Depuis près de trente ans, Peter Stuart agit dans l’ombre d’Antoine de Caunes. C’est encore le cas pour Maboul de Séoul, virée fêlée dans la capitale sud-coréenne. Rencontre cool.
Peter Stuart nous attend dans un café du XVe arrondissement de Paris, dans le nouveau quartier Beaugrenelle. Il est américain, la cinquantaine, vieux compagnon de route d’Antoine de Caunes, vous allez comprendre. Ensemble, ils ont achevé récemment Maboul de Séoul, un doc diffusé sur Canal+, dans la lignée de Baba de Barcelone ou d’En berline à Berlin. On y retrouve un de Caunes perdu dans la capitale sud-coréenne, entre K-pop, kimchi et autres phénomènes locaux comme on en voit dans le type de film dont Peter Stuart est le maître d’oeuvre. Pour lui aussi, Séoul, c’était cool : « Cette ville a mis à mal notre écosystème, à Antoine et à moi, et c’est tant mieux. »
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Comme à Barcelone, Berlin ou New York, c’est Stuart qui est parti à la pêche aux cinglés.
« Avec les années, je me suis bâti un réseau de freaks assez incroyable. Mais j’avoue que j’ai des qualités pour trouver des trucs étranges de mon côté, c’est vrai. Souvent, je vais m’installer dans l’endroit sur lequel je travaille : tu dois boire avec les gens, te mettre nu avec les gens, vomir avec les gens. »
Pour Séoul, Peter Stuart est arrivé un mois avant. Lui et de Caunes sont complices depuis plus de trente ans. Ensemble, ils ont fait Rapido au milieu des années 80, sur Canal+ déjà. Rapido, c’était une émission rock culte qui a ouvert sur le monde plus d’un gamin perdu dans la pampa. Une émission rock où la fine fleur de l’époque défilait (de Chris Isaak à Willy DeVille en passant par les dernières livraisons britonnes), mais où on a aussi découvert le rap : De La Soul, par exemple. Ou des groupes de ouf comme Dread Zeppelin, ce combo d’on ne sait plus où en Amérique dont le chanteur – nommé Tortelvis – reprenait du Led Zep en version reggae. C’est que Stuart, comme de Caunes, aime ce genre de types. Peter Stuart : « Notre meilleur client a été Monsieur Pingouin, un Belge qui était certain d’être un pingouin et qui parlait comme un pingouin. Avec Antoine, nous sommes d’accord sur le fait qu’un type comme ça est plus intéressant à filmer que George Clooney. » Pas faux.
Avant de rejoindre la France et de Caunes, Stuart a signé un film culte de la scène punk. « Je suis arrivé chez vous alors que je venais de finir Another State of Mind, un documentaire sur le punk-rock pour lequel j’avais traversé les Etats-Unis avec le groupe Social Distortion. On y croisait aussi Minor Threat, ce qui a contribué à la renommée du film, explique Stuart. Puis je suis arrivé à Paris, je connaissais une personne, la fille que je venais rejoindre, justement – ça tombait bien. Je suis allé à une soirée et j’ai rencontré un type à qui j’ai dit que je savais me servir d’une caméra. Il m’a dit qu’il fallait que je rencontre Antoine de Caunes. On s’est retrouvés dans un restaurant de couscous, c’était en 1985. Il m’a demandé ce que j’écoutais comme musique, je lui ai dit : les Smiths. Il m’a dit : ‘Moi j’aime Stevie Ray Vaughan’. On était faits pour s’entendre. »
Peter Stuart a le goût des histoires simples. Il a aussi le goût de l’ombre, une qualité qui n’est pas donnée à tout le monde.
« Avec Antoine, les rôles se sont distribués très vite. Au moment de Rapido, un type nous a demandé qui allait s’occuper d’éditer l’émission. Antoine a dit que ça ne serait pas lui, donc ça a été moi. Je suis vite devenu le producteur, plaisante Stuart. Une fois, Antoine a essayé de me mettre dans la lumière. J’étais Pierre dans Pierre, Antoine, Karl et Gilles. Ce fut un désastre pour la nation française. »
Les deux ont le même sens de la vanne, des goûts communs dans l’humour. « Nous sommes de grands fans des British : des Monty Python à Peter Sellers en passant par Eddie Izzard. » Leur dernier crush, comme pour beaucoup, s’appelle Louis C.K. En plus des virées à Séoul ou ailleurs, Peter Stuart file un coup de main à de Caunes pour le monologue de son émission. Le tout en direct de Los Angeles où il vit et où, en grand curieux, il écoute Tyler, The Creator et Frank Ocean, que lui fait découvrir sa fille de 14 ans.
« J’envoie les vannes à minuit, il les reçoit vers neuf heures à Paris, c’est rodé, on s’écrit dans une sorte de mélange d’anglais et de français. » Récemment, Peter Stuart a été foudroyé par Booba et Stromae au Grand Journal, signe supplémentaire qu’il s’agit d’un homme de goût.
Pierre Siankowski
(photo Audoin Desforges pour Les Inrockuptibles)
Maboul de Séoul le 11 décembre, 20 h 50, Canal+
{"type":"Banniere-Basse"}