacher. Mais c’est aussi un inconvénient, dès que je dis un truc de travers, je suis repris de volée. J’essaye de rester moi-même au maximum, je n’essaye pas de jouer un rôle. Et, paradoxalement, beaucoup se cachent derrière un avatar, sans mettre leur photo. Pour avoir rencontré plusieurs twittos « en vrai », avec qui j’ai sympathisé, je me suis rendu compte que je retrouvais à chaque fois les mêmes personnes, leurs esprits correspondaient. Quand on est con sur Twitter, on est con dans la vie (rires).
D’autres footballeurs t’ont-ils déjà reproché de chambrer sur Twitter ?
J’ai eu des remarques de supporters. J’avais chambré Jérémy Morel qui jouait à l’époque à l’Olympique de Marseille. J’avais écrit un tweet en disant qu’il n’arrivait jamais à centrer et je me suis vite fait reprendre de volée par les supporters de l’OM. C’est parti à fond la caisse ! Beaucoup de fans du club sont sur Twitter. Après les remarques du style : « Au lieu de tweeter, tu ferais mieux de jouer au foot », je les entends tous les jours. J’assume et je ne vais m’arrêter pour autant.
Morel, tu le fous au milieu du désert, tu lui demandes de te faire un centre, il est capable de toucher le seul arbres qui s’y trouve ! — PB•7 (@PBouby) 31 Juillet 2013
Peux-tu nous raconter ton aventure avec Adidas ?
Ça remonte là aussi à l’époque où j’évoluais au club de Nîmes. On arrivait à la fin du championnat. Je me suis dit : « Les paires de chaussures de foot, mine de rien ça coûte cher. Même pour un joueur de Ligue 2, 200 euros la paire, sachant qu’on en utilise une dizaine à l’année, ce n’est pas rien ». J’avais envie de me faire sponsoriser alors j’ai demandé (rires). J’ai envoyé un tweet type à toutes les marques en disant : « Bonjour, seriez-vous prêts à sponsoriser un joueur moyen de L2 ? ». Mes twittos ont relayé le truc, ils m’ont même créé un hashtag… Tout ça a pris de l’ampleur et un bon matin j’ai reçu un message privé de la marque qui m’a dit que je les avais faits rire. Ils ont été cools, ils sont rentrés dans le jeu, même si c’est bon pour leur image. Une autre marque m’avait répondu (Kipsta de Décathlon, ndlr), mais bon, jouer avec des bottes c’est pas… (rires)
Lors de la finale de la coupe de France (face au PSG, le 30 mai 2015), une de tes photos tweetées a été particulièrement reprise. Ne crains-tu pas qu’un micro-événement de la sorte puisse prendre une telle ampleur à cause de Twitter ?
Ce sont les mêmes types qui me suivent habituellement qui ont fait ça, c’est parti dans un tourbillon d’humour débile. En plus avec l’actualité récente, ça a été repris partout. Après, pour te répondre, non ça ne me fait pas peur, même si j’admets parfois ne pas bien m’en rendre compte. Je ne manque de respect à personne, mon but n’est pas de blesser les gens mais de faire rire. Ceux qui ne partagent pas mon humour n’ont qu’à ne pas me suivre.
J-1 #TeamAJA pic.twitter.com/VWcUR8xmjq
— PB•7 (@PBouby) 29 Mai 2015
Mais si, par exemple, un des montages te mettant en scène est mal interprété par quelqu’un. Même si ce n’est pas de ta responsabilité, le fait que ton image puisse être reprise de la sorte ne te fais pas peur ?
Pas du tout. Chacun fait ce qu’il veut avec ma tête à partir du moment où je l’expose sur Twitter. Après si les détournements ne me plaisent pas je ne les retweete pas. Toutes les conneries sont bonnes à faire et à diffuser, je suis le premier client de ce genre de choses. Si quelqu’un vient me voir en me disant que ça ne lui plaît pas, je lui répondrai que chacun fait ce qu’il veut.
Connais-tu d’autres sportifs accros à Twitter comme toi ?
Oui il y en a quelques-uns. Il y a Manu Imorou notamment qui est très bon. Je ne le connaissais pas personnellement et on s’est rencontré via Twitter. Le basketteur Ali Traoré pareil, je dois bientôt le rencontrer. Mahiedine Mekhissi l’athlète, on se suit mutuellement depuis moins de deux mois. Je les connaissais tous en tant que sportifs mais pas humainement. Je peux aussi te citer Cyrille Diabaté qui fait de l’Ultimate Fighting, c’est un mec sympa. Jérémie Janot, l’ancien gardien de Saint-Etienne, est très bon sur Twitter. Clément Grenier, le joueur de Lyon, tweet aussi beaucoup, mais on n’est pas du tout dans le même délire.
En parlant de l’Olympique Lyonnais, que penses-tu de l’utilisation de Twitter de son président Jean-Michel Aulas, qui répond systématiquement à tous les supporters ?
Il me fait mourir de rire, il a une excellente répartie, il est très doué. Après, est-ce qu’un président doit faire ça ? Je ne peux pas juger. Grâce à ça, je trouve qu’il descend de son piédestal de président. Il envoie des piques, il est abordable.
Est-ce que ça permet d’humaniser le sport et les sportifs ? Surtout quand on sait à quel point la communication peut-être verrouillée dans le football…
Absolument. Après personnellement, je ne suis plus verrouillé. Je peux te répondre en interview si tu me le demandes par Twitter, je ne passe pas par la cellule communication du club. Je suis mon propre Community manager, sans filtre. Je suis assez grand pour savoir ce que j’ai à dire. Ça humanise le milieu et ça lui donne une meilleure image. On nous a cassés en deux après les événements de 2010 lors de la Coupe du monde de foot, on en a pris plein la tronche. On l’a ressenti directement dans les stades où l’affluence a fortement baissé.
Tu es présent sur d’autres réseaux sociaux ?
Je suis sur Instagram mais je n’y retrouve pas « l’esprit Twitter ». J’y mets quelques conneries mais ça reste plus intime. J’accepte tout le monde mais je surveille qui veut me rejoindre.
Pourquoi te sens-tu aussi à l’aise sur Twitter ?
Il y a zéro barrière sur Twitter, c’est un réseau ouvert à tous les esprits un peu « chelou ». Ces mecs qui vont faire des blagues dans la rue que personne ne va comprendre. Et bien, sur Twitter, tu trouveras toujours quelqu’un qui va rire à ta connerie. Même chez moi, parfois je tweet des trucs qui me font mourir de rire mais que ma femme ou mon beau-père ne vont pas du tout comprendre, car ils n’ont pas les codes de Twitter. Comme en ce moment les deux photos de Booba qui sont reprises un peu partout. Ce sont des petites choses comme ça qui nous font rire sur Twitter mais que les gens extérieures au réseau ne comprennent pas. C’est une planète un peu à part ce réseau finalement.
pic.twitter.com/K7DhFZKJRv — PB•7 (@PBouby) 12 Août 2015
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