Amoureux et nostalgiques des longs week-ends de fête à Berlin ont de quoi se réjouir. Quelques beaux livres documentent désormais la vie nocturne flashante de la capitale de la fête, de l’époque Bowie-Iggy aux mythiques années zéro sans oublier les nuits magiques de l’après-chute du Mur.
Jusqu’à présent il fallait lire Strobo, cette autofiction qui racontait les errances nocturnes sous drogues dures du journaliste berlinois Airen, qui n’a jamais voulu révéler sa véritable identité, pour retrouver la pénombre et la moiteur du Berghain aux radiateurs surchauffés été comme hiver, la lourde pulsation de la techno qui vous prend à la gorge. En toute logique, c’est lui qui a été invité à écrire le chapitre dédié au club le plus sulfureux de Berlin dans l’excellent livre Nachtleben, une véritable bible illustrée de la vie nocturne berlinoise de 1974 à aujourd’hui, contée sur 300 pages par les figures de la nuit de la capitale allemande.
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Patrons de clubs, piliers de bars et papillons de nuit ouvrent les boîtes à souvenirs, racontent des lieux qui n’existent plus, comme le Dschungel (la jungle), un des premiers clubs alternatifs de Berlin-Ouest ouvert à la fin des années 1970 dans un ancien restaurant chinois (comme l’actuel White Trash), où l’on croisait souvent le Thin White Duke, Nina Hagen ou encore Christiane F., ou l’ancien local du Tresor, qui doit son nom au fait qu’il se trouvait au départ dans la salle des coffres d’une banque. Un chapitre est également consacré à la constellation éphémère de bars illégaux et improvisés surgie à l’orée des années 1990 dans les immeubles abandonnés de l’ex-Berlin-Ext, dont la plupart n’ouvraient qu’une fois par semaine. « La vraie vie ne commençait que le soir », se souvient l’écrivaine Christiane Rösinger, ex-chanteuse du groupe pop Lassie Singers, qui retrace l’itinéraire des fêtards de l’époque :
« Le lundi on allait au bar du lundi, au Ideenshop dans la Torstrasse, le mardi dans le bar du mardi dans la Schröderstrasse, le mercredi traditionnellement au Flittchenbar (le bar des salopes). Le jeudi et le samedi, la galerie berlintokyo était ouverte, et le dimanche on allait au Fink. »
Toujours au rayon nostalgie, on plonge avec bonheur dans les pages du très beau livre de photos 25/7, album souvenir de sept années de fêtes intenses dans ce qui fut l’un des phares qui éclairait les nuits berlinoises des années zéro : le Bar 25 et ses bals masqués, ses déluges de confettis, ses spectacles déjantés dans un décor à mi-chemin entre un cirque et un ranch échoué au bord de la Spree. Depuis qu’il a dû fermer ses portes en 2010, son esprit hante désormais son successeur Kater Holzig, perché sur l’autre rive.
Alors qu’il était interdit, comme dans de nombreux clubs berlinois, de prendre des photos au Bar 25 – en vertu de la fameuse maxime en vigueur dans l’underground berlinois « tout ce qui se passe à l’intérieur reste à l’intérieur » – la photographe Carolin Saage a gagné la confiance des maîtres des lieux et savouré le privilège d’être le seul témoin autorisé à pouvoir immortaliser le faste de ces soirées qui ont fait parler d’elles dans toute l’Europe. Pléthore de paillettes, corps nus roulés dans la boue, grands délires culinaires, clowns et princesses, un Vincent Cassel extasié dans sa veste queue de pie – qu’on retrouve étrangement, cette fois-ci au Soho House, dans le livre Nachtleben… La photographe a su immanquablement capter la folie des grandeurs qui était la griffe du lieu.
Dans Mehr als laut (plus que fort) (1), une vingtaine de DJs habitués des clubs berlinois, tels DJ Koze, Acid Maria, Pacou ou encore Miss Kittin racontent – en allemand ! – les nuits berlinoises vues depuis derrière les platines. Sans surprise, le Panorama Bar revient souvent dans les interviews. Comme le dit le DJ allemand Michael Mayer, cofondateur du label Kompakt :
« C’était comme un chauffage dans une ville froide. Un lieu étrange, enchanteur. Tout était bien sûr totalement sous drogue, mais le système a très bien fonctionné. Tout simplement aussi parce qu’il y avait une sorte de liberté énorme. Du style : « On s’en fiche de ce que tu fais ici – le plus important, c’est que l’autre aime ça aussi. » Sinon il n’y avait pas de limites. Certains appellent ça Sodome et Gomorrhe – d‘autres appellent ça le paradis. »
On ne peut enfin que recommander aux inconditionnels de techno germanophones le livre Der Klang der Familie (le son de la famille), qui compile les témoignages de ceux qui ont participé à l’explosion du 180 BPM dans les clubs et les friches berlinoises dans les années 1990.
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