François Busnel a rassemblé ses échanges avec Philip Roth depuis 2009 pour esquisser un portrait qui sera, selon le grand romancier américain, son ultime apparition publique. A découvrir jeudi sur France 5 dans “La Grande Librairie”.
Depuis qu’il a annoncé fin 2012 qu’il n’écrirait plus de romans, Philip Roth a décidé “de prendre du bon temps”. Lire tous les livres qu’il n’avait pas eu le temps de lire, contempler les arbres centenaires qui peuplent le jardin de sa maison de Connecticut, se perdre dans les rues de New York, ville omniprésente dans ses romans…
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Et puis, comme il le confie à François Busnel dans un documentaire, Philip Roth, biographie d’une œuvre, qui rassemble plusieurs entretiens que le journaliste a eu avec le romancier entre 2009 et 2015, “écrire est un acte trop frustrant”, “un combat acharné” dont il faut savoir se libérer, pour enfin “être heureux”. Est-ce si sûr ? Faut-il croire à cette sincérité apparente d’un homme apaisé par le retrait de ce qui l’a constitué pleinement durant cinquante ans ? Peut-on se dire heureux de ne plus écrire après avoir écrit autant de romans traversés par l’énergie, la vitalité et la férocité des mots agencés ? L’interrogation traverse en creux le documentaire, qui prenant acte de l’engagement de l’écrivain, semble toujours en douter un peu. Comme s’il s’agissait de résister à l’idée d’une fin.
Au fil des conversations, assis dans son appartement new-yorkais ou dans sa villa du Connecticut, près du pupitre où il rédigeait ses livres debout, le projet littéraire de Roth se dessine, depuis son enfance à ses premiers textes, jusqu’à cet accomplissement en forme de retraite avancée. Avec son livre Nemesis, succédant au Rabaissement et à Indignation, tous guidés par l’idée d’un cataclysme, une vie littéraire s’est achevée, sur une touche plus sombre que la majorité de ses romans dont François Busnel rappelle les enjeux depuis Goodbye, Colombus, paru en 1959, puis Portnoy et son complexe, en 1969, son immense succès dont il se dit aujourd’hui distancié. L’exubérance comique, l’extravagance du livre lui semblent bien loin de ses préoccupations actuelles.
Roth revient ici sur ses cycles successifs : le cycle « Zuckerman enchaîné » puis la trilogie américaine (Pastorale américaine, J’ai épousé un communiste, La Tache, Exit le fantôme), mais aussi sur ses grands livres isolés, comme son roman le plus corrosif, Le Théâtre de Sabbath (1997). Ainsi regroupées et densifiées, les multiples interventions de Roth éclairent intelligemment le fil de son œuvre et de sa vie, qui forcément s’enchevêtrent plus ou moins secrètement.
Si son visage évolue en fonction des années, s’il semble un peu plus fatigué aujourd’hui, une forme de plénitude semble l’habiter. Son œuvre est immense, sa joie certaine, mais comme le suggère une ultime citation puisée dans Exit, le fantôme – “Je me souviens du bonheur fou. Ça se paie très cher”, rien n’est si simple.
La Grande Librairie : Philip Roth, biographie d’une œuvre, jeudi 19 mars sur France 5 à 20h40
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