Après cinq jours de manifestations qui ont fait vingt morts, le calme n’est toujours pas revenu en Iran. Le mouvement de protestation populaire, sans leader et à l’écart des partis politiques, rappelle irrésistiblement les Printemps arabes.
En Iran, vingt personnes ont été tuées en cinq jours de manifestations, et pourtant la mobilisation ne faiblit pas. Dans la seule nuit de lundi à mardi, on recense neuf victimes dont six dans la seule ville de Qahdarijan (centre du pays), lors de l’attaque d’un commissariat.
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A Téhéran, la capitale, et dans plusieurs autres villes, des manifestants ont attaqué et parfois incendié des bâtiments publics, des centres religieux, des banques, des voitures de police ou des sièges du Bassidj (milice islamique du régime). Des centaines de personnes ont été arrêtées depuis le début des protestations.
L’Iran connaît sa plus grave crise sociale depuis 2009. Mais si, à l’époque, il s’agissait d’un conflit lié au processus électoral – une frange “progressiste » de la population protestait contre la réélection de Mahmoud Ahmadinejad, soupçonné de fraude électorale –, ce mouvement entamé à la fin 2017 est plus spontané, plus diffus. Il a commencé dans des petites villes de province, et les manifestants, dont beaucoup de jeunes et d’étudiants, dénoncent la corruption, la vie chère et les difficultés économiques.
Déçus par le modéré Hassan Rohani
On peut voir dans cette explosion de colère un signe de la déception liée à l’absence d’amélioration économique après l’abandon des sanctions internationales à la suite de l’accord sur le nucléaire. Beaucoup de membres de la classe moyenne qui avaient voté en faveur du leader modéré Hassan Rohani sont déçus de ne pas voir leurs conditions de vie changer. Le chômage reste à un niveau élevé, de 16 à 18 %, et atteindrait même 28 % chez les jeunes, souvent diplômés.
Pourtant la situation a tendance à s’améliorer peu à peu depuis 2015, date de l’accord sur le nucléaire ; l’inflation est passée de 40 à 10 %, et les exportations de pétrole sont importantes. Mais quelque deux années ne sont pas suffisantes pour transformer un système économique et social sclérosé et ravagé par la corruption.
Le mouvement reste difficile à analyser. Comme l’explique Thierry Coville, chercheur à l’IRIS, spécialiste de l’Iran, à FranceInfo : “Les questions économiques sont importantes en Iran, mais les gens attendent aussi une ouverture politique, sociétale, la défense des droits des femmes, etc.”
La ligne dure des Gardiens de la révolution
Le président Rohani est dans une situation délicate, il ne s’est exprimé qu’au bout de trois jours, réaffirmant qu’il fallait créer “un espace pour que les partisans de la révolution et le peuple puissent exprimer leurs inquiétudes quotidiennes”. Mais il est coincé face aux durs du régime qui réclament une répression drastique.
Pour l’instant, ce sont les forces de l’ordre qui interviennent contre les manifestations à Téhéran, mais par la voix d’un de leurs dirigeants, les redoutables Gardiens de la révolution ont affirmé : “Nous ne permettrons en aucune manière que l’insécurité continue à Téhéran.” Et L’ayatollah Ali Khamenei, guide suprême de la Révolution islamique, a accusé mardi matin 2 janvier, les “ennemis” de l’Iran d’être derrière les troubles qui agitent le pays, rapporte la télévision d’État.
Donald Trump s’est bien sûr exprimé par son canal habituel, appelant au changement et en profitant pour dénigrer son prédécesseur.
Iran is failing at every level despite the terrible deal made with them by the Obama Administration. The great Iranian people have been repressed for many years. They are hungry for food & for freedom. Along with human rights, the wealth of Iran is being looted. TIME FOR CHANGE!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) January 1, 2018
[“L’Iran échoue à tous les niveaux malgré l’accord terrible conclu avec l’administration Obama. Le grand peuple iranien a été réprimé pendant de nombreuses années. Ils ont faim de nourriture et de liberté. Avec les droits de l’homme, la richesse de l’Iran est en train d’être pillée.”]
L’Union européenne a fait part quant à elle de son inquiétude : “Nous avons suivi les manifestations des citoyens iraniens au cours des derniers jours. Nous avons été en contact avec les autorités iraniennes et nous espérons que le droit à la manifestation pacifique et la liberté d’expression seront garantis, à la suite des déclarations publiques du président Rohani.”
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