Le photographe de renom allemand Peter Lindbergh, rendu célèbre par ses portraits et clichés réalistes en noir et blanc, tire sa révérence à l’âge de 74 ans. Retour sur une personnalité à laquelle les femmes et la mode doivent beaucoup.
S’il est une chose certaine, c’est que Peter Lindbergh aimait les femmes. Mais s’il captura parmi les plus belles de la planète, c’est bien leur réalité qu’il cherchait à emprisonner, et non l’image fardée d’une beauté souvent aseptisée par l’industrie de la mode. Aller contre la peur de l’âge, montrer les vrais visages, les ridules et marques qui rendent le sujet vivant et unique, c’est ainsi que Lindbergh percevait son art, réussissant ainsi à s’imposer comme un des plus grands photographes de mode de son époque.
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© Peter Lindbergh pic.twitter.com/JKrX8lbwUI
— Ivana (@IArtioli) August 26, 2019
Une approche humaniste à la photographie de mode
Né en 1944 à Leszno, Peter Lindbergh étudia quelque temps à l’Académie des arts de Berlin avant de poursuivre ses études à l’école d’art de Krefeld, où il découvrit l’art abstrait. Il s’impose rapidement en photographie, rejoignant la publication du magazine allemand Stern où il côtoya certains de ses consœurs les plus talentueuses, comme Guy Bourdin ou Helmut Newton. Mais le travail de Lindbergh est caractéristique. Ses portraits, principalement en noir et blanc, apparaissent d’une intensité rare ; fruit de la relation de confiance qu’il tissait avec les mannequins et acteurs qu’il photographiait. Une confiance qu’il acquiert grâce à son approche profondément humaniste de la photographie de mode. Un milieu qu’il observe d’ailleurs du coin de l’œil, se tenant à distance des normes d’une industrie qui fut, dans les années 80 parfois figées dans une vision du Beau très standardisée.
Il souhaitait à travers son travail dans la mode “libérer les femmes de la dictature de la perfection”, expliquait-il au Monde en 2016. Un oxymore ? Peut-être, il n’empêche que son absence de compromis lui permit de rester fidèle à sa vision tout au long de sa carrière et d’apparaître comme une figure à part. Dans une interview à Show Studio, le photographe explique avoir “une définition très simple de la beauté, c’est d’être soi-même”. Le but n’était pas selon lui de capturer une vérité absolue sur la personne, “il est impossible de prendre une photographie qui traduise exactement la personne, et c’est tant mieux, l’individu est bien trop complexe”.
Attristé d'apprendre le décès de Peter Lindbergh, photographe légendaire, qui en 2014 a offert ses plus beaux portraits de femmes à @RSF_inter pour notre album "100 Photos pour la liberté de la presse". Toutes nos pensées et nos condoléances à sa famille. pic.twitter.com/b7zzQ5J905
— Christophe Deloire (@cdeloire) September 4, 2019
Une relation de confiance qui fit le succès de ses clichés
Influencé par Richard Avedon, c’est la confiance d’Anna Wintour, lui proposant la couverture du Vogue américain à son arrivée au journal en 1988, qui sacrera son travail dans le monde de la mode. Fort de cette renommée, il lancera la carrière de nombre de mannequins, “l’ère des supermodels”, grâce à la couverture britannique de janvier 1990, regroupant pour la première fois les monstres Cindy Crawford, Naomi Campbell et Linda Evangelista, entre autres.
Peter Lindbergh, le maître du noir et blanc vient de tirer sa révérence. L’occasion de replonger dans ses archives ❤️ pic.twitter.com/UBCOEwbdy4
— melody___t (@melody___t) September 4, 2019
Ses photographies, émouvantes et personnelles, séduisent, et les célébrités lui accordent rapidement leur confiance. Car Peter Lindbergh voyait sa pratique comme une forme de collaboration entre le photographe, lui, et le photographié. Une relation à double sens, et une représentation qui ne peut, pour être authentique, que se construire à deux. D’une toute jeune Kate Moss à une Kate Winslet déterminée, mais aussi plus récemment Isabelle Huppert ou encore Greta Thunberg, l’intensité de ses portraits de femmes, comme d’hommes, célèbre une beauté finalement plus artistique que plastique. Car c’est bien à un artiste que nous avons affaire, et non seulement à un photographe de mode, si peu pertinent soit-il de distinguer les deux.
Peter Lindbergh c’est, parmi tous ses portraits, celui-ci que j’aime tant d’Isabelle Huppert pic.twitter.com/dTKUDvPoDZ
— Félix H (@Felhaus) September 4, 2019
La responsabilité du photographe
La force de l’œuvre de Peter Lindbergh est aussi et surtout celle d’une vision pragmatique de son travail. “En tant que photographe, on a évidemment une responsabilité. (…) Je ne voulais pas que mon travail tombe dans la politique, mais c’est une décision tout de même politique, que de tomber ou non dans la vision acceptée de la beauté d’une époque”, précise-t-il dans l’interview pour Show Studio.
L’impact de Peter Lindbergh est donc celui d’un avant-garde. Mais au fond, n’est-ce pas le propre de tout artiste que de résister à la pression d’une société homogénéisée ? Lindbergh clôture une carrière marquée par un refus optimiste de suivre la norme et une envie de raconter des histoires.
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